Forcer les banques à augmenter la rémunération de l’épargne? Attention, jeu dangereux!
([Economie, Opinions] 2023-06-01 (De Tijd))
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- News link: https://daardaar.be/rubriques/opinions/forcer-les-banques-a-augmenter-la-remuneration-de-lepargne-attention-jeu-dangereux/
- Source link: https://www.tijd.be/opinie/commentaar/verplichte-spaarrente-heeft-een-prijs/10470998.html
Forcer les banques à augmenter la rémunération de l’épargne n’est pas anodin : il y aura inévitablement un prix à payer, et le retour de manivelle est parfaitement prévisible.
La sagesse populaire nous enseigne que quand on se fait raser, mieux vaut rester tranquille. Ce dicton, Febelfin (fédération du secteur bancaire belge) en a fait fi la semaine dernière, publiant un communiqué de presse extrêmement critique à l’égard du projet de la secrétaire d’État au Budget et à la Protection des consommateurs, Alexia Bertrand (Open VLD), visant à obliger les banques à relever leurs taux de rémunération de l’épargne en réaction au relèvement du taux directeur de la Banque centrale européenne. Cette réaction sectorielle n’a évidemment guère impressionné les responsables politiques.
Au contraire, c’est comme si on avait jeté de l’huile sur le feu : comme on pouvait s’y attendre, certains ne se sont pas fait faute de rappeler aux banques qu’elles n’avaient guère le droit à la parole sur ce point, ayant été renflouées par l’argent du contribuable il y a 15 ans. C’est bien ainsi, à coups de slogans, que le débat s’est déroulé jusqu’à présent. Or cette question est à la fois complexe et délicate — aux États-Unis, la hausse des taux a déjà fait chavirer plusieurs banques de taille moyenne.
[1]Dring Dring #2 : Arco et les 800.000 coopérateurs flamands dupés
Et les banquiers préfèrent ne pas insister. Parce qu’il leur est difficile de s’exprimer au nom de leurs collègues, d’une part, et parce qu’il est particulièrement difficile de mener un débat de raison. Michael Anseeuw, administrateur délégué de BNP Paribas Fortis, a décidé d’enfin rompre ce silence. BNP Paribas Fortis, première banque du pays, est également le leader du marché de l’épargne. Et son message, c’est qu’en effet, il n’est pas impossible d’améliorer le taux de rémunération de l’épargne. En même temps, Michael Anseeuw tempère les attentes : à ses yeux, il est exclu d’aller au-delà d’une hausse modérée.
Et il s’explique. Il est faux de croire que les banques réalisent des bénéfices phénoménaux grâce au taux d’intérêt élevé que la BCE leur verse sur les centaines de milliards d’euros de liquidités excédentaires qu’elles y déposent. N’oublions pas que les crédits accordés par les banques ces dernières années, et en particulier les crédits hypothécaires à taux fixe réduit, ne leur procurent que des marges d’intérêt peu élevées. Michael Anseeuw tient à nuancer l’idée selon laquelle les banques réaliseraient des méga-profits sur leurs activités bancaires en Belgique.
A-t-il raison ? C’est sur ce point-là que devrait d’abord porter le débat, non pas d’après de simples perceptions, mais sur la base de chiffres précis.
« N’oublions pas que les crédits accordés par les banques ces dernières années, et en particulier les crédits hypothécaires à taux fixe réduit, ne leur procurent que des marges d’intérêt peu élevées. »
Ensuite, on se demandera s’il est bon que le gouvernement, pour plaire aux épargnants et s’attirer les faveurs de la population, oblige les banques à rémunérer davantage l’épargne. Car une telle politique aura nécessairement des effets secondaires négatifs, parfaitement prévisibles.
Les banques tenteront de maintenir le niveau de leur marge bénéficiaire — après tout, toute banque doit satisfaire ses clients, mais elle doit tout autant satisfaire ses actionnaires. Que ce soit en augmentant les taux appliqués aux crédits, en augmentant les frais relatifs à divers services, ou en s’aventurant dans des activités plus risquées, aux prévisions de rendement élevées — mais avec tous les risques qu’on connaît.
[2]Trop d’épargne? Au revoir logement social ! De l’équité, oui, mais avec modération…
Jeudi, le gouvernement a décidé d’éviter toute précipitation, préférant demander d’abord l’avis de la Banque Nationale. Cette décision judicieuse est l’occasion de sortir le débat de la sphère populiste.
La Banque Nationale a pour mission de veiller à la stabilité des banques, de s’assurer qu’elles se montrent suffisamment rentables et de veiller à ce qu’elles évitent de prendre des risques injustifiables. Cela étant, en tant qu’organe de supervision, elle n’a pas pour mission de gérer leur politique commerciale, ni de leur dicter les taux à appliquer à l’épargne ou au crédit. Elle doit cependant mettre le public en garde contre les effets secondaires néfastes d’éventuelles initiatives politiques.
Et en matière d’épargne, il n’y a qu’un seul conseil à donner au gouvernement : « Ne vous mêlez pas de ça ».
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La sagesse populaire nous enseigne que quand on se fait raser, mieux vaut rester tranquille. Ce dicton, Febelfin (fédération du secteur bancaire belge) en a fait fi la semaine dernière, publiant un communiqué de presse extrêmement critique à l’égard du projet de la secrétaire d’État au Budget et à la Protection des consommateurs, Alexia Bertrand (Open VLD), visant à obliger les banques à relever leurs taux de rémunération de l’épargne en réaction au relèvement du taux directeur de la Banque centrale européenne. Cette réaction sectorielle n’a évidemment guère impressionné les responsables politiques.
Au contraire, c’est comme si on avait jeté de l’huile sur le feu : comme on pouvait s’y attendre, certains ne se sont pas fait faute de rappeler aux banques qu’elles n’avaient guère le droit à la parole sur ce point, ayant été renflouées par l’argent du contribuable il y a 15 ans. C’est bien ainsi, à coups de slogans, que le débat s’est déroulé jusqu’à présent. Or cette question est à la fois complexe et délicate — aux États-Unis, la hausse des taux a déjà fait chavirer plusieurs banques de taille moyenne.
[1]Dring Dring #2 : Arco et les 800.000 coopérateurs flamands dupés
Et les banquiers préfèrent ne pas insister. Parce qu’il leur est difficile de s’exprimer au nom de leurs collègues, d’une part, et parce qu’il est particulièrement difficile de mener un débat de raison. Michael Anseeuw, administrateur délégué de BNP Paribas Fortis, a décidé d’enfin rompre ce silence. BNP Paribas Fortis, première banque du pays, est également le leader du marché de l’épargne. Et son message, c’est qu’en effet, il n’est pas impossible d’améliorer le taux de rémunération de l’épargne. En même temps, Michael Anseeuw tempère les attentes : à ses yeux, il est exclu d’aller au-delà d’une hausse modérée.
Et il s’explique. Il est faux de croire que les banques réalisent des bénéfices phénoménaux grâce au taux d’intérêt élevé que la BCE leur verse sur les centaines de milliards d’euros de liquidités excédentaires qu’elles y déposent. N’oublions pas que les crédits accordés par les banques ces dernières années, et en particulier les crédits hypothécaires à taux fixe réduit, ne leur procurent que des marges d’intérêt peu élevées. Michael Anseeuw tient à nuancer l’idée selon laquelle les banques réaliseraient des méga-profits sur leurs activités bancaires en Belgique.
A-t-il raison ? C’est sur ce point-là que devrait d’abord porter le débat, non pas d’après de simples perceptions, mais sur la base de chiffres précis.
« N’oublions pas que les crédits accordés par les banques ces dernières années, et en particulier les crédits hypothécaires à taux fixe réduit, ne leur procurent que des marges d’intérêt peu élevées. »
Ensuite, on se demandera s’il est bon que le gouvernement, pour plaire aux épargnants et s’attirer les faveurs de la population, oblige les banques à rémunérer davantage l’épargne. Car une telle politique aura nécessairement des effets secondaires négatifs, parfaitement prévisibles.
Les banques tenteront de maintenir le niveau de leur marge bénéficiaire — après tout, toute banque doit satisfaire ses clients, mais elle doit tout autant satisfaire ses actionnaires. Que ce soit en augmentant les taux appliqués aux crédits, en augmentant les frais relatifs à divers services, ou en s’aventurant dans des activités plus risquées, aux prévisions de rendement élevées — mais avec tous les risques qu’on connaît.
[2]Trop d’épargne? Au revoir logement social ! De l’équité, oui, mais avec modération…
Jeudi, le gouvernement a décidé d’éviter toute précipitation, préférant demander d’abord l’avis de la Banque Nationale. Cette décision judicieuse est l’occasion de sortir le débat de la sphère populiste.
La Banque Nationale a pour mission de veiller à la stabilité des banques, de s’assurer qu’elles se montrent suffisamment rentables et de veiller à ce qu’elles évitent de prendre des risques injustifiables. Cela étant, en tant qu’organe de supervision, elle n’a pas pour mission de gérer leur politique commerciale, ni de leur dicter les taux à appliquer à l’épargne ou au crédit. Elle doit cependant mettre le public en garde contre les effets secondaires néfastes d’éventuelles initiatives politiques.
Et en matière d’épargne, il n’y a qu’un seul conseil à donner au gouvernement : « Ne vous mêlez pas de ça ».