«Voor U», ou comment créer un parti politique en à peine quelques mois
([Opinions, Politique] 2024-05-01 (De Morgen))
- Reference: 2024-05_Belgaimage-84722383-255x170
- News link: https://daardaar.be/rubriques/politique/voor-u-ou-comment-creer-un-parti-politique-en-a-peine-quelques-mois/
- Source link: https://www.demorgen.be/nieuws/met-veel-spaargeld-en-vertrouwen-snel-een-partij-stichten-doe-je-zo~b7a7951b/
Après son départ de l’Open Vld, Els Ampe semblait arriver à la fin de sa carrière politique. Pourtant, à quelques semaines des élections, l’ancienne franc-tireuse des libéraux continue de se démener pour la campagne de « Voor U », un parti qui n’existait pas il y a six mois de cela.
Une campagne qui ne se déroule pas sans accrocs, c’est le moins que l’on puisse dire : les vidéos d’Els Ampe suscitent régulièrement des railleries sur les réseaux sociaux et le parti a déjà fait les gros titres plusieurs fois en raison de remaniements notables au sein de son appareil. Toujours est-il qu’il se fait remarquer : des journaux de référence lui consacrent des articles pleine page et, à force d’insistance, Els Ampe est parvenue à se faire inviter dans l’émission « De afspraak op vrijdag » du radiodiffuseur public — une couverture médiatique qui vaut son pesant d’or pour une formation aussi récente.
Comment sa fondatrice s’y est-elle prise pour créer un parti politique — et le faire participer aux élections — en quelques mois seulement ? Ce qui est certain, c’est qu’il n’y a pas eu de grand projet, explique Els Ampe. « Après avoir quitté l’Open Vld, je ne pensais même pas continuer la politique. Et je ne voulais plus appartenir à un parti, j’en avais ras le bol. Mais différentes personnalités et plusieurs mouvements citoyens m’ont approchée en mettant en avant le constat suivant : il y a énormément d’électeurs qui sont fatigués des partis traditionnels, mais qui ne veulent pas voter aux extrêmes pour autant. »
Pour créer un nouveau parti, il faut deux ingrédients, en grande quantité : des candidats et des fonds. Vu son caractère récent, « Voor U » n’a pas pu bénéficier des dispositifs de financement des partis. Par la force des choses, Els Ampe a donc dû puiser dans ses économies personnelles, « à hauteur de 100 000 euros environ ». D’autres candidats ont également investi des sommes considérables : au moins 20 000 à 30 000 pour chaque tête de liste, selon les estimations de la fondatrice.
« Voor U » a été créé à la fin de l’année dernière, alors que la date de clôture des listes électorales était fixée à la mi-avril. Pour pouvoir se présenter à tous les niveaux, il a donc fallu trouver plus de 300 candidats en très peu de temps. Et il va de soi qu’un délai aussi serré ne permet pas de procéder à un examen fouillé de chacune des personnalités. Jean-Marie Dedecker en sait quelque chose, lui qui, dans l’histoire politique récente, est la seule personne à être parvenue à faire entrer au Parlement une nouvelle formation politique en si peu de temps : cinq candidats de la liste LDD ont été élus en 2007.
« La principale difficulté, c’est de trouver des candidats qui tiennent la route », analyse-t-il rétrospectivement. « On reçoit énormément de candidatures de mécontents, d’aventuriers qui sont déjà passés par toutes les crèmeries — et c’est exactement ce qui est à l’œuvre dans le cas d’Els Ampe. Mais bon, on est content de les avoir, car il faut bien remplir les listes ! Le retour de bâton se fait sentir par la suite. Moi, je suis tombé en raison de la qualité des candidats. »
Els Ampe, pour sa part, ne semble pas s’inquiéter outre mesure. « C’est une start-up politique, tout le monde doit tout faire soi-même. Je fais confiance aux candidats pour mener leur campagne. » Il faut pourtant bien reconnaître que « Voor U » a déjà connu quelques surprises. Le mois dernier, il avait ainsi été annoncé que le philosophe Ludo Abicht pousserait la liste à Anvers. Une équipée qui ne dura, en tout et pour tout, qu’une seule journée : après avoir lu le programme du parti, l’homme se ravisa aussitôt. L’ancien journaliste Peter Verlinden fit une sortie tout aussi remarquable. Présenté comme l’une des forces motrices de « Voor U », il rallia très vite le CD&V, qui lui proposa de figurer en troisième place de la liste des européennes, c’est-à-dire en position non éligible.
Sans compter que « Voor U » a également été critiqué à plusieurs reprises pour avoir inscrit sur ses listes deux personnalités (Michael Verstraeten et Steven Arrazola) qui, pendant la pandémie de COVID-19, s’en étaient violemment pris à des journalistes et experts — Michael Verstraeten avait notamment estimé qu’il fallait rétablir la peine de mort pour les virologues.
Vouloir atteindre le seuil électoral quand on est un petit parti sorti de nulle part, le PTB sait également ce que c’est. Les communistes ont en effet mis des années à entrer au parlement. Pour l’ancien président de la formation, Peter Mertens, l’absence de couverture médiatique est l’obstacle le plus difficile à surmonter. « Les médias sont véritablement les douves qui entourent le château fort qu’est le Parlement, dont le pont-levis est relevé. On n’est pas vraiment pris au sérieux, ce qui rend l’accès à la presse très difficile. Même si, avec l’essor des réseaux sociaux, la situation est devenue peu plus facile aujourd’hui. »
Une frustration que partage Els Ampe. Voilà déjà bien longtemps que « Voor U » monte à l’assaut des médias : le parti n’est pas invité aux grands débats et ne figure pas dans le test électoral proposé par la VRT et De Standaard . Il a d’ailleurs fini par assigner le radiodiffuseur public en justice — le tribunal se prononcera en référé ce vendredi.
Cela étant, pour un petit parti qui vient d’être créé, « Voor U » bénéficie tout de même d’une couverture médiatique relativement importante. Le fait qu’Els Ampe soit une figure connue et qu’elle siège toujours au Parlement flamand n’y est pas étranger. Du reste, elle manie bien les réseaux sociaux et sait comment s’y faire remarquer grâce à ses vidéos — leur contenu n’est pas toujours bien solide, mais c’est en partie pour cette raison qu’elles circulent souvent à toute vitesse, ce qui permet, au passage, de faire connaître la marque « Voor U ».
Cela suffira-t-il à franchir le seuil électoral ? On peut en douter. « Voor U » n’est pas repris dans les sondages, mais de manière générale, la catégorie « autres » y englobe à peine quelques pour cent. Optimiste, Els Ampe table pour sa part sur un score de 7 %.
Une campagne qui ne se déroule pas sans accrocs, c’est le moins que l’on puisse dire : les vidéos d’Els Ampe suscitent régulièrement des railleries sur les réseaux sociaux et le parti a déjà fait les gros titres plusieurs fois en raison de remaniements notables au sein de son appareil. Toujours est-il qu’il se fait remarquer : des journaux de référence lui consacrent des articles pleine page et, à force d’insistance, Els Ampe est parvenue à se faire inviter dans l’émission « De afspraak op vrijdag » du radiodiffuseur public — une couverture médiatique qui vaut son pesant d’or pour une formation aussi récente.
Comment sa fondatrice s’y est-elle prise pour créer un parti politique — et le faire participer aux élections — en quelques mois seulement ? Ce qui est certain, c’est qu’il n’y a pas eu de grand projet, explique Els Ampe. « Après avoir quitté l’Open Vld, je ne pensais même pas continuer la politique. Et je ne voulais plus appartenir à un parti, j’en avais ras le bol. Mais différentes personnalités et plusieurs mouvements citoyens m’ont approchée en mettant en avant le constat suivant : il y a énormément d’électeurs qui sont fatigués des partis traditionnels, mais qui ne veulent pas voter aux extrêmes pour autant. »
Pour créer un nouveau parti, il faut deux ingrédients, en grande quantité : des candidats et des fonds. Vu son caractère récent, « Voor U » n’a pas pu bénéficier des dispositifs de financement des partis. Par la force des choses, Els Ampe a donc dû puiser dans ses économies personnelles, « à hauteur de 100 000 euros environ ». D’autres candidats ont également investi des sommes considérables : au moins 20 000 à 30 000 pour chaque tête de liste, selon les estimations de la fondatrice.
Des candidats aventuriers
« Voor U » a été créé à la fin de l’année dernière, alors que la date de clôture des listes électorales était fixée à la mi-avril. Pour pouvoir se présenter à tous les niveaux, il a donc fallu trouver plus de 300 candidats en très peu de temps. Et il va de soi qu’un délai aussi serré ne permet pas de procéder à un examen fouillé de chacune des personnalités. Jean-Marie Dedecker en sait quelque chose, lui qui, dans l’histoire politique récente, est la seule personne à être parvenue à faire entrer au Parlement une nouvelle formation politique en si peu de temps : cinq candidats de la liste LDD ont été élus en 2007.
« La principale difficulté, c’est de trouver des candidats qui tiennent la route », analyse-t-il rétrospectivement. « On reçoit énormément de candidatures de mécontents, d’aventuriers qui sont déjà passés par toutes les crèmeries — et c’est exactement ce qui est à l’œuvre dans le cas d’Els Ampe. Mais bon, on est content de les avoir, car il faut bien remplir les listes ! Le retour de bâton se fait sentir par la suite. Moi, je suis tombé en raison de la qualité des candidats. »
Els Ampe, pour sa part, ne semble pas s’inquiéter outre mesure. « C’est une start-up politique, tout le monde doit tout faire soi-même. Je fais confiance aux candidats pour mener leur campagne. » Il faut pourtant bien reconnaître que « Voor U » a déjà connu quelques surprises. Le mois dernier, il avait ainsi été annoncé que le philosophe Ludo Abicht pousserait la liste à Anvers. Une équipée qui ne dura, en tout et pour tout, qu’une seule journée : après avoir lu le programme du parti, l’homme se ravisa aussitôt. L’ancien journaliste Peter Verlinden fit une sortie tout aussi remarquable. Présenté comme l’une des forces motrices de « Voor U », il rallia très vite le CD&V, qui lui proposa de figurer en troisième place de la liste des européennes, c’est-à-dire en position non éligible.
Sans compter que « Voor U » a également été critiqué à plusieurs reprises pour avoir inscrit sur ses listes deux personnalités (Michael Verstraeten et Steven Arrazola) qui, pendant la pandémie de COVID-19, s’en étaient violemment pris à des journalistes et experts — Michael Verstraeten avait notamment estimé qu’il fallait rétablir la peine de mort pour les virologues.
Franchir les douves du château
Vouloir atteindre le seuil électoral quand on est un petit parti sorti de nulle part, le PTB sait également ce que c’est. Les communistes ont en effet mis des années à entrer au parlement. Pour l’ancien président de la formation, Peter Mertens, l’absence de couverture médiatique est l’obstacle le plus difficile à surmonter. « Les médias sont véritablement les douves qui entourent le château fort qu’est le Parlement, dont le pont-levis est relevé. On n’est pas vraiment pris au sérieux, ce qui rend l’accès à la presse très difficile. Même si, avec l’essor des réseaux sociaux, la situation est devenue peu plus facile aujourd’hui. »
Une frustration que partage Els Ampe. Voilà déjà bien longtemps que « Voor U » monte à l’assaut des médias : le parti n’est pas invité aux grands débats et ne figure pas dans le test électoral proposé par la VRT et De Standaard . Il a d’ailleurs fini par assigner le radiodiffuseur public en justice — le tribunal se prononcera en référé ce vendredi.
Cela étant, pour un petit parti qui vient d’être créé, « Voor U » bénéficie tout de même d’une couverture médiatique relativement importante. Le fait qu’Els Ampe soit une figure connue et qu’elle siège toujours au Parlement flamand n’y est pas étranger. Du reste, elle manie bien les réseaux sociaux et sait comment s’y faire remarquer grâce à ses vidéos — leur contenu n’est pas toujours bien solide, mais c’est en partie pour cette raison qu’elles circulent souvent à toute vitesse, ce qui permet, au passage, de faire connaître la marque « Voor U ».
Cela suffira-t-il à franchir le seuil électoral ? On peut en douter. « Voor U » n’est pas repris dans les sondages, mais de manière générale, la catégorie « autres » y englobe à peine quelques pour cent. Optimiste, Els Ampe table pour sa part sur un score de 7 %.