Pourquoi le « Dieu » Steve Stevaert fascine encore la Flandre, 10 ans après sa mort
([Politique] 2025-04-01 (DaarDaar))
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Steve Stevaert était une légende en Flandre. C’est sous la présidence de ce cafetier charismatique limbourgeois que le sp.a, le parti socialiste flamand, a enregistré son meilleur résultat électoral. Dix ans après sa mort, ce politique limbourgeois marque encore les esprits et fait l’objet d’un documentaire en quatre volets sur la VRT.
« Le socialisme sera convivial ou ne sera pas », « Je pensais que c’était plus difficile d’être ministre », « Le Vlaams Blok, c’est comme un trou dans une haie. Plus vous essayez de le couper, plus il s’agrandit »: Steve Stevaert était connu pour ses slogans percutants et son charisme comme on peut le constater [1]dans le documentaire « De schaduw van de macht » (L’ombre du pouvoir) , diffusé sur la VRT, dix ans après le suicide du politicien limbourgeois. Portrait de « Dieu », entre fulgurance politique et tragédie personnelle.
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Derrière chaque grande figure politique, il y a souvent un parcours inattendu. Celui de Steve Stevaert commence… derrière un comptoir. À Hasselt, il tient plusieurs cafés très fréquentés. « Avant d’entrer en politique, j’ai tenu entre 10 et 15 cafés », expliquait-il à la RTBF.
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Que ce soit derrière sa pompe à bière ou à vélo dans Hasselt, il est proche de ses concitoyens. « Il savait ce que les gens voulaient. Il n’avait pas fait d’études universitaires, mais il était très malin », explique Johny Vansevenant, journaliste politique de la VRT pendant 35 ans. Cette capacité intuitive à sentir l’opinion publique lui collera à la peau : « Il avait un système de sondage dans le ventre. Il savait comment parler aux gens », ajoute l’ancien journaliste.
« Il avait un système de sondage dans le ventre. »
C’est Willy Claes, homme fort du socialisme limbourgeois, qui repère ce cafetier au langage direct et à la gouaille populaire. La suite est rapide : conseiller provincial, bourgmestre de Hasselt, puis ministre, président du SP.A : il grimpe les échelons en incarnant un socialisme à visage humain, qu’il aimait qualifier de « gezellig », convivial.
Steve Stevaert ne tarde pas à imprimer sa marque. Comme bourgmestre à Hasselt, il rend les bus totalement gratuits. Une décision qui étonne, puis séduit : des délégations du monde entier sont venues voir comment s’y prenait le Limbourgeois.
Arrivé au gouvernement flamand, il étend la gratuité des transports aux seniors. Il défend aussi un quota d’électricité gratuite pour les ménages. Son credo ? Aider ceux qui en ont le plus besoin, rappelle Johny Vansevenant : « Il pensait toujours aux revenus bas, les revenus élevés devaient payer plus. »
À côté de ses mesures sociales, Steve Stevaert sera aussi baptisé « demolition man » à force de faire détruire des maisons construites illégalement. Il se battra également contre les chauffards en imposant les radars automatiques. « Il pouvait être à la fois doux et très sévère. Cette combinaison l’a rendu très populaire », confirme l’ex-journaliste de la VRT.
Une dualité que l’on retrouve chez l’actuel président des socialistes flamands, Conner Rousseau, constate Johny Vansevenant : « Comme Stevaert, Conner Rousseau est une figure populaire capable de marquer son parti. Mais là où Stevaert prônait un socialisme chaleureux en temps de prospérité, Rousseau incarne un leadership plus dur, adapté à une époque d’austérité, avec des positions tranchées sur la sécurité et la migration. Steve Stevaert était, quant à lui, d’avis qu’il ne fallait parler de ces thématiques sous peine de renforcer le Vlaams Blok. »
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Même s’il est la figure de proue du SP.A de l’époque, Steve Stevaert n’est pas seul à faire partie de la génération dorée socialiste flamande. Avec Frank Vandenbroucke, Johan Vande Lanotte et Patrick Janssens, il forme les « Teletubbies », une appellation née de leur porte-parole de l’époque, Vivi Lombaerts. À ce quatuor s’ajoute rapidement Freya Van den Bossche, alors étoile montante du parti.
Pendant l’été 2002, les Teletubbies organisent une tournée/conférence de presse marathon en bus pour leurs campagnes aux élections fédérales de 2003, le tout suivi par de nombreux journalistes du nord du pays. Ils participent aussi à de nombreuses émissions de divertissement, comme De Laatste Show.
« C’est une idée marketing qui a bien fonctionné » analyse Johny Vansevenant. « Stevaert le populaire, Vandenbroucke le sérieux, Janssens le stratège : c’était une bonne combinaison. »
Stevaert remplace Janssens à la tête du parti, ce dernier prenant les rênes de la ville d’Anvers. Ensemble, les Teletubbies modernisent l’image du parti et puis capitalisent sur une période économiquement favorable. « L’époque Verhofstadt permet une politique de cadeaux : il n’y avait pas d’austérité, pas de crises », se souvient l’auteur du livre « De strijd om de macht » (« La lutte pour le pouvoir »).
Résultat : en 2003, le SP.A, en cartel avec les flamingants de Spirit (de Bert Anciaux) grimpe à 24%, un résultat historique. Le quotidien De Morgen le sacre « Dieu » en Une.
Un an après la victoire électorale historique du parti socialiste flamand, le magazine Humo, élit Stevaert comme la « personnalité politique de l’année ». Il rayonne mais pas pour longtemps.
Tout ne se passe pas comme prévu pour « Dieu »: pendant la campagne pour les élections régionales, alors que Steve Stevaert ambitionne le poste de ministre-président flamand, il tente de construire un cartel avec les Verts. En vain.
Contre toute attente, l’homme fort socialiste se fait ensuite huer lors de la remise de prix organisé par le magazine Humo, le tout devant les caméras de TV. Son ego en prend un coup : « Il tirait son énergie de sa popularité. Il avait besoin d’être aimé », témoigne l’ancien journaliste de la VRT.
Cette huée sera un signe précurseur de la défaite des socialistes flamands : le SP.A tombe sous la barre des 20% lors des élections régionales de 2004. Stevaert perd la main et voit Yves Leterme lui ravir la vedette.
À défaut de devenir ministre président, il troque du jour au lendemain le poste de président du SP.A pour celui de gouverneur de la province de Limbourg en 2005.
►►► À relire :
[2]Lutte de pouvoir pour remplacer Stevaert chez Ethias
En 2009, l’ancien président du SP.A prend congé de la scène politique tout court. « Il disait souvent que tous les politiciens avaient une « date de péremption » », contextualise Johny Vansevenant. L’année suivante, Steve Stevaert annonce qu’il se retire complètement de la vie publique à la suite d’une affaire qui salit son image.
L’ancien président de la SP.A est renvoyé devant le tribunal correctionnel pour des faits de viol et d’attentat à la pudeur, avec la circonstance aggravante d’abus de l’autorité ou des facilités que lui confèrent ses fonctions.
En janvier 2013, la victime a introduit une plainte avec constitution de partie civile auprès du juge d’instruction de Bruxelles. Niant d’abord les faits qui lui sont reprochés, Steve Stevaert dit alors que les relations sexuelles ont été « consenties ».
La chambre du conseil du tribunal néerlandophone de Bruxelles décide finalement le 24 mars 2015 de renvoyer Steve Stevaert devant le tribunal correctionnel pour les faits de mœurs qui lui sont reprochés.
Une semaine plus tard, « Dieu » n’a pas voulu affronter la justice et se donne la mort en se jetant dans le canal Albert après avoir déposé son vélo sur la rive. Le choc est immense au nord du pays.
[1] https://www.vrt.be/vrtmax/a-z/steve-stevaert--de-schaduw-van-de-macht/
[2] https://daardaar.be/rubriques/politique/lutte-de-pouvoir-pour-les-postes-dadministrateur-de-stevaert-chez-ethias/
« Le socialisme sera convivial ou ne sera pas », « Je pensais que c’était plus difficile d’être ministre », « Le Vlaams Blok, c’est comme un trou dans une haie. Plus vous essayez de le couper, plus il s’agrandit »: Steve Stevaert était connu pour ses slogans percutants et son charisme comme on peut le constater [1]dans le documentaire « De schaduw van de macht » (L’ombre du pouvoir) , diffusé sur la VRT, dix ans après le suicide du politicien limbourgeois. Portrait de « Dieu », entre fulgurance politique et tragédie personnelle.
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Le cafetier aux slogans percutants
Derrière chaque grande figure politique, il y a souvent un parcours inattendu. Celui de Steve Stevaert commence… derrière un comptoir. À Hasselt, il tient plusieurs cafés très fréquentés. « Avant d’entrer en politique, j’ai tenu entre 10 et 15 cafés », expliquait-il à la RTBF.
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Que ce soit derrière sa pompe à bière ou à vélo dans Hasselt, il est proche de ses concitoyens. « Il savait ce que les gens voulaient. Il n’avait pas fait d’études universitaires, mais il était très malin », explique Johny Vansevenant, journaliste politique de la VRT pendant 35 ans. Cette capacité intuitive à sentir l’opinion publique lui collera à la peau : « Il avait un système de sondage dans le ventre. Il savait comment parler aux gens », ajoute l’ancien journaliste.
« Il avait un système de sondage dans le ventre. »
C’est Willy Claes, homme fort du socialisme limbourgeois, qui repère ce cafetier au langage direct et à la gouaille populaire. La suite est rapide : conseiller provincial, bourgmestre de Hasselt, puis ministre, président du SP.A : il grimpe les échelons en incarnant un socialisme à visage humain, qu’il aimait qualifier de « gezellig », convivial.
« Demolition man » et les bus gratuits
Steve Stevaert ne tarde pas à imprimer sa marque. Comme bourgmestre à Hasselt, il rend les bus totalement gratuits. Une décision qui étonne, puis séduit : des délégations du monde entier sont venues voir comment s’y prenait le Limbourgeois.
Arrivé au gouvernement flamand, il étend la gratuité des transports aux seniors. Il défend aussi un quota d’électricité gratuite pour les ménages. Son credo ? Aider ceux qui en ont le plus besoin, rappelle Johny Vansevenant : « Il pensait toujours aux revenus bas, les revenus élevés devaient payer plus. »
À côté de ses mesures sociales, Steve Stevaert sera aussi baptisé « demolition man » à force de faire détruire des maisons construites illégalement. Il se battra également contre les chauffards en imposant les radars automatiques. « Il pouvait être à la fois doux et très sévère. Cette combinaison l’a rendu très populaire », confirme l’ex-journaliste de la VRT.
Une dualité que l’on retrouve chez l’actuel président des socialistes flamands, Conner Rousseau, constate Johny Vansevenant : « Comme Stevaert, Conner Rousseau est une figure populaire capable de marquer son parti. Mais là où Stevaert prônait un socialisme chaleureux en temps de prospérité, Rousseau incarne un leadership plus dur, adapté à une époque d’austérité, avec des positions tranchées sur la sécurité et la migration. Steve Stevaert était, quant à lui, d’avis qu’il ne fallait parler de ces thématiques sous peine de renforcer le Vlaams Blok. »
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Dieu et les Teletubbies
Même s’il est la figure de proue du SP.A de l’époque, Steve Stevaert n’est pas seul à faire partie de la génération dorée socialiste flamande. Avec Frank Vandenbroucke, Johan Vande Lanotte et Patrick Janssens, il forme les « Teletubbies », une appellation née de leur porte-parole de l’époque, Vivi Lombaerts. À ce quatuor s’ajoute rapidement Freya Van den Bossche, alors étoile montante du parti.
Pendant l’été 2002, les Teletubbies organisent une tournée/conférence de presse marathon en bus pour leurs campagnes aux élections fédérales de 2003, le tout suivi par de nombreux journalistes du nord du pays. Ils participent aussi à de nombreuses émissions de divertissement, comme De Laatste Show.
« C’est une idée marketing qui a bien fonctionné » analyse Johny Vansevenant. « Stevaert le populaire, Vandenbroucke le sérieux, Janssens le stratège : c’était une bonne combinaison. »
Stevaert remplace Janssens à la tête du parti, ce dernier prenant les rênes de la ville d’Anvers. Ensemble, les Teletubbies modernisent l’image du parti et puis capitalisent sur une période économiquement favorable. « L’époque Verhofstadt permet une politique de cadeaux : il n’y avait pas d’austérité, pas de crises », se souvient l’auteur du livre « De strijd om de macht » (« La lutte pour le pouvoir »).
Résultat : en 2003, le SP.A, en cartel avec les flamingants de Spirit (de Bert Anciaux) grimpe à 24%, un résultat historique. Le quotidien De Morgen le sacre « Dieu » en Une.
L’ego, la peur d’être mal-aimé…
Un an après la victoire électorale historique du parti socialiste flamand, le magazine Humo, élit Stevaert comme la « personnalité politique de l’année ». Il rayonne mais pas pour longtemps.
Tout ne se passe pas comme prévu pour « Dieu »: pendant la campagne pour les élections régionales, alors que Steve Stevaert ambitionne le poste de ministre-président flamand, il tente de construire un cartel avec les Verts. En vain.
Contre toute attente, l’homme fort socialiste se fait ensuite huer lors de la remise de prix organisé par le magazine Humo, le tout devant les caméras de TV. Son ego en prend un coup : « Il tirait son énergie de sa popularité. Il avait besoin d’être aimé », témoigne l’ancien journaliste de la VRT.
Cette huée sera un signe précurseur de la défaite des socialistes flamands : le SP.A tombe sous la barre des 20% lors des élections régionales de 2004. Stevaert perd la main et voit Yves Leterme lui ravir la vedette.
À défaut de devenir ministre président, il troque du jour au lendemain le poste de président du SP.A pour celui de gouverneur de la province de Limbourg en 2005.
►►► À relire :
[2]Lutte de pouvoir pour remplacer Stevaert chez Ethias
… et la chute
En 2009, l’ancien président du SP.A prend congé de la scène politique tout court. « Il disait souvent que tous les politiciens avaient une « date de péremption » », contextualise Johny Vansevenant. L’année suivante, Steve Stevaert annonce qu’il se retire complètement de la vie publique à la suite d’une affaire qui salit son image.
L’ancien président de la SP.A est renvoyé devant le tribunal correctionnel pour des faits de viol et d’attentat à la pudeur, avec la circonstance aggravante d’abus de l’autorité ou des facilités que lui confèrent ses fonctions.
En janvier 2013, la victime a introduit une plainte avec constitution de partie civile auprès du juge d’instruction de Bruxelles. Niant d’abord les faits qui lui sont reprochés, Steve Stevaert dit alors que les relations sexuelles ont été « consenties ».
La chambre du conseil du tribunal néerlandophone de Bruxelles décide finalement le 24 mars 2015 de renvoyer Steve Stevaert devant le tribunal correctionnel pour les faits de mœurs qui lui sont reprochés.
Une semaine plus tard, « Dieu » n’a pas voulu affronter la justice et se donne la mort en se jetant dans le canal Albert après avoir déposé son vélo sur la rive. Le choc est immense au nord du pays.
[1] https://www.vrt.be/vrtmax/a-z/steve-stevaert--de-schaduw-van-de-macht/
[2] https://daardaar.be/rubriques/politique/lutte-de-pouvoir-pour-les-postes-dadministrateur-de-stevaert-chez-ethias/