Pourquoi les Flamands protestent-ils autant contre l’arrivée de nouveaux McDonald’s ?
([Société] 2025-04-01 (DaarDaar))
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- News link: https://daardaar.be/rubriques/societe/pourquoi-les-flamands-protestent-ils-autant-contre-larrivee-de-nouveaux-mcdonalds/
- Source link: https://www.rtbf.be/article/pourquoi-l-arrivee-de-nouveaux-mcdonald-s-suscite-autant-de-protestations-en-flandre-11526779
Déjà solidement installée dans toutes les grandes villes flamandes, la chaîne américaine de fast-food McDonald’s tente de s’implanter dans la campagne du nord du pays. C’est sans compter la protestation systématique des citoyens… Comment se fait-il que l’installation de nouveaux McDonald’s suscite une telle levée de boucliers en Flandre ?
De Torhout à Hasselt, en passant par la Campine, la « burgeroorlog » (« guerre des burgers ») contre les McDonald’s continue de sévir en Flandre. Pour l’instant, c’est l’irréductible village de Hoevenen au nord d’Anvers qui tente encore et toujours de résister à l’envahisseur américain.
Des habitants inquiets ont par exemple lancé une pétition en ligne contre l’installation d’un nouveau McDonald’s et d’une pompe à essence dans leur village. Les opposants craignent notamment que cela provoque une intensification des embouteillages, une multiplication des déchets et un impact négatif sur les entrepreneurs locaux.
Dans la région anversoise et dans le reste de la Flandre, des situations similaires se sont déjà produites : à Grobbendonck, par exemple, 435 réclamations ont été déposées contre l’ouverture d’une nouvelle filiale de McDonald’s.
Pour le spécialiste en marketing Fons Van Dyck, cette hostilité n’a rien de surprenant. « McDonald’s n’est pas seulement un restaurant. C’est un symbole : celui d’un monde globalisé, sous hégémonie américaine. »
À ses yeux, même si McDonald’s Belgium met en avant ses fournisseurs locaux et adapte ses menus ajustés au goût belge, l’imaginaire reste, lui, profondément américain. Et c’est précisément ce qui heurte dans une Flandre où l’attachement à l’identité locale reste fort, assure le professeur invité à la VUB.
Derrière ces protestations, le spécialiste des marques identifie un phénomène plus profond : une nostalgie bien ancrée. Il reprend le terme utilisé par certains sociologues comme Zygmunt Bauman de « rétrotopie »: une forme de rêve à rebours, où l’on idéalise un passé plus simple, plus harmonieux : « On voit un certain repli sur soi. Le passé serait meilleur que le quotidien et l’avenir. Dans ce contexte, l’arrivée d’un McDonald’s est alors considérée comme un signe de modernité. »
Cette nostalgie ne touche pas seulement les personnes âgées, poursuit Fons Van Dyck. [1]Le retour triomphal du groupe pop K3 , 25 ans après sa création, illustre bien le sentiment de nostalgie au sein de la population flamande : « Même des jeunes adultes entre 30 et 40 ans idéalisent une époque passée qu’ils associent à plus de stabilité. »
[2]Come-back 25 ans après : quand K3 rime avec nostalgie
Cette nostalgie s’accompagne d’une mentalité conservatrice marquée en Flandre. Selon le spécialiste en communication, cette mentalité se manifeste aussi dans les urnes à travers le succès de partis nationalistes ou identitaires, comme la N-VA ou le Vlaams Belang.
Avant d’ajouter que le désir très concret de « défendre son village » joue aussi un rôle : « On assiste à une volonté de préserver son environnement immédiat, son quartier, sa commune, son ‘Heimat’, comme on dit en allemand. On ressent une forme d’attaque symbolique quand un acteur mondial s’y implante. »
McDonald’s devient alors le symbole d’une intrusion dans une vie de village que l’on voudrait conserver telle qu’elle est, voire telle qu’elle a été idéalisée, ajoute Fons Van Dyck : « Là où la friterie du coin évoque les traditions et le lien social, le géant du fast-food incarne vitesse, anonymat et transformation du paysage. »
Derrière le rejet d’un fast-food, se cache une époque troublée. Pour Fons Van Dyck, la montée des protestations reflète une anxiété sociale profonde, proche de celle vécue dans les années 1970-1980 : « C’était l’époque du punk, de la new wave, du ‘No future’. Aujourd’hui, on retrouve ce même sentiment chez les jeunes générations, qui se replient sur elles-mêmes, souvent en ligne, et se tournent vers des figures autoritaires. »
Crises économiques, conflits géopolitiques, catastrophes climatiques… les sources de stress collectif s’accumulent. Dans ce contexte, toute forme de nouveauté, surtout venue de l’étranger, est perçue avec méfiance. » McDonald’s, malgré sa promesse de constance, incarne une modernité anxiogène « , ajoute le professeur invité à la VUB.
Selon lui, ce réflexe de protection identitaire n’est néanmoins pas propre à la Flandre. De la France à l’Italie, en passant par l’Allemagne, la critique des marques américaines va souvent de pair avec la défense du terroir, des traditions locales, d’un mode de vie perçu comme en danger.
À Hoevenen, le combat se poursuit. Dans les médias flamands, on parle de burgeroorlog : une « guerre des burgers » au double sens du terme – guerre contre les hamburgers, mais aussi guerre civile (burger signifiant aussi citoyen en néerlandais). La tension entre partisans du développement économique et défenseurs du patrimoine local fracture les villages.
Il faudra encore attendre avant de connaître la décision officielle de la commune de Stabroek, dont dépend Hoevenen. Une enquête publique doit d’abord être menée. Mais une chose est sûre : cette burgeroorlog contre les McDonald’s en Flandre est loin d’être terminée.
[1] https://daardaar.be/rubriques/culture-et-medias/come-back-25-ans-apres-quand-k3-rime-avec-nostalgie/
[2] https://daardaar.be/rubriques/culture-et-medias/come-back-25-ans-apres-quand-k3-rime-avec-nostalgie/
De Torhout à Hasselt, en passant par la Campine, la « burgeroorlog » (« guerre des burgers ») contre les McDonald’s continue de sévir en Flandre. Pour l’instant, c’est l’irréductible village de Hoevenen au nord d’Anvers qui tente encore et toujours de résister à l’envahisseur américain.
Des habitants inquiets ont par exemple lancé une pétition en ligne contre l’installation d’un nouveau McDonald’s et d’une pompe à essence dans leur village. Les opposants craignent notamment que cela provoque une intensification des embouteillages, une multiplication des déchets et un impact négatif sur les entrepreneurs locaux.
Mc Donald’s : symbole d’une mondialisation exacerbée
Dans la région anversoise et dans le reste de la Flandre, des situations similaires se sont déjà produites : à Grobbendonck, par exemple, 435 réclamations ont été déposées contre l’ouverture d’une nouvelle filiale de McDonald’s.
Pour le spécialiste en marketing Fons Van Dyck, cette hostilité n’a rien de surprenant. « McDonald’s n’est pas seulement un restaurant. C’est un symbole : celui d’un monde globalisé, sous hégémonie américaine. »
À ses yeux, même si McDonald’s Belgium met en avant ses fournisseurs locaux et adapte ses menus ajustés au goût belge, l’imaginaire reste, lui, profondément américain. Et c’est précisément ce qui heurte dans une Flandre où l’attachement à l’identité locale reste fort, assure le professeur invité à la VUB.
Nostalgie : le passé comme refuge
Derrière ces protestations, le spécialiste des marques identifie un phénomène plus profond : une nostalgie bien ancrée. Il reprend le terme utilisé par certains sociologues comme Zygmunt Bauman de « rétrotopie »: une forme de rêve à rebours, où l’on idéalise un passé plus simple, plus harmonieux : « On voit un certain repli sur soi. Le passé serait meilleur que le quotidien et l’avenir. Dans ce contexte, l’arrivée d’un McDonald’s est alors considérée comme un signe de modernité. »
Cette nostalgie ne touche pas seulement les personnes âgées, poursuit Fons Van Dyck. [1]Le retour triomphal du groupe pop K3 , 25 ans après sa création, illustre bien le sentiment de nostalgie au sein de la population flamande : « Même des jeunes adultes entre 30 et 40 ans idéalisent une époque passée qu’ils associent à plus de stabilité. »
[2]Come-back 25 ans après : quand K3 rime avec nostalgie
Mentalité conservatrice : défendre son village
Cette nostalgie s’accompagne d’une mentalité conservatrice marquée en Flandre. Selon le spécialiste en communication, cette mentalité se manifeste aussi dans les urnes à travers le succès de partis nationalistes ou identitaires, comme la N-VA ou le Vlaams Belang.
Avant d’ajouter que le désir très concret de « défendre son village » joue aussi un rôle : « On assiste à une volonté de préserver son environnement immédiat, son quartier, sa commune, son ‘Heimat’, comme on dit en allemand. On ressent une forme d’attaque symbolique quand un acteur mondial s’y implante. »
McDonald’s devient alors le symbole d’une intrusion dans une vie de village que l’on voudrait conserver telle qu’elle est, voire telle qu’elle a été idéalisée, ajoute Fons Van Dyck : « Là où la friterie du coin évoque les traditions et le lien social, le géant du fast-food incarne vitesse, anonymat et transformation du paysage. »
Retour de l’anxiété : un phénomène mondial
Derrière le rejet d’un fast-food, se cache une époque troublée. Pour Fons Van Dyck, la montée des protestations reflète une anxiété sociale profonde, proche de celle vécue dans les années 1970-1980 : « C’était l’époque du punk, de la new wave, du ‘No future’. Aujourd’hui, on retrouve ce même sentiment chez les jeunes générations, qui se replient sur elles-mêmes, souvent en ligne, et se tournent vers des figures autoritaires. »
Crises économiques, conflits géopolitiques, catastrophes climatiques… les sources de stress collectif s’accumulent. Dans ce contexte, toute forme de nouveauté, surtout venue de l’étranger, est perçue avec méfiance. » McDonald’s, malgré sa promesse de constance, incarne une modernité anxiogène « , ajoute le professeur invité à la VUB.
McDonald’s incarne une modernité anxiogène
Selon lui, ce réflexe de protection identitaire n’est néanmoins pas propre à la Flandre. De la France à l’Italie, en passant par l’Allemagne, la critique des marques américaines va souvent de pair avec la défense du terroir, des traditions locales, d’un mode de vie perçu comme en danger.
À Hoevenen, le combat se poursuit. Dans les médias flamands, on parle de burgeroorlog : une « guerre des burgers » au double sens du terme – guerre contre les hamburgers, mais aussi guerre civile (burger signifiant aussi citoyen en néerlandais). La tension entre partisans du développement économique et défenseurs du patrimoine local fracture les villages.
Il faudra encore attendre avant de connaître la décision officielle de la commune de Stabroek, dont dépend Hoevenen. Une enquête publique doit d’abord être menée. Mais une chose est sûre : cette burgeroorlog contre les McDonald’s en Flandre est loin d’être terminée.
[1] https://daardaar.be/rubriques/culture-et-medias/come-back-25-ans-apres-quand-k3-rime-avec-nostalgie/
[2] https://daardaar.be/rubriques/culture-et-medias/come-back-25-ans-apres-quand-k3-rime-avec-nostalgie/