Conner Rousseau fait censurer un article : un manque de respect pour la Constitution et la liberté de la presse
([Opinions, Politique] 2023-10-01 (De Morgen))
- Reference: 2023-10_Belgaimage-74882011-255x170
- News link: https://daardaar.be/rubriques/politique/conner-rousseau-fait-censurer-un-article-un-manque-de-respect-pour-la-constitution-et-la-liberte-de-la-presse/
- Source link: https://www.demorgen.be/meningen/conner-rousseau-heeft-een-onrustwekkend-gebrek-aan-respect-voor-de-grondwet-en-voor-de-persvrijheid~bd6de624/
Le président de Vooruit, Conner Rousseau, pratique-t-il la censure en imposant, par voie judiciaire, une interdiction de publier un article susceptible de le présenter sous un mauvais jour ? Voilà la terrible question qui fait rage depuis ce week-end.
Le quotidien Het Laatste Nieuws et la chaîne VTM ont fait état d’un procès-verbal dans lequel seraient consignés des propos racistes que le responsable politique aurait tenus dans un café de Saint Nicolas. Les rédactions n’ont pas ledit document en leur possession, mais s’appuient sur les dires de quatre sources qui en ont confirmé le contenu.
Invité par ces médias à réagir, Conner Rousseau a saisi le tribunal en référé pour demander unilatéralement une interdiction de publication et de diffusion. Le juge lui a donné raison : tout média, mais aussi toute « personne physique » qui publierait un quelconque extrait de ce PV se verrait contraint de s’acquitter d’une astreint de 1 000 euros par heure.
[1]Qui est Conner Rousseau, le président de Vooruit qui casse les codes des partis traditionnels ?
Une attitude qui frôle dangereusement la « censure », à en juger par les réactions quasi unanimes des juristes sollicités sur ce dossier.
Rousseau et ses avocats justifient cette démarche en invoquant le secret de l’instruction. La loi dispose en effet que la presse ne peut pas divulguer d’informations portant sur des affaires n’ayant pas encore été tranchées, notamment pour éviter les procès médiatiques.
« Si la presse devait garder le silence pendant que la justice accomplit sa mission, ces atrocités pourraient se poursuivre tout au long de la procédure. »
En pratique, il est toutefois nécessaire que les médias, dans certains cas, fassent référence à des éléments d’enquêtes en cours. Il faut bien qu’ils puissent rendre compte de problématiques dont l’importance est telle, pour la société, qu’il est impossible d’attendre que la justice ait été rendue. Que l’on songe aux abus d’enfants, par exemple au sein de l’église. Si la presse devait garder le silence pendant que la justice accomplit sa mission, ces atrocités pourraient se poursuivre tout au long de la procédure. De même, les dissimulations ou les malversations touchant le système judiciaire lui-même ne peuvent être révélées que si les médias en informent le public en se fondant sur des enquêtes en cours.
[2]Comment les médias ont-ils traité « l’affaire Conner Rousseau »? Quelques leçons à tirer…
Mais quel est l’intérêt public de propos prononcés dans un bar par un président de parti ? Le caractère urgent semble pour le moins discutable… Ne s’agirait-il que d’une histoire de gros scoop ?
Trois éléments pèsent néanmoins dans la balance.
D’abord, Conner Rousseau est aussi député du Parlement flamand — un représentant du peuple qui, accessoirement, prépare sa candidature aux élections. Il occupe donc une fonction importante et le public est en droit de savoir, le plus tôt possible, s’il est visé par des enquêtes portant sur d’éventuelles inconduites.
« Il fait également preuve d’un manque de respect inquiétant pour la Constitution et pour la liberté de la presse. »
Ensuite, il est inouï qu’un président de parti, plutôt que de répondre aux journalistes, leur fasse obstacle en se servant de la justice par tous les moyens possibles. Certes, les élections approchent et il souhaite préserver son image. Mais le rôle de la presse n’est pas de l’y aider.
[3]Conner Rousseau (Vooruit) : “J’espère que les Wallons savent que les extrêmes menacent notre prospérité”
Enfin, l’interdiction de la censure est inscrite dans la Constitution, ce qui lui donne plus de poids que le secret de l’instruction. « La censure ne doit jamais être permise », énonce le législateur. Ce principe essentiel est bafoué à plus forte raison lorsqu’elle est préventive, c’est-à-dire lorsqu’elle consiste à empêcher une publication avant même sa parution.
Un responsable politique qui emploie les grands moyens pour enfreindre ce précepte afin de tenter de sauver sa réputation ne fait, au contraire, que ternir son image. Il fait également preuve d’un manque de respect inquiétant pour la Constitution et pour la liberté de la presse — ainsi que d’un style autoritaire dont on se passerait volontiers. Vu sa cote de popularité, une des plus élevées du pays, il aurait pu être mieux inspiré.
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Le quotidien Het Laatste Nieuws et la chaîne VTM ont fait état d’un procès-verbal dans lequel seraient consignés des propos racistes que le responsable politique aurait tenus dans un café de Saint Nicolas. Les rédactions n’ont pas ledit document en leur possession, mais s’appuient sur les dires de quatre sources qui en ont confirmé le contenu.
Invité par ces médias à réagir, Conner Rousseau a saisi le tribunal en référé pour demander unilatéralement une interdiction de publication et de diffusion. Le juge lui a donné raison : tout média, mais aussi toute « personne physique » qui publierait un quelconque extrait de ce PV se verrait contraint de s’acquitter d’une astreint de 1 000 euros par heure.
[1]Qui est Conner Rousseau, le président de Vooruit qui casse les codes des partis traditionnels ?
Une attitude qui frôle dangereusement la « censure », à en juger par les réactions quasi unanimes des juristes sollicités sur ce dossier.
Rousseau et ses avocats justifient cette démarche en invoquant le secret de l’instruction. La loi dispose en effet que la presse ne peut pas divulguer d’informations portant sur des affaires n’ayant pas encore été tranchées, notamment pour éviter les procès médiatiques.
« Si la presse devait garder le silence pendant que la justice accomplit sa mission, ces atrocités pourraient se poursuivre tout au long de la procédure. »
En pratique, il est toutefois nécessaire que les médias, dans certains cas, fassent référence à des éléments d’enquêtes en cours. Il faut bien qu’ils puissent rendre compte de problématiques dont l’importance est telle, pour la société, qu’il est impossible d’attendre que la justice ait été rendue. Que l’on songe aux abus d’enfants, par exemple au sein de l’église. Si la presse devait garder le silence pendant que la justice accomplit sa mission, ces atrocités pourraient se poursuivre tout au long de la procédure. De même, les dissimulations ou les malversations touchant le système judiciaire lui-même ne peuvent être révélées que si les médias en informent le public en se fondant sur des enquêtes en cours.
[2]Comment les médias ont-ils traité « l’affaire Conner Rousseau »? Quelques leçons à tirer…
Mais quel est l’intérêt public de propos prononcés dans un bar par un président de parti ? Le caractère urgent semble pour le moins discutable… Ne s’agirait-il que d’une histoire de gros scoop ?
Trois éléments pèsent néanmoins dans la balance.
D’abord, Conner Rousseau est aussi député du Parlement flamand — un représentant du peuple qui, accessoirement, prépare sa candidature aux élections. Il occupe donc une fonction importante et le public est en droit de savoir, le plus tôt possible, s’il est visé par des enquêtes portant sur d’éventuelles inconduites.
« Il fait également preuve d’un manque de respect inquiétant pour la Constitution et pour la liberté de la presse. »
Ensuite, il est inouï qu’un président de parti, plutôt que de répondre aux journalistes, leur fasse obstacle en se servant de la justice par tous les moyens possibles. Certes, les élections approchent et il souhaite préserver son image. Mais le rôle de la presse n’est pas de l’y aider.
[3]Conner Rousseau (Vooruit) : “J’espère que les Wallons savent que les extrêmes menacent notre prospérité”
Enfin, l’interdiction de la censure est inscrite dans la Constitution, ce qui lui donne plus de poids que le secret de l’instruction. « La censure ne doit jamais être permise », énonce le législateur. Ce principe essentiel est bafoué à plus forte raison lorsqu’elle est préventive, c’est-à-dire lorsqu’elle consiste à empêcher une publication avant même sa parution.
Un responsable politique qui emploie les grands moyens pour enfreindre ce précepte afin de tenter de sauver sa réputation ne fait, au contraire, que ternir son image. Il fait également preuve d’un manque de respect inquiétant pour la Constitution et pour la liberté de la presse — ainsi que d’un style autoritaire dont on se passerait volontiers. Vu sa cote de popularité, une des plus élevées du pays, il aurait pu être mieux inspiré.