La politique linguistique du gouvernement flamand : un mécanisme d’exclusion?
([Opinions, Politique] 2024-10-01 (De Morgen))
- Reference: 2024-10_Belgaimage-101705192-255x170
- News link: https://daardaar.be/rubriques/politique/la-politique-linguistique-du-gouvernement-flamand-un-mecanisme-dexclusion/
- Source link: https://www.demorgen.be/meningen/de-nieuwe-vlaamse-regering-is-een-strenge-bemoeizuchtige-studiemeester-maar-enkel-voor-wie-al-kwetsbaar-is~b8243948/
Le nouveau gouvernement flamand souhaite que tous les enseignants retirent des points aux élèves qui commettent des fautes de langue dans une interrogation. « Tout professeur est un professeur de néerlandais », affirme l’accord de gouvernement de l’exécutif dirigé par le N-VA Matthias Diependaele. Ce même gouvernement veut également voir disparaître les smileys et les pouces des bulletins, au profit de chiffres et de moyennes.
Soyons de bon compte : ce sont évidemment des détails dans un texte d’orientation de 203 pages. Il n’empêche que ces détails illustrent bien la vision qu’a ce nouveau gouvernement de la société flamande. C’est la vision d’un maître d’école strict qui aime se mêler de tout. S’il est crucial d’améliorer notre enseignement, faut-il pour autant qu’un gouvernement aille jusqu’à contrôler les interrogations, les bulletins et la langue parlée dans les cours de récréation ?
« S’il est crucial d’améliorer notre enseignement, faut-il pour autant qu’un gouvernement aille jusqu’à contrôler les interrogations, les bulletins et la langue parlée dans les cours de récréation ? »
Autant les projets restent vagues quand il s’agit de politique climatique ou industrielle, autant nos ministres entendent s’attaquer concrètement au quotidien des citoyens. C’est une forme d’aveu tacite de la part de nos dirigeants : « Nous non plus, nous ne savons pas comment gérer ces phénomènes globaux, mais par contre, nous aimerions avoir notre mot à dire sur la manière dont vous devez vivre votre vie. »
[1]La Flandre a son nouveau gouvernement: quel accord pour la N-VA, Vooruit et le CD&V?
Les forces conservatrices au sein de la coalition – et pas seulement la N-VA – apprécient sans doute beaucoup cette image du maître d’école strict. En effet, quand on y repense, n’est-ce pas avec les profs les plus durs qu’on a le plus appris ? Et pourtant, un problème se pose bel et bien : le nouveau gouvernement flamand se comporte comme un maître d’école qui ne se montre sévère qu’avec les plus fragiles. Avec cette idée, bien ancrée, que les pauvres et les précaires sont dans cette situation parce qu’ils l’ont bien mérité, et que seule la sanction pourra les stimuler. Dans une société qui doit faire son deuil de la fessée éducative, le gouvernement pratiquera la fessée sociale.
L’accord de gouvernement est très clair sur ce point : il faut renforcer les conditions d’obtention des droits sociaux, il faut rehausser les exigences linguistiques et il faut accorder une priorité aux travailleurs et aux personnes parlant néerlandais pour l’accès à un logement social ou à une crèche. Même les étudiants étrangers sont désormais appréhendés avec méfiance.
« Dans une société qui doit faire son deuil de la fessée éducative, le gouvernement pratiquera la fessée sociale. »
Certaines idées sont tout bonnement à rejeter, comme celle de mettre fin aux allocations scolaires dans les familles maîtrisant mal le néerlandais ou pour les parents qui ne remplissent pas bien leur devoir. Les obligations linguistiques envisagées imposeront une charge administrative supplémentaire aux écoles, alors que « Bruxelles » promet le contraire. D’autant plus que l’intervention obligatoire des CLB (centres d’accompagnement des élèves dans l’enseignement néerlandophone) pour les « mauvais parents » rompra le lien de confiance que ces centres sont justement censés nouer avec les enfants.
[2]Budget: la Flandre doit désormais prouver que ce qu’elle fait seule, elle le fait mieux
Nous ne nions pas que la maîtrise de la langue demeure capitale pour l’intégration sociale et pour le progrès individuel. C’est un fait évident. Cependant, la politique linguistique de ce gouvernement risque de se transformer en mécanisme d’exclusion. En effet, comment progresser socialement lorsqu’on freine l’accès à un emploi décent, à un logement décent, à la crèche ou à l’enseignement ?
Ce gouvernement se veut solidaire. Plus solidaire que son prédécesseur. Pour le prouver, il consacrera davantage de moyens à l’enseignement, aux soins de santé et aux transports. Mais les tickets pour venir se réchauffer au foyer de « notre » communauté sont réservés à un public exclusif.
[1] https://daardaar.be/rubriques/politique/la-flandre-a-son-nouveau-gouvernement-quel-accord-pour-la-n-va-vooruit-et-le-cdv/
[2] https://daardaar.be/rubriques/economie/budget-la-flandre-doit-desormais-prouver-que-ce-quelle-fait-seule-elle-le-fait-mieux/
Soyons de bon compte : ce sont évidemment des détails dans un texte d’orientation de 203 pages. Il n’empêche que ces détails illustrent bien la vision qu’a ce nouveau gouvernement de la société flamande. C’est la vision d’un maître d’école strict qui aime se mêler de tout. S’il est crucial d’améliorer notre enseignement, faut-il pour autant qu’un gouvernement aille jusqu’à contrôler les interrogations, les bulletins et la langue parlée dans les cours de récréation ?
« S’il est crucial d’améliorer notre enseignement, faut-il pour autant qu’un gouvernement aille jusqu’à contrôler les interrogations, les bulletins et la langue parlée dans les cours de récréation ? »
Autant les projets restent vagues quand il s’agit de politique climatique ou industrielle, autant nos ministres entendent s’attaquer concrètement au quotidien des citoyens. C’est une forme d’aveu tacite de la part de nos dirigeants : « Nous non plus, nous ne savons pas comment gérer ces phénomènes globaux, mais par contre, nous aimerions avoir notre mot à dire sur la manière dont vous devez vivre votre vie. »
[1]La Flandre a son nouveau gouvernement: quel accord pour la N-VA, Vooruit et le CD&V?
Les forces conservatrices au sein de la coalition – et pas seulement la N-VA – apprécient sans doute beaucoup cette image du maître d’école strict. En effet, quand on y repense, n’est-ce pas avec les profs les plus durs qu’on a le plus appris ? Et pourtant, un problème se pose bel et bien : le nouveau gouvernement flamand se comporte comme un maître d’école qui ne se montre sévère qu’avec les plus fragiles. Avec cette idée, bien ancrée, que les pauvres et les précaires sont dans cette situation parce qu’ils l’ont bien mérité, et que seule la sanction pourra les stimuler. Dans une société qui doit faire son deuil de la fessée éducative, le gouvernement pratiquera la fessée sociale.
L’accord de gouvernement est très clair sur ce point : il faut renforcer les conditions d’obtention des droits sociaux, il faut rehausser les exigences linguistiques et il faut accorder une priorité aux travailleurs et aux personnes parlant néerlandais pour l’accès à un logement social ou à une crèche. Même les étudiants étrangers sont désormais appréhendés avec méfiance.
« Dans une société qui doit faire son deuil de la fessée éducative, le gouvernement pratiquera la fessée sociale. »
Certaines idées sont tout bonnement à rejeter, comme celle de mettre fin aux allocations scolaires dans les familles maîtrisant mal le néerlandais ou pour les parents qui ne remplissent pas bien leur devoir. Les obligations linguistiques envisagées imposeront une charge administrative supplémentaire aux écoles, alors que « Bruxelles » promet le contraire. D’autant plus que l’intervention obligatoire des CLB (centres d’accompagnement des élèves dans l’enseignement néerlandophone) pour les « mauvais parents » rompra le lien de confiance que ces centres sont justement censés nouer avec les enfants.
[2]Budget: la Flandre doit désormais prouver que ce qu’elle fait seule, elle le fait mieux
Nous ne nions pas que la maîtrise de la langue demeure capitale pour l’intégration sociale et pour le progrès individuel. C’est un fait évident. Cependant, la politique linguistique de ce gouvernement risque de se transformer en mécanisme d’exclusion. En effet, comment progresser socialement lorsqu’on freine l’accès à un emploi décent, à un logement décent, à la crèche ou à l’enseignement ?
Ce gouvernement se veut solidaire. Plus solidaire que son prédécesseur. Pour le prouver, il consacrera davantage de moyens à l’enseignement, aux soins de santé et aux transports. Mais les tickets pour venir se réchauffer au foyer de « notre » communauté sont réservés à un public exclusif.
[1] https://daardaar.be/rubriques/politique/la-flandre-a-son-nouveau-gouvernement-quel-accord-pour-la-n-va-vooruit-et-le-cdv/
[2] https://daardaar.be/rubriques/economie/budget-la-flandre-doit-desormais-prouver-que-ce-quelle-fait-seule-elle-le-fait-mieux/