La Constitution s’applique-t-elle différemment en Flandre et en Wallonie?
([Politique, Société] 2024-04-01 (Het Belang Van Limburg))
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Le 14 janvier 2021, la Cour constitutionnelle a annulé le décret flamand du 26 avril 2019 permettant d’inverser « virtuellement » les compteurs numériques. Ce texte visait alors à convaincre les propriétaires de panneaux solaires de ne pas s’opposer à ces dispositifs, sous peine de perdre le bénéfice des compteurs mécaniques qui tournent à l’envers dès lors que de l’énergie est injectée dans le réseau.
À l’échelon européen, l’adoption du compteur numérique est considérée comme une étape essentielle pour la mise en place de réseaux intelligents. La Cour a invoqué, dans ses motifs, la compétence que s’est arrogée la Flandre par ce décret. Depuis le 1 er juillet 2014, les régions sont certes responsables du déploiement des compteurs numériques, mais les tarifs de transport et le prélèvement de l’impôt relèvent néanmoins de la compétence du gouvernement fédéral. Or, le fait que les « prosommateurs » — les consommateurs qui consomment et produisent de l’énergie — ne paient que leur consommation nette se traduit par une exonération partielle des tarifs de transport et des taxes fédérales sur l’utilisation du réseau, retient la Cour constitutionnelle dans sa décision d’annuler le décret flamand.
Le décret, qui a vu le jour sous le gouvernement flamand dirigé par Geert Bourgeois, a été rédigé par le ministre de l’Énergie, Bart Tommelein (Open VLD), puis par sa successeure, Lydia Peeters (Open VLD). Le risque d’inconstitutionnalité avait déjà été signalé à l’époque, mais le projet était pris en étau entre, d’une part, l’Europe qui invitait instamment à mettre en place le compteur numérique et, d’autre part, les citoyens qui avaient investi dans cet outil sur la base d’une promesse des responsables politiques — sans compter que l’on approchait des élections. Le décret a donc été adopté malgré tout.
En tout état de cause, la décision de la Cour constitutionnelle a été particulièrement problématique — et surtout coûteuse — pour le gouvernement de Jan Jambon. À la suite de cet arrêt d’annulation, l’actuelle ministre flamande de l’Énergie, Zuhal Demir, a ainsi élaboré un règlement visant à indemniser les propriétaires de panneaux solaires dotés d’un compteur numérique. Avec pas moins de 350 000 ménages flamands ayant introduit une demande en ce sens, la facture — provisoire — s’élève à 520 millions d’euros.
À l’époque, le décret avait été contesté par le régulateur flamand du marché de l’électricité et du gaz (VREG), mais aussi par le conseil des ministres fédéral, au sein duquel Marie-Christine Marghem (MR) détenait le portefeuille de l’énergie, ainsi que par la CREG, l’organisme fédéral de régulation de l’électricité et du gaz.
Le 1 er octobre 2020, le gouvernement wallon a approuvé son propre décret instaurant un système similaire en Wallonie. Puis, en octobre dernier, il a décidé de clarifier ce texte. « Le compteur numérique wallon est confirmé jusqu’à la fin de 2030 pour toutes les installations de Wallonie certifiées avant le 31 décembre 2023 », explique Zuhal Demir. « Pourquoi la Constitution serait-elle différente pour la Wallonie ? Pourquoi les Wallons pourraient-ils bénéficier d’avantages financiers que les Flamands se sont vu retirer ? Pourquoi les Flamands devraient-ils continuer de contribuer, à travers leurs factures d’énergie, aux compteurs tournant à l’envers wallons ? »
La ministre se demande pourquoi le gouvernement fédéral et la CREG ne s’attaquent pas à la réglementation de l’autre côté de la frontière linguistique. Elle s’empare donc elle-même de la décision du gouvernement wallon d’octobre 2023 pour la faire annuler devant le Conseil d’État, en avançant les mêmes arguments que ceux qui ont conduit à l’annulation du décret flamand. Et demande, parallèlement, que le Conseil d’État pose une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle concernant l’applicabilité des règles wallonnes.
Il faut savoir qu’en Wallonie, le déploiement des compteurs numériques se fait bien plus lentement qu’en Flandre, de sorte que les propriétaires de panneaux solaires touchés par la suppression de cet avantage y seraient moins nombreux. Signalons, au passage, que l’application de cet avantage jusqu’en 2030 est unanimement saluée par les installateurs de panneaux solaires et les fournisseurs d’électricité.
La ministre fédérale de l’Énergie, Tinne Van der Straeten (Groen), a commenté la démarche de Zuhal Demir de manière laconique. « La procédure judiciaire contre la réglementation flamande a été engagée, à l’époque, par l’ancienne ministre de l’Énergie, Marie-Christine Marghem, au nom du précédent gouvernement fédéral. Pour notre part, nous avons pour habitude d’aborder les potentiels conflits de compétences au moyen de la concertation », a ainsi fait savoir son porte-parole.
La rédaction a également invité la CREG à réagir, mais n’a reçu aucune réponse à ce stade.
À l’échelon européen, l’adoption du compteur numérique est considérée comme une étape essentielle pour la mise en place de réseaux intelligents. La Cour a invoqué, dans ses motifs, la compétence que s’est arrogée la Flandre par ce décret. Depuis le 1 er juillet 2014, les régions sont certes responsables du déploiement des compteurs numériques, mais les tarifs de transport et le prélèvement de l’impôt relèvent néanmoins de la compétence du gouvernement fédéral. Or, le fait que les « prosommateurs » — les consommateurs qui consomment et produisent de l’énergie — ne paient que leur consommation nette se traduit par une exonération partielle des tarifs de transport et des taxes fédérales sur l’utilisation du réseau, retient la Cour constitutionnelle dans sa décision d’annuler le décret flamand.
Une facture à 520 millions d’euros
Le décret, qui a vu le jour sous le gouvernement flamand dirigé par Geert Bourgeois, a été rédigé par le ministre de l’Énergie, Bart Tommelein (Open VLD), puis par sa successeure, Lydia Peeters (Open VLD). Le risque d’inconstitutionnalité avait déjà été signalé à l’époque, mais le projet était pris en étau entre, d’une part, l’Europe qui invitait instamment à mettre en place le compteur numérique et, d’autre part, les citoyens qui avaient investi dans cet outil sur la base d’une promesse des responsables politiques — sans compter que l’on approchait des élections. Le décret a donc été adopté malgré tout.
En tout état de cause, la décision de la Cour constitutionnelle a été particulièrement problématique — et surtout coûteuse — pour le gouvernement de Jan Jambon. À la suite de cet arrêt d’annulation, l’actuelle ministre flamande de l’Énergie, Zuhal Demir, a ainsi élaboré un règlement visant à indemniser les propriétaires de panneaux solaires dotés d’un compteur numérique. Avec pas moins de 350 000 ménages flamands ayant introduit une demande en ce sens, la facture — provisoire — s’élève à 520 millions d’euros.
À l’époque, le décret avait été contesté par le régulateur flamand du marché de l’électricité et du gaz (VREG), mais aussi par le conseil des ministres fédéral, au sein duquel Marie-Christine Marghem (MR) détenait le portefeuille de l’énergie, ainsi que par la CREG, l’organisme fédéral de régulation de l’électricité et du gaz.
Le 1 er octobre 2020, le gouvernement wallon a approuvé son propre décret instaurant un système similaire en Wallonie. Puis, en octobre dernier, il a décidé de clarifier ce texte. « Le compteur numérique wallon est confirmé jusqu’à la fin de 2030 pour toutes les installations de Wallonie certifiées avant le 31 décembre 2023 », explique Zuhal Demir. « Pourquoi la Constitution serait-elle différente pour la Wallonie ? Pourquoi les Wallons pourraient-ils bénéficier d’avantages financiers que les Flamands se sont vu retirer ? Pourquoi les Flamands devraient-ils continuer de contribuer, à travers leurs factures d’énergie, aux compteurs tournant à l’envers wallons ? »
La réglementation wallonne épargnée
La ministre se demande pourquoi le gouvernement fédéral et la CREG ne s’attaquent pas à la réglementation de l’autre côté de la frontière linguistique. Elle s’empare donc elle-même de la décision du gouvernement wallon d’octobre 2023 pour la faire annuler devant le Conseil d’État, en avançant les mêmes arguments que ceux qui ont conduit à l’annulation du décret flamand. Et demande, parallèlement, que le Conseil d’État pose une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle concernant l’applicabilité des règles wallonnes.
Il faut savoir qu’en Wallonie, le déploiement des compteurs numériques se fait bien plus lentement qu’en Flandre, de sorte que les propriétaires de panneaux solaires touchés par la suppression de cet avantage y seraient moins nombreux. Signalons, au passage, que l’application de cet avantage jusqu’en 2030 est unanimement saluée par les installateurs de panneaux solaires et les fournisseurs d’électricité.
La ministre fédérale de l’Énergie, Tinne Van der Straeten (Groen), a commenté la démarche de Zuhal Demir de manière laconique. « La procédure judiciaire contre la réglementation flamande a été engagée, à l’époque, par l’ancienne ministre de l’Énergie, Marie-Christine Marghem, au nom du précédent gouvernement fédéral. Pour notre part, nous avons pour habitude d’aborder les potentiels conflits de compétences au moyen de la concertation », a ainsi fait savoir son porte-parole.
La rédaction a également invité la CREG à réagir, mais n’a reçu aucune réponse à ce stade.