Grande méfiance des Belges envers les politiques : réalités et solutions
([Rubriques] 2024-05-01 (Het Nieuwsblad))
- Reference: 2024-05_image2-255x170
- News link: https://daardaar.be/rubriques/grande-mefiance-des-belges-envers-les-politiques-realites-et-solutions/
- Source link: https://www.nieuwsblad.be/cnt/dmf20240527_94285374
« Les gens ont perdu confiance dans la classe politique ». Alors que les élections approchent à grand pas, cette idée reçue est plus présente que jamais. Mais est-elle fondée ? Et, le cas échéant, la classe politique peut-elle inverser la tendance ? « Pas vraiment », et « très certainement », pourrait-on répondre coup sur coup.
Ne nous y méprenons pas : la classe politique n’inspire pas moins confiance aujourd’hui qu’autrefois. Du moins, à en croire les « baromètres de confiance » qui se succèdent depuis des années. Depuis 30 ans, les gouvernements, les parlements et les partis politiques se situent tout en bas de l’échelle, alors que l’enseignement et la police trônent systématiquement aux avant-postes.
« On observe quelques fluctuations, mais les institutions politiques restent toujours plus ou moins au même niveau », observe la politologue Sofie Mariën (KU Leuven). « Les partis politiques sont toujours en queue de peloton. Le gouvernement et le parlement, quant à eux, s’en tirent un peu mieux. » Selon le dernier baromètre (2023), les partis politiques ne jouissent de la confiance que de 4 % des Flamands, tandis que les parlements et les gouvernements obtiennent 13 et 17 %. À titre de comparaison, l’enseignement et la police obtiennent respectivement 61 et 57 % (voir graphique).
Sofie Mariën insiste sur un point : ce n’est pas parce qu’il en a toujours été ainsi que la situation ne serait guère problématique aujourd’hui. « Par rapport à ses voisins européens, la Belgique fait office de mauvais élève », indique-t-elle. « La confiance est néanmoins cruciale pour la bonne gouvernance d’un pays. Il suffit de se remémorer la gestion de la crise sanitaire : plus le niveau de confiance est élevé, moins il faut de coercition et de contrôle pour introduire des mesures. »
[1]Dring Dring #3 : les Flamands croient-ils aux slogans des politiques ?
Son confrère Carl Devos (UGent) dresse un parallèle avec l’enseignement. « Si votre enfant est puni et que vous avez pleinement confiance dans le système éducatif, vous accepterez la sanction. Si ce n’est pas le cas, vous aurez plus tendance à la contester. Il en va de même pour les décisions politiques. Si la confiance est en berne, les actions en justice et les procédures se multiplient.
Depuis qu’ils existent, les sondages indiquent que la méfiance règne. Bram Verschuere (UGent), expert en administration publique et auteur de Politiek in tijden van wantrouwen , résume la situation en ces termes : « Les responsables politiques ont toujours été les souffre-douleur de la population ». Il n’empêche que les citoyens ont aujourd’hui l’impression que la situation s’est dégradée, et ils attendent une réaction. Dans son accord de coalition de 2020, la Vivaldi visait à redresser la barre : « Le gouvernement entend renforcer la confiance envers la politique, en tant que force vive ». Une formule qui est restée un vœu pieux : le baromètre de la confiance n’a pas progressé depuis lors. Aujourd’hui, la plupart des partis reviennent à la charge, promettant – une fois de plus – des jours meilleurs à l’issue des prochaines élections.
« La défiance à l’égard de la politique est un terreau fertile pour les partis extrêmes », souligne Carl Devos. « Parmi les électeurs du Vlaams Belang et du PVDA, la méfiance est beaucoup plus forte qu’au sein des autres partis. Et ces deux partis ne cessent de l’alimenter. » Le succès du Vlaams Belang et du PVDA est donc avant tout un signe de défiance, à l’instar du grand nombre de votes blancs et nuls – lors des dernières élections, ils étaient 1,3 million, ce qui représente 17% des voix.
[2]Qui sont vraiment les électeurs du Vlaams Belang ?
Carl Devos attribue ce phénomène à plusieurs facteurs : « Ces dernières années, le monde politique a traversé des turbulences. On a assisté à de nombreux incidents et conflits, et les grandes réformes ne se sont pas concrétisées. La succession des crises n’est pas non plus à sous-estimer. Au cours des dix dernières années, il y a eu la crise migratoire, les attaques terroristes, la pandémie, la crise énergétique et la guerre en Ukraine. »
Face au chaos ambiant, le politologue estime que les autorités politiques n’offrent pas suffisamment de points de repère. « Les politiques peinent à toucher la population », poursuit-il. « Il y a un décalage entre l’offre et la demande. Les gens ont également le sentiment que la classe politique n’a pas les moyens de les prémunir contre les crises. Et les dirigeants eux-mêmes en sont conscients. Mais au lieu de travailler main dans la main pour trouver des solutions, ils ont passé les dernières années à se quereller pour des broutilles. »
Reste à savoir ce que les partis et leurs élus peuvent faire pour inverser la tendance. Les experts s’accordent au moins sur un point : l’autocritique ne fait pas avancer les choses. « Citons Melissa Depraetere, présidente de Vooruit, qui qualifie la politique migratoire de chaotique, ou Vincent Van Peteghem (CD&V), qui met l’accent sur tout ce qui n’a pas fonctionné », signale Carl Devos. « Si les politiciens eux-mêmes n’y croient pas, comment voulez-vous y croire, vous, en tant qu’électeur ? ».
La clé ? La bonne gouvernance. « Le passé nous montre qu’il existe un lien direct entre la bonne gouvernance et la confiance », affirme Sofie Mariën. « Plus la gouvernance est bonne, plus la confiance est élevée. Dans les années 1990, par exemple, la confiance était au plus bas à la suite de l’affaire Dutroux. La situation s’est ensuite améliorée grâce à la réforme de la police. Lorsque les élus font du bon boulot, la confiance suit. »
[3]Élections 2024: voici deux mesures pour rétablir la probité en politique
Selon Bram Verschuere, il vaut mieux sous-promettre et surperformer . « Ne pas promettre monts et merveilles, mais tenir ses engagements, et aller au-delà si possible. Malheureusement, c’est trop souvent l’inverse qui se produit : on surpromet , et on sous-performe .
« La confiance arrive au petit trot, et s’en va au galop », conclut Mme Devos. « En d’autres termes, il faut du temps pour regagner la confiance des gens. C’est un processus long, mais tout à fait possible. Encore faut-il s’y atteler réellement ».
[1] https://daardaar.be/rubriques/politique/dring-dring-3-les-flamands-croient-ils-aux-slogans-des-politiques/
[2] https://daardaar.be/rubriques/politique/qui-sont-les-electeurs-du-vlaams-belang/
[3] https://daardaar.be/rubriques/politique/elections-2024-voici-deux-mesures-pour-retablir-la-probite-en-politique/
Ne nous y méprenons pas : la classe politique n’inspire pas moins confiance aujourd’hui qu’autrefois. Du moins, à en croire les « baromètres de confiance » qui se succèdent depuis des années. Depuis 30 ans, les gouvernements, les parlements et les partis politiques se situent tout en bas de l’échelle, alors que l’enseignement et la police trônent systématiquement aux avant-postes.
« On observe quelques fluctuations, mais les institutions politiques restent toujours plus ou moins au même niveau », observe la politologue Sofie Mariën (KU Leuven). « Les partis politiques sont toujours en queue de peloton. Le gouvernement et le parlement, quant à eux, s’en tirent un peu mieux. » Selon le dernier baromètre (2023), les partis politiques ne jouissent de la confiance que de 4 % des Flamands, tandis que les parlements et les gouvernements obtiennent 13 et 17 %. À titre de comparaison, l’enseignement et la police obtiennent respectivement 61 et 57 % (voir graphique).
Sofie Mariën insiste sur un point : ce n’est pas parce qu’il en a toujours été ainsi que la situation ne serait guère problématique aujourd’hui. « Par rapport à ses voisins européens, la Belgique fait office de mauvais élève », indique-t-elle. « La confiance est néanmoins cruciale pour la bonne gouvernance d’un pays. Il suffit de se remémorer la gestion de la crise sanitaire : plus le niveau de confiance est élevé, moins il faut de coercition et de contrôle pour introduire des mesures. »
[1]Dring Dring #3 : les Flamands croient-ils aux slogans des politiques ?
Son confrère Carl Devos (UGent) dresse un parallèle avec l’enseignement. « Si votre enfant est puni et que vous avez pleinement confiance dans le système éducatif, vous accepterez la sanction. Si ce n’est pas le cas, vous aurez plus tendance à la contester. Il en va de même pour les décisions politiques. Si la confiance est en berne, les actions en justice et les procédures se multiplient.
Souffre-douleur
Depuis qu’ils existent, les sondages indiquent que la méfiance règne. Bram Verschuere (UGent), expert en administration publique et auteur de Politiek in tijden van wantrouwen , résume la situation en ces termes : « Les responsables politiques ont toujours été les souffre-douleur de la population ». Il n’empêche que les citoyens ont aujourd’hui l’impression que la situation s’est dégradée, et ils attendent une réaction. Dans son accord de coalition de 2020, la Vivaldi visait à redresser la barre : « Le gouvernement entend renforcer la confiance envers la politique, en tant que force vive ». Une formule qui est restée un vœu pieux : le baromètre de la confiance n’a pas progressé depuis lors. Aujourd’hui, la plupart des partis reviennent à la charge, promettant – une fois de plus – des jours meilleurs à l’issue des prochaines élections.
« La défiance à l’égard de la politique est un terreau fertile pour les partis extrêmes », souligne Carl Devos. « Parmi les électeurs du Vlaams Belang et du PVDA, la méfiance est beaucoup plus forte qu’au sein des autres partis. Et ces deux partis ne cessent de l’alimenter. » Le succès du Vlaams Belang et du PVDA est donc avant tout un signe de défiance, à l’instar du grand nombre de votes blancs et nuls – lors des dernières élections, ils étaient 1,3 million, ce qui représente 17% des voix.
[2]Qui sont vraiment les électeurs du Vlaams Belang ?
Carl Devos attribue ce phénomène à plusieurs facteurs : « Ces dernières années, le monde politique a traversé des turbulences. On a assisté à de nombreux incidents et conflits, et les grandes réformes ne se sont pas concrétisées. La succession des crises n’est pas non plus à sous-estimer. Au cours des dix dernières années, il y a eu la crise migratoire, les attaques terroristes, la pandémie, la crise énergétique et la guerre en Ukraine. »
Face au chaos ambiant, le politologue estime que les autorités politiques n’offrent pas suffisamment de points de repère. « Les politiques peinent à toucher la population », poursuit-il. « Il y a un décalage entre l’offre et la demande. Les gens ont également le sentiment que la classe politique n’a pas les moyens de les prémunir contre les crises. Et les dirigeants eux-mêmes en sont conscients. Mais au lieu de travailler main dans la main pour trouver des solutions, ils ont passé les dernières années à se quereller pour des broutilles. »
Autocritique
Reste à savoir ce que les partis et leurs élus peuvent faire pour inverser la tendance. Les experts s’accordent au moins sur un point : l’autocritique ne fait pas avancer les choses. « Citons Melissa Depraetere, présidente de Vooruit, qui qualifie la politique migratoire de chaotique, ou Vincent Van Peteghem (CD&V), qui met l’accent sur tout ce qui n’a pas fonctionné », signale Carl Devos. « Si les politiciens eux-mêmes n’y croient pas, comment voulez-vous y croire, vous, en tant qu’électeur ? ».
La clé ? La bonne gouvernance. « Le passé nous montre qu’il existe un lien direct entre la bonne gouvernance et la confiance », affirme Sofie Mariën. « Plus la gouvernance est bonne, plus la confiance est élevée. Dans les années 1990, par exemple, la confiance était au plus bas à la suite de l’affaire Dutroux. La situation s’est ensuite améliorée grâce à la réforme de la police. Lorsque les élus font du bon boulot, la confiance suit. »
[3]Élections 2024: voici deux mesures pour rétablir la probité en politique
Selon Bram Verschuere, il vaut mieux sous-promettre et surperformer . « Ne pas promettre monts et merveilles, mais tenir ses engagements, et aller au-delà si possible. Malheureusement, c’est trop souvent l’inverse qui se produit : on surpromet , et on sous-performe .
« La confiance arrive au petit trot, et s’en va au galop », conclut Mme Devos. « En d’autres termes, il faut du temps pour regagner la confiance des gens. C’est un processus long, mais tout à fait possible. Encore faut-il s’y atteler réellement ».
[1] https://daardaar.be/rubriques/politique/dring-dring-3-les-flamands-croient-ils-aux-slogans-des-politiques/
[2] https://daardaar.be/rubriques/politique/qui-sont-les-electeurs-du-vlaams-belang/
[3] https://daardaar.be/rubriques/politique/elections-2024-voici-deux-mesures-pour-retablir-la-probite-en-politique/