Participation citoyenne en Belgique germanophone: le remède pour rétablir la confiance des citoyens envers la politique?
([Société] 2024-01-01 (De Standaard))
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Des curieux des quatre coins du monde sont venus observer l’expérience unique menée en Belgique germanophone : un conseil citoyen permanent qui « formule des avis à l’intention du parlement ». Reste à voir si ce projet a réellement permis de rétablir la confiance des citoyens envers la classe politique.
‘Wahlen allein machen noch keine echte Demokratie’ (‘La démocratie ne se limite pas aux élections’). Ces propos de Barack Obama, ex-président des États-Unis, sont gravés en grands caractères sur le sol du Parlement de la Communauté germanophone. Avec ses 78 000 habitants, ce territoire peut être comparé à des villes comme Courtrai, Hasselt ou Saint-Nicolas. « Klein aber fein », dit-on là-bas : petit par la taille, grand par la qualité. Ces dernières années, des politiques et des journalistes étrangers venus de tous horizons – y compris du Japon, d’Australie, de Corée et de Chine – ont afflué dans les cantons de l’Est pour assister à une expérience unique en matière de participation citoyenne.
À intervalles réguliers, la Communauté germanophone organise un dialogue citoyen, permettant à monsieur et madame Tout-le-monde – et au Parlement – de de mettre des sujets sur la table. Les questions soulevées sont soumises à un conseil citoyen composé de 24 personnes tirées au sort. À noter qu’il est possible d’y siéger dès l’âge de 16 ans. Ces 24 membres choisissent à chaque fois le thème à creuser en profondeur et touchent 50 euros par réunion, auxquels s’ajoute une indemnité pour les frais de déplacement.
[1]La démocratie participative en Belgique, une fausse bonne idée
La liste finale des sujets à débattre est ensuite soumise à un panel de citoyens – également tirés au sort – composé d’une trentaine de personnes. Ce groupe consulte des experts, peut demander des conseils juridiques et peut faire appel au Parlement. Les membres perçoivent une indemnité de 100 euros par réunion et sont également défrayés pour leurs déplacements. Après quelques tours de table ayant le plus souvent lieu le samedi matin, ils formulent des recommandations officielles au Parlement. Les décisions sont généralement prises par consensus. Dans le cas contraire, un vote à la majorité des quatre cinquièmes est organisé.
Les recommandations du panel de citoyens ne sont pas contraignantes, mais les députés qui ne souhaitent pas les suivre sont tenus de se justifier. Un an après l’instauration d’une mesure sur un thème particulier, le parlement dresse un état des lieux.
Exit référendums populaires et autres participations citoyennes ponctuelles. En lieu et place, il convient d’opter pour un conseil citoyen permanent où des personnes tirées au sort adressent directement des recommandations au parlement (voir encadré). Lors du lancement du projet, l’ancien ministre-président, Karl-Heinz Lambertz, a qualifié sa région de « laboratoire pour le reste de l’Europe ». Cinq ans plus tard, l’heure est au bilan. L’objectif affiché – à savoir renforcer la confiance des citoyens dans la politique – est-il atteint ?
« Tout le monde se rend bien compte que notre démocratie bat de l’aile et qu’il faut trouver des solutions », constate Anna Stuers, coordinatrice du dialogue citoyen permanent. Elle nous fait visiter le bâtiment du parlement, un ancien sanatorium surplombant les collines boisées des cantons de l’Est. Les lieux respirent la tranquillité. « Ne vous y trompez pas, même ici, les hommes politiques ont parfois besoin de gardes du corps ».
Notre guide reconnaît qu’au départ, elle se montrait sceptique. « Mais au fil du temps, mon enthousiasme a pris de l’ampleur. Après leur participation, de nombreux citoyens nous disent qu’ils comprennent désormais à quel point il est difficile de trouver un consensus, et qu’au moment de prendre une décision politique, tout n’est pas noir ou blanc. C’est exactement ce que nous voulons démontrer. »
[2]La consultation citoyenne fédérale, un flop qui coûte cher
Depuis le lancement du dialogue citoyen permanent en 2019, des débats sur divers sujets tels que les soins de santé, l’éducation et la numérisation ont déjà eu lieu. Il y a quelques semaines, par exemple, l’intégration des migrants était à l’ordre du jour. Malgré le caractère sensible du sujet, 27 recommandations sont parvenues jusqu’au Parlement.
Le panel de citoyens appelle notamment à promouvoir les cours de langue pour les migrants ou à former les enseignants aux « compétences interculturelles ». Rien de révolutionnaire, de prime abord, mais il n’empêche que des propositions intéressantes surgissent çà et là. À titre d’exemple, des citoyens militent pour l’instauration de jours fériés pour les grandes fêtes religieuses d’autres cultures. Anna Stuers estime qu’il s’agit de l’un de ses « exemples préférés » pour illustrer la manière dont les citoyens peuvent formuler des propositions pour le moins surprenantes.
Le Parlement dispose maintenant d’un an pour décider de l’introduction – ou non – des nouveaux jours fériés. Jusqu’à présent, les échanges entre le Parlement et le Conseil citoyen demeurent tendus. Le nouvel organe, bien que pris au sérieux, essuie des critiques. D’aucuns lui reprochent la piètre qualité de ses recommandations. Dans le cas des propositions en matière d’intégration, le ministre compétent a dû souligner à plusieurs reprises que de nombreuses mesures étaient déjà mises en œuvre depuis longtemps.
« Il faudrait que nous soyons mieux informés des décisions prises par le Parlement », estime Patrick Vermeulen (63 ans), militaire à la retraite tiré au sort par le Conseil citoyen. Son groupe a proposé de fournir un ordinateur portable à chaque élève, alors que le gouvernement avait pris une mesure en ce sens. « C’est très motivant de constater que le parlement suit effectivement les recommandations. Mais certains députés rechignent à le faire, estimant que les citoyens n’ont pas à leur dicter quoi que ce soit ».
[3]L’assemblée citoyenne, un exemple de démocratie en Communauté germanophone
Patrick Vermeulen reste néanmoins convaincu de la valeur ajoutée du dialogue citoyen. « C’est intéressant de découvrir les coulisses politiques. On y entend des ministres et des conseillers parler d’affaires qui n’arrivent jamais aux oreilles des citoyens ordinaires. C’est enrichissant, même pour ceux qui ne connaissent rien à la politique. Au Conseil citoyen, tout le monde a droit au chapitre, quel que soit l’âge ou le milieu social. Dans ce contexte, chacun élargit son horizon. Et en fin de compte, on tente de parler d’une même voix. »
Les panels de citoyens tirés au sort doivent être le reflet de la société. Jusqu’à présent, les résultats sont satisfaisants, même si la recherche de participants n’est pas toujours aisée. « Pour l’instant, à peine 10 % des personnes déclinent l’invitation », rassure Anna Stuers. Le groupe le plus facile à atteindre reste celui des hommes blancs d’un certain âge. Nous parvenons également à convaincre un grand nombre de personnes à faible capital scolaire. Nous essayons de réduire les obstacles autant que possible, en proposant des services de garde d’enfants et en faisant appel à des traducteurs en cas de besoin. Reste que les jeunes sont plus difficiles à convaincre. Et nous avons également plus de mal à trouver des personnes venant de zones rurales ».
Ce dernier constat se confirme dans le centre-ville d’Eupen, où nous avons rencontré un retraité de 74 ans, préférant rester anonyme. Pour ce dernier, il s’agit purement et simplement d’un « tas de foutaises ». L’homme est originaire de Herbesthal, une commune plus rurale où, selon lui, le projet fait moins de bruit. « On en parle beaucoup à la radio et à la télévision, mais cela semble plus important pour les politiciens que pour nous, surtout quand on sait que nous sommes à un an des élections », précise-t-il. « En soi, l’initiative citoyenne n’a aucun pouvoir. Nous sommes comme des enfants à qui l’on donne la parole un court instant. Ici, nous nous inquiétons davantage de l’augmentation du coût de la vie, que l’on remarque au supermarché ».
Benedict Brockhans, la jeune gérante de la brasserie Genussecke, se montre plus modérée. « Il est bon de susciter l’intérêt des gens pour la politique, mais soyons honnêtes : le pouvoir réel des citoyens reste très limité. En fin de compte, la plupart des décisions sont prises dans les hautes strates, à Bruxelles, et par les grandes entreprises et les lobbies. D’ailleurs, les citoyens eux-mêmes ne sont pas toujours sur la même longueur d’ondes. Il suffit de demander à des habitants d’une même rue où des travaux de rénovation doivent avoir lieu. L’un vous indiquera le pas de sa porte, l’autre le coin de la rue. »
[4]La grande consultation citoyenne fédérale ne vaut pas un clou!
Le système peut-il donc contribuer à renforcer la confiance dans la politique ? « À cet égard, je ne pense pas que les choses changeront beaucoup », poursuit Benedict Brockhans. « Vous savez ce qui pose davantage problème ? Le CSP (le parti chrétien-démocrate local, ndlr) a enchaîné les succès électoraux pendant des années, mais a été constamment mis à l’écart par les autres partis. Cette réalité nuit considérablement à la confiance des citoyens dans la politique ».
La jeune femme s’intéresse pourtant à la politique. « Mais avec trois enfants en bas âge, je n’ai pas le temps de m’impliquer dans un tel projet. Et si on veut vraiment changer les choses, il vaut mieux se présenter aux élections ».
Anna Stuers insiste : « il faut avoir des attentes raisonnables de la participation citoyenne ». « Il ne s’agit pas d’un parlement parallèle. Il n’a jamais été question de remplacer les responsables politiques. Cependant, ils ont tout intérêt à impliquer les citoyens. De nombreux membres du Conseil citoyen étaient sceptiques au début, mais se rendent aujourd’hui compte que les hommes et les femmes politiques les prennent au sérieux ». L’initiative, qualifiée d' »encourageante » par le ministre-président Oliver Paasch (ProDG), bénéficie également du soutien du gouvernement. Bien entendu, le dialogue citoyen n’est pas la panacée contre le désenchantement à l’égard de la chose politique, mais il constitue un outil précieux pour compléter le système existant », précise le ministre-président de la Communauté germanophone.
De son côté, Anna Stuers continue de mettre en garde les responsables politiques étrangers contre toute forme de précipitation. « Je suis convaincue que cette expérience est possible à une échelle bien plus grande que la Belgique germanophone. Ceci dit, la participation citoyenne connait un effet de mode et les projets mal ficelés se multiplient. Il convient dès lors de commencer comme il se doit, avec un conseil citoyen permanent et les attentes qui s’imposent, faute de quoi les citoyens risquent de se sentir encore plus délaissés. Quelle serait ma plus belle réussite ? Savoir que quelqu’un se lance en politique grâce à cette expérience. Un certain nombre de participants m’ont déjà dit qu’ils envisageaient de franchir le pas ».
[1] https://daardaar.be/rubriques/politique/la-democratie-participative-en-belgique-une-fausse-bonne-idee/
[2] https://daardaar.be/rubriques/politique/la-consultation-citoyenne-federale-un-flop-qui-coute-cher/
[3] https://daardaar.be/rubriques/politique/lassemblee-citoyenne-un-exemple-de-democratie-en-communaute-germanophone/
[4] https://daardaar.be/rubriques/politique/la-grande-consultation-citoyenne-federale-ne-vaut-pas-un-clou/
‘Wahlen allein machen noch keine echte Demokratie’ (‘La démocratie ne se limite pas aux élections’). Ces propos de Barack Obama, ex-président des États-Unis, sont gravés en grands caractères sur le sol du Parlement de la Communauté germanophone. Avec ses 78 000 habitants, ce territoire peut être comparé à des villes comme Courtrai, Hasselt ou Saint-Nicolas. « Klein aber fein », dit-on là-bas : petit par la taille, grand par la qualité. Ces dernières années, des politiques et des journalistes étrangers venus de tous horizons – y compris du Japon, d’Australie, de Corée et de Chine – ont afflué dans les cantons de l’Est pour assister à une expérience unique en matière de participation citoyenne.
La culture du consensus
À intervalles réguliers, la Communauté germanophone organise un dialogue citoyen, permettant à monsieur et madame Tout-le-monde – et au Parlement – de de mettre des sujets sur la table. Les questions soulevées sont soumises à un conseil citoyen composé de 24 personnes tirées au sort. À noter qu’il est possible d’y siéger dès l’âge de 16 ans. Ces 24 membres choisissent à chaque fois le thème à creuser en profondeur et touchent 50 euros par réunion, auxquels s’ajoute une indemnité pour les frais de déplacement.
[1]La démocratie participative en Belgique, une fausse bonne idée
La liste finale des sujets à débattre est ensuite soumise à un panel de citoyens – également tirés au sort – composé d’une trentaine de personnes. Ce groupe consulte des experts, peut demander des conseils juridiques et peut faire appel au Parlement. Les membres perçoivent une indemnité de 100 euros par réunion et sont également défrayés pour leurs déplacements. Après quelques tours de table ayant le plus souvent lieu le samedi matin, ils formulent des recommandations officielles au Parlement. Les décisions sont généralement prises par consensus. Dans le cas contraire, un vote à la majorité des quatre cinquièmes est organisé.
Les recommandations du panel de citoyens ne sont pas contraignantes, mais les députés qui ne souhaitent pas les suivre sont tenus de se justifier. Un an après l’instauration d’une mesure sur un thème particulier, le parlement dresse un état des lieux.
Exit référendums populaires et autres participations citoyennes ponctuelles. En lieu et place, il convient d’opter pour un conseil citoyen permanent où des personnes tirées au sort adressent directement des recommandations au parlement (voir encadré). Lors du lancement du projet, l’ancien ministre-président, Karl-Heinz Lambertz, a qualifié sa région de « laboratoire pour le reste de l’Europe ». Cinq ans plus tard, l’heure est au bilan. L’objectif affiché – à savoir renforcer la confiance des citoyens dans la politique – est-il atteint ?
Jours fériés religieux
« Tout le monde se rend bien compte que notre démocratie bat de l’aile et qu’il faut trouver des solutions », constate Anna Stuers, coordinatrice du dialogue citoyen permanent. Elle nous fait visiter le bâtiment du parlement, un ancien sanatorium surplombant les collines boisées des cantons de l’Est. Les lieux respirent la tranquillité. « Ne vous y trompez pas, même ici, les hommes politiques ont parfois besoin de gardes du corps ».
Notre guide reconnaît qu’au départ, elle se montrait sceptique. « Mais au fil du temps, mon enthousiasme a pris de l’ampleur. Après leur participation, de nombreux citoyens nous disent qu’ils comprennent désormais à quel point il est difficile de trouver un consensus, et qu’au moment de prendre une décision politique, tout n’est pas noir ou blanc. C’est exactement ce que nous voulons démontrer. »
[2]La consultation citoyenne fédérale, un flop qui coûte cher
Depuis le lancement du dialogue citoyen permanent en 2019, des débats sur divers sujets tels que les soins de santé, l’éducation et la numérisation ont déjà eu lieu. Il y a quelques semaines, par exemple, l’intégration des migrants était à l’ordre du jour. Malgré le caractère sensible du sujet, 27 recommandations sont parvenues jusqu’au Parlement.
Le panel de citoyens appelle notamment à promouvoir les cours de langue pour les migrants ou à former les enseignants aux « compétences interculturelles ». Rien de révolutionnaire, de prime abord, mais il n’empêche que des propositions intéressantes surgissent çà et là. À titre d’exemple, des citoyens militent pour l’instauration de jours fériés pour les grandes fêtes religieuses d’autres cultures. Anna Stuers estime qu’il s’agit de l’un de ses « exemples préférés » pour illustrer la manière dont les citoyens peuvent formuler des propositions pour le moins surprenantes.
Un ordinateur pour chaque élève
Le Parlement dispose maintenant d’un an pour décider de l’introduction – ou non – des nouveaux jours fériés. Jusqu’à présent, les échanges entre le Parlement et le Conseil citoyen demeurent tendus. Le nouvel organe, bien que pris au sérieux, essuie des critiques. D’aucuns lui reprochent la piètre qualité de ses recommandations. Dans le cas des propositions en matière d’intégration, le ministre compétent a dû souligner à plusieurs reprises que de nombreuses mesures étaient déjà mises en œuvre depuis longtemps.
« Il faudrait que nous soyons mieux informés des décisions prises par le Parlement », estime Patrick Vermeulen (63 ans), militaire à la retraite tiré au sort par le Conseil citoyen. Son groupe a proposé de fournir un ordinateur portable à chaque élève, alors que le gouvernement avait pris une mesure en ce sens. « C’est très motivant de constater que le parlement suit effectivement les recommandations. Mais certains députés rechignent à le faire, estimant que les citoyens n’ont pas à leur dicter quoi que ce soit ».
[3]L’assemblée citoyenne, un exemple de démocratie en Communauté germanophone
Patrick Vermeulen reste néanmoins convaincu de la valeur ajoutée du dialogue citoyen. « C’est intéressant de découvrir les coulisses politiques. On y entend des ministres et des conseillers parler d’affaires qui n’arrivent jamais aux oreilles des citoyens ordinaires. C’est enrichissant, même pour ceux qui ne connaissent rien à la politique. Au Conseil citoyen, tout le monde a droit au chapitre, quel que soit l’âge ou le milieu social. Dans ce contexte, chacun élargit son horizon. Et en fin de compte, on tente de parler d’une même voix. »
Les panels de citoyens tirés au sort doivent être le reflet de la société. Jusqu’à présent, les résultats sont satisfaisants, même si la recherche de participants n’est pas toujours aisée. « Pour l’instant, à peine 10 % des personnes déclinent l’invitation », rassure Anna Stuers. Le groupe le plus facile à atteindre reste celui des hommes blancs d’un certain âge. Nous parvenons également à convaincre un grand nombre de personnes à faible capital scolaire. Nous essayons de réduire les obstacles autant que possible, en proposant des services de garde d’enfants et en faisant appel à des traducteurs en cas de besoin. Reste que les jeunes sont plus difficiles à convaincre. Et nous avons également plus de mal à trouver des personnes venant de zones rurales ».
« Un tas de foutaises ! »
Ce dernier constat se confirme dans le centre-ville d’Eupen, où nous avons rencontré un retraité de 74 ans, préférant rester anonyme. Pour ce dernier, il s’agit purement et simplement d’un « tas de foutaises ». L’homme est originaire de Herbesthal, une commune plus rurale où, selon lui, le projet fait moins de bruit. « On en parle beaucoup à la radio et à la télévision, mais cela semble plus important pour les politiciens que pour nous, surtout quand on sait que nous sommes à un an des élections », précise-t-il. « En soi, l’initiative citoyenne n’a aucun pouvoir. Nous sommes comme des enfants à qui l’on donne la parole un court instant. Ici, nous nous inquiétons davantage de l’augmentation du coût de la vie, que l’on remarque au supermarché ».
Benedict Brockhans, la jeune gérante de la brasserie Genussecke, se montre plus modérée. « Il est bon de susciter l’intérêt des gens pour la politique, mais soyons honnêtes : le pouvoir réel des citoyens reste très limité. En fin de compte, la plupart des décisions sont prises dans les hautes strates, à Bruxelles, et par les grandes entreprises et les lobbies. D’ailleurs, les citoyens eux-mêmes ne sont pas toujours sur la même longueur d’ondes. Il suffit de demander à des habitants d’une même rue où des travaux de rénovation doivent avoir lieu. L’un vous indiquera le pas de sa porte, l’autre le coin de la rue. »
[4]La grande consultation citoyenne fédérale ne vaut pas un clou!
Le système peut-il donc contribuer à renforcer la confiance dans la politique ? « À cet égard, je ne pense pas que les choses changeront beaucoup », poursuit Benedict Brockhans. « Vous savez ce qui pose davantage problème ? Le CSP (le parti chrétien-démocrate local, ndlr) a enchaîné les succès électoraux pendant des années, mais a été constamment mis à l’écart par les autres partis. Cette réalité nuit considérablement à la confiance des citoyens dans la politique ».
La jeune femme s’intéresse pourtant à la politique. « Mais avec trois enfants en bas âge, je n’ai pas le temps de m’impliquer dans un tel projet. Et si on veut vraiment changer les choses, il vaut mieux se présenter aux élections ».
Pas la panacée
Anna Stuers insiste : « il faut avoir des attentes raisonnables de la participation citoyenne ». « Il ne s’agit pas d’un parlement parallèle. Il n’a jamais été question de remplacer les responsables politiques. Cependant, ils ont tout intérêt à impliquer les citoyens. De nombreux membres du Conseil citoyen étaient sceptiques au début, mais se rendent aujourd’hui compte que les hommes et les femmes politiques les prennent au sérieux ». L’initiative, qualifiée d' »encourageante » par le ministre-président Oliver Paasch (ProDG), bénéficie également du soutien du gouvernement. Bien entendu, le dialogue citoyen n’est pas la panacée contre le désenchantement à l’égard de la chose politique, mais il constitue un outil précieux pour compléter le système existant », précise le ministre-président de la Communauté germanophone.
De son côté, Anna Stuers continue de mettre en garde les responsables politiques étrangers contre toute forme de précipitation. « Je suis convaincue que cette expérience est possible à une échelle bien plus grande que la Belgique germanophone. Ceci dit, la participation citoyenne connait un effet de mode et les projets mal ficelés se multiplient. Il convient dès lors de commencer comme il se doit, avec un conseil citoyen permanent et les attentes qui s’imposent, faute de quoi les citoyens risquent de se sentir encore plus délaissés. Quelle serait ma plus belle réussite ? Savoir que quelqu’un se lance en politique grâce à cette expérience. Un certain nombre de participants m’ont déjà dit qu’ils envisageaient de franchir le pas ».
[1] https://daardaar.be/rubriques/politique/la-democratie-participative-en-belgique-une-fausse-bonne-idee/
[2] https://daardaar.be/rubriques/politique/la-consultation-citoyenne-federale-un-flop-qui-coute-cher/
[3] https://daardaar.be/rubriques/politique/lassemblee-citoyenne-un-exemple-de-democratie-en-communaute-germanophone/
[4] https://daardaar.be/rubriques/politique/la-grande-consultation-citoyenne-federale-ne-vaut-pas-un-clou/