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  ARM Give a man a fire and he's warm for a day, but set fire to him and he's warm for the rest of his life (Terry Pratchett, Jingo)

Les médias flamands ont-ils trop parlé de la santé de Guy D’Haeseleer (VB) ?

([Politique] 2025-04-01 (DaarDaar))


[Ce texte a été publié le 16 avril sur [1] le site de la RTBF . Entretemps, Guy D’Haeseleer a subi une greffe du foie qui s’est déroulée avec succès.]

Le bourgmestre de Ninove a été hospitalisé d’urgence à la suite d’une hépatite sévère le 2 avril. Son état semble critique et il devrait peut-être subir une greffe de foie. Depuis, il ne se passe pas une journée sans que les médias flamands n’évoquent l’état de santé du bourgmestre d’extrême droite. Entre humanisation de l’extrême droite et information au public, où placer la limite ?

« Chère médiatrice, pourquoi accorder autant d’attention à la santé de Guy D’Haeseleer ? » [2]Cette question a fait l’objet d’un article-réponse de « l’ombudsvrouw » de la VRT .

La chaîne publique flamande n’est pas le seul média à couvrir le sujet : « Ma famille est même venue me dire adieu », « La solidarité humaine dépasse les différences politiques », « La difficile quête vers un donneur de foie : ‘On manque d’organes' »… Depuis son hospitalisation, la presse flamande évoque tous les jours l’état de santé du bourgmestre Vlaams Belang. Comment se fait-il que les médias flamands accordent autant d’importance à Guy D’Haeseleer ?

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La « BV » attitude



« Les médias flamands accordent une attention relativement importante à l’état de santé de Guy D’Haeseleer, même s’il s’agit d’un bourgmestre d’une ville assez petite et non d’un ministre ou d’un président de parti. Cela pourrait donc paraître surprenant a priori », lance Laura Jacobs, politologue à l’Université d’Anvers.

Et pourtant, la scientifique n’est pas surprise : selon elle, la notoriété du bourgmestre de Ninove explique la forte couverture médiatique dans le nord du pays : « Il n’est pas seulement connu à Ninove ou en Flandre orientale, mais à l’échelle nationale. Un document lui a d’ailleurs été consacré : [3]« Wij zijn van Nienof ! » où on en a appris plus sur sa personnalité. C’est aussi le premier bourgmestre du Vlaams Belang. »

Ce documentaire illustre à merveille un phénomène typiquement flamand : les politiques-vedettes. Vous connaissez sans doute le concept des « Bekende Vlamingen » : il s’agit de personnalités flamandes célèbres. Chanteurs, acteurs, présentateurs, sportifs… et politiques ! Toute personne apparaissant à la télévision et ayant un peu de notoriété se voit décerner le titre de « BV ».

Depuis les années 1990, les téléspectateurs flamands voient régulièrement des politiques dans des émissions de divertissement. Bert Anciaux, à l’époque président de la Volksunie, était l’un des précurseurs. Il n’hésitait pas à raconter sa vie privée dans les magazines people comme Dag Allemaal. L’idée étant évidemment de combler le fossé entre les politiques et les citoyens.

[4]Népotisme à Ninove ? Guy D’haeseleer propulse sa belle-fille comme échevine

Humanisation de l’extrême droite ?



Contrairement à la Belgique francophone, il n’existe pas de cordon médiatique vis-à-vis de l’extrême droite dans le nord du pays. Ce n’est pas pour autant que l’extrême droite a le champ libre dans tous les médias au nord du pays, analyse Laura Jacobs : « D’un côté, des journalistes estiment que le Vlaams Belang est un grand parti qu’il est pertinent de couvrir. De l’autre côté, certains journalistes pensent que ce n’est pas un parti comme les autres et qu’il faut faire attention à ne pas les humaniser. »

De manière générale, les représentants du Vlaams Belang sont surtout invités dans les émissions d’actualité, comme Terzake ou De Afspraak et non dans les émissions de divertissement, comme un quiz.

Il existe pourtant des exceptions : on se souvient du passage en mai 2019 de Tom Van Grieken, président du Vlaams Belang, où on le voyait danser le « skibidi » durant un grand show électoral organisé par KetNet, la chaîne pour enfants de la VRT.

Plus récemment, le même Tom Van Grieken a participé à une vidéo parodique pour la cérémonie des Kastaars !, le prix qui récompense les meilleures émissions radio/TV flamandes.

[5]Quand les politiques se prennent pour des acteurs… un phénomène « typisch Vlaams » !

Guy D’Haeseleer fait aussi partie des exceptions qui confirment les règles : après sa victoire électorale, il était invité dans des émissions « d’infotainment » comme De Tafel ven Gert. On pouvait aussi lire dans Het Laatste Nieuws que l’homme sait bien repasser, qu’il n’est pas très adroit en bricolage ou qu’il sait faire cuire un steak comme personne…

La chercheuse anversoise avait d’ailleurs réagi dans un billet d’opinion dans le quotidien De Standaard pour rappeler : « Si cette approche de « human interest » dans le journalisme politique n’est pas nouvelle, nous devrions nous attendre à une approche journalistique plus critique vis-à-vis de la droite radicale, car certaines de ses propositions politiques violent tout simplement les valeurs démocratiques et les droits de l’homme. »

Le risque de ce genre de pratique selon Laura Jacobs ? « Humaniser les personnes d’extrême droite. Les médias les présentent ainsi comme des personnes acceptables, cela participe au processus de normalisation, comme on le voit aux Pays-Bas ou en France. »

Marie-Rose Morel : bis repetita



L’attention médiatique autour de Guy D’Haeseleer fait quelque peu penser à Marie-Rose Morel, ancienne politique N-VA passée au Vlaams Belang, décédée d’un cancer à l’âge de 38 ans.

Cette « Bekende Vlaming », souffrait d’un cancer du col de l’utérus. Sur son blog, elle racontait presque quotidiennement sa pénible lutte contre la maladie et y ajoutait également ses pensées sur l’actu tout en avertissant : « Les textes ci-dessous sont indépendants de mon engagement politique et sont des réflexions strictement personnelles. Je ne souhaite pas mélanger mon ‘moi’ politique et mon ‘moi’ malade. »

L’effet martyr joue incontestablement un rôle, commente Laura Jacobs : « Même si beaucoup de gens disent qu’ils n’aiment pas le programme du Vlaams Belang, ils disent qu’il faut faire la distinction entre l’homme/la femme et ses idées. »

[6]Le décès de Marie-Rose Morel ou la fin du cordon sanitaire

Le parallèle est évident pour Laura Jacobs : « Tout comme Guy D’Haeseleer, Marie-Rose Morel était très connue en Flandre. Quand elle est tombée malade, son profil de politicienne a cédé la place à celui de l’humaine, la femme combattante. »

Lors de ses funérailles, environ 2500 personnes s’étaient réunies à la cathédrale d’Anvers pour célébrer la mémoire de cette personnalité flamande. Dans le nord du pays, on pleurait la perte d’une héroïne de la lutte contre le cancer. Dans le sud, on s’offusquait de l’hommage accordé à cette « star de l’extrême droite ».

Équilibre à trouver



Selon Laura Jacobs, l’équilibre et une approche critique sont les mots-clés : « D’un côté, certains députés du Vlaams Belang se sentent discriminés par les médias. De l’autre côté, certains journalistes pratiquent de l’autocensure : ils ont parfois peur d’être critiqués s’ils ne traitent pas le Vlaams Belang de la même manière que les autres partis. »

Alors, couvrir ou ne pas couvrir ? Il faut choisir… Du côté de la VRT, la médiatrice Judit Verstraete a répondu à son lecteur : « On peut se demander si cette couverture est nécessaire. Une certaine retenue semble certainement de mise aujourd’hui. Il s’agit d’une situation qui reste très personnelle. Ce n’est pas parce que l’information est disponible qu’elle doit être publiée. Les rédacteurs doivent donc se demander, à chaque mise à jour, si elle transcende suffisamment la situation personnelle pour qu’on en parle. »

[7]Vlaams Belang au pouvoir : on sait comment ça commence, mais pas comment ça finit…



[1] https://www.rtbf.be/article/les-medias-flamands-parlent-ils-trop-de-guy-d-haeseleer-vb-et-de-sa-sante-11533835

[2] https://www.vrt.be/vrtnws/nl/2025/04/14/_beste-nieuwsombudvrouw-waarom-zoveel-aandacht-voor-de-gezondhe/

[3] https://www.goplay.be/wij-zijn-van-nienof

[4] https://daardaar.be/rubriques/politique/nepotisme-a-ninove-guy-dhaeseleer-propulse-sa-belle-fille-comme-echevine/

[5] https://daardaar.be/rubriques/culture-et-medias/quand-les-politiques-se-prennent-pour-des-acteurs-un-phenomene-typisch-vlaams/

[6] https://daardaar.be/rubriques/le-deces-de-marie-rose-morel-ou-la-fin-du-cordon-sanitaire/

[7] https://daardaar.be/rubriques/politique/vlaams-belang-au-pouvoir-on-sait-comment-ca-commence-mais-pas-comment-ca-finit/



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-- Charles Ives, upon being given, but refusing, the
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