« Ici, les élèves obéissent encore » : la Flandre attire de plus en plus d’enseignants néerlandais
([Société] 2023-04-01 (Het Nieuwsblad))
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Alors que nos voisins d’outre-Moerdijk sont eux aussi confrontés à une pénurie de profs de plus en plus forte, les enseignants et enseignantes néerlandais sont déjà un bon millier à exercer leur métier en Flandre. Cela représente une augmentation de plus de 30 pour cent en à peine 5 ans. Les personnes concernées pointent trois facteurs pour expliquer leur choix : des salaires plus attrayants, une charge de travail moindre et des élèves qui obéiraient davantage. « En Flandre, ils écoutent encore ce qu’on leur dit. »
Ton van der Velden est originaire d’Utrecht et travaille à Anvers depuis deux ans déjà. Il y donne notamment des cours de cuisine au KOCA, un établissement d’enseignement secondaire spécialisé. Comment explique-t-il son attrait pour la Flandre ? « La Flandre, c’est déjà l’étranger, mais à deux pas de la maison. Les logements y sont plus spacieux et coûtent moins cher. Et puis, il y a toutes ces choses pour lesquelles vous ne devez rien payer, ou si peu, comme les soins de santé ou les frais de garderie. »
Van der Velden n’est pas un cas isolé. Ses compatriotes sont de plus en plus nombreux à faire le choix de venir enseigner en Flandre. Pour l’année académique 2021-2022, on a recensé pas moins de 1.010 profs néerlandais dans les classes flamandes, ce qui représente une augmentation de plus de 30 pour cent en cinq ans.
[1]Enseignement: « À partir de 50 à 60 % d’enfants vulnérables, les écoles ne s’en sortent plus »
Comment expliquer un tel afflux ? « Il n’y a en tout cas aucune stratégie délibérée d’attirer des enseignants néerlandais en Flandre. Les Pays-Bas sont eux aussi en situation de pénurie. Aller chasser sur leurs terres reviendrait dès lors à enfreindre le principe de relations de bon voisinage », indique-t-on au cabinet du ministre flamand de l’Enseignement Ben Weyts (N-VA). « Cela étant, nous avons pris ces dernières années plusieurs initiatives afin d’améliorer la rémunération de notre corps professoral. Les systèmes et prélèvements fiscaux n’étant pas les mêmes, il est difficile de chiffrer avec précision la différence salariale entre la Flandre et les Pays-Bas mais globalement, un enseignant gagne mieux sa vie ici que là-bas. »
Les enseignants néerlandais soulignent eux aussi qu’un prof « gagne très bien sa vie » en Flandre. Cette perception positive est encore renforcée par le mécanisme d’adaptation automatique des salaires à l’inflation en vigueur dans notre pays et par les mesures prises par le gouvernement flamand afin de lutter contre la pénurie d’enseignants, à l’image du bonus introduit il y a quelques années pour les professeurs en début de carrière.
Et ce n’est pas tout, soutient Monique Fischer. Cette professeure de philosophie a longtemps cherché un travail correspondant à sa formation à Eindhoven et Tilburg, mais c’est finalement au Sint-Norbertusinstituut de Duffel qu’elle a trouvé de l’embauche. « Le corps professoral jouit également d’une grande liberté ici. C’est ainsi que je rédige moi-même mes cours et que je peux faire faire à mes élèves à peu près ce que je veux. »
[2]Enseignement: « À partir de 50 à 60 % d’enfants vulnérables, les écoles ne s’en sortent plus »
Tamar van Gelder, de la fédération néerlandaise d’enseignants AOb, n’est pas surprise elle non plus que tant d’enseignants aillent voir de l’autre côté de la frontière si l’herbe n’y est pas plus verte. « Il y a une grande différence entre les Pays-Bas et la Belgique en ce qui concerne le nombre d’élèves par prof. En Belgique, la moyenne est de treize élèves par enseignant alors qu’aux Pays-Bas, vous pouvez vous retrouver face à une classe de 32 élèves. En matière de charge de travail, cela fait une énorme différence. »
« Les élèves sont beaucoup plus assertifs aux Pays-Bas »
Selon Fischer, les enseignants actifs en Belgique jouissent également d’un meilleur « statut ». « Dans une école flamande, la direction vous encouragera à bien affirmer votre autorité vis-à-vis des élèves. À ne pas avoir peur d’intervenir devant une classe trop agitée en disant ça suffit maintenant, tout le monde se tait ! . Ce genre d’avertissement ne laisse pas les élèves de marbre, car ils savent qu’il pourrait y avoir des conséquences s’ils n’obtempèrent pas. »
Même son de cloche chez Colette Notenboom, une Néerlandaise qui travaille comme directrice adjointe à Pius X, une école secondaire anversoise. « Les élèves flamands sont plutôt sages : ils sont motivés pour suivre le cours et écoutent encore ce qu’on leur dit. Leurs homologues néerlandais sont en règle générale beaucoup plus assertifs, ce qui complique automatiquement la tâche du professeur. »
« Dans les écoles flamandes, il est courant de voir les élèves former une file à l’extérieur de leur classe et attendre sagement que leur professeur vienne les chercher », ajoute Ton van der Velden.
Et les élèves flamands, que pensent-ils de tous ces enseignants néerlandais qui déboulent dans leurs classes ? « Ils trouvent cela très intéressant », indique Fischer. « Ils m’interpellent souvent au sujet des différences culturelles et pensent parfois que si je suis plus ouverte d’esprit que certains collègues, c’est parce que je suis originaire des Pays-Bas. Ce qui n’est peut-être pas faux. »
Le tableau paraît idyllique, mais il y a tout de même quelques bémols. Van der Velden, par exemple, a dû s’habituer aux légères nuances entre le néerlandais de Flandre et celui pratiqué outre-Moerdijk, ainsi qu’aux blagues sur les « Hollandais ». « Au début, vous entendez encore bien dire que vous êtes radin ou que vous faites beaucoup de bruit, mais cela s’arrête après un certain temps. On peut dire que mon intégration s’est parfaitement déroulée. Si j’avais un conseil à donner à mes compatriotes qui envisageraient de venir travailler dans l’enseignement en Flandre, ce serait de se tenir quelque peu sur la réserve au début : inutile d’expliquer dès le premier jour comment certaines choses pourraient être organisées autrement, par exemple. »
[3]Pénurie d’enseignants: pauvre petite Flandre riche
[1] https://daardaar.be/rubriques/societe/enseignement-a-partir-de-50-a-60-denfants-vulnerables-les-ecoles-ne-sen-sortent-plus/
[2] https://daardaar.be/rubriques/societe/enseignement-a-partir-de-50-a-60-denfants-vulnerables-les-ecoles-ne-sen-sortent-plus/
[3] https://daardaar.be/rubriques/politique/penurie-denseignants-pauvre-petite-flandre-riche/
Ton van der Velden est originaire d’Utrecht et travaille à Anvers depuis deux ans déjà. Il y donne notamment des cours de cuisine au KOCA, un établissement d’enseignement secondaire spécialisé. Comment explique-t-il son attrait pour la Flandre ? « La Flandre, c’est déjà l’étranger, mais à deux pas de la maison. Les logements y sont plus spacieux et coûtent moins cher. Et puis, il y a toutes ces choses pour lesquelles vous ne devez rien payer, ou si peu, comme les soins de santé ou les frais de garderie. »
Van der Velden n’est pas un cas isolé. Ses compatriotes sont de plus en plus nombreux à faire le choix de venir enseigner en Flandre. Pour l’année académique 2021-2022, on a recensé pas moins de 1.010 profs néerlandais dans les classes flamandes, ce qui représente une augmentation de plus de 30 pour cent en cinq ans.
[1]Enseignement: « À partir de 50 à 60 % d’enfants vulnérables, les écoles ne s’en sortent plus »
Un meilleur salaire
Comment expliquer un tel afflux ? « Il n’y a en tout cas aucune stratégie délibérée d’attirer des enseignants néerlandais en Flandre. Les Pays-Bas sont eux aussi en situation de pénurie. Aller chasser sur leurs terres reviendrait dès lors à enfreindre le principe de relations de bon voisinage », indique-t-on au cabinet du ministre flamand de l’Enseignement Ben Weyts (N-VA). « Cela étant, nous avons pris ces dernières années plusieurs initiatives afin d’améliorer la rémunération de notre corps professoral. Les systèmes et prélèvements fiscaux n’étant pas les mêmes, il est difficile de chiffrer avec précision la différence salariale entre la Flandre et les Pays-Bas mais globalement, un enseignant gagne mieux sa vie ici que là-bas. »
Les enseignants néerlandais soulignent eux aussi qu’un prof « gagne très bien sa vie » en Flandre. Cette perception positive est encore renforcée par le mécanisme d’adaptation automatique des salaires à l’inflation en vigueur dans notre pays et par les mesures prises par le gouvernement flamand afin de lutter contre la pénurie d’enseignants, à l’image du bonus introduit il y a quelques années pour les professeurs en début de carrière.
Et ce n’est pas tout, soutient Monique Fischer. Cette professeure de philosophie a longtemps cherché un travail correspondant à sa formation à Eindhoven et Tilburg, mais c’est finalement au Sint-Norbertusinstituut de Duffel qu’elle a trouvé de l’embauche. « Le corps professoral jouit également d’une grande liberté ici. C’est ainsi que je rédige moi-même mes cours et que je peux faire faire à mes élèves à peu près ce que je veux. »
[2]Enseignement: « À partir de 50 à 60 % d’enfants vulnérables, les écoles ne s’en sortent plus »
Tamar van Gelder, de la fédération néerlandaise d’enseignants AOb, n’est pas surprise elle non plus que tant d’enseignants aillent voir de l’autre côté de la frontière si l’herbe n’y est pas plus verte. « Il y a une grande différence entre les Pays-Bas et la Belgique en ce qui concerne le nombre d’élèves par prof. En Belgique, la moyenne est de treize élèves par enseignant alors qu’aux Pays-Bas, vous pouvez vous retrouver face à une classe de 32 élèves. En matière de charge de travail, cela fait une énorme différence. »
« Les élèves sont beaucoup plus assertifs aux Pays-Bas »
Selon Fischer, les enseignants actifs en Belgique jouissent également d’un meilleur « statut ». « Dans une école flamande, la direction vous encouragera à bien affirmer votre autorité vis-à-vis des élèves. À ne pas avoir peur d’intervenir devant une classe trop agitée en disant ça suffit maintenant, tout le monde se tait ! . Ce genre d’avertissement ne laisse pas les élèves de marbre, car ils savent qu’il pourrait y avoir des conséquences s’ils n’obtempèrent pas. »
Même son de cloche chez Colette Notenboom, une Néerlandaise qui travaille comme directrice adjointe à Pius X, une école secondaire anversoise. « Les élèves flamands sont plutôt sages : ils sont motivés pour suivre le cours et écoutent encore ce qu’on leur dit. Leurs homologues néerlandais sont en règle générale beaucoup plus assertifs, ce qui complique automatiquement la tâche du professeur. »
« Dans les écoles flamandes, il est courant de voir les élèves former une file à l’extérieur de leur classe et attendre sagement que leur professeur vienne les chercher », ajoute Ton van der Velden.
Des blagues sur les « Hollandais »
Et les élèves flamands, que pensent-ils de tous ces enseignants néerlandais qui déboulent dans leurs classes ? « Ils trouvent cela très intéressant », indique Fischer. « Ils m’interpellent souvent au sujet des différences culturelles et pensent parfois que si je suis plus ouverte d’esprit que certains collègues, c’est parce que je suis originaire des Pays-Bas. Ce qui n’est peut-être pas faux. »
Le tableau paraît idyllique, mais il y a tout de même quelques bémols. Van der Velden, par exemple, a dû s’habituer aux légères nuances entre le néerlandais de Flandre et celui pratiqué outre-Moerdijk, ainsi qu’aux blagues sur les « Hollandais ». « Au début, vous entendez encore bien dire que vous êtes radin ou que vous faites beaucoup de bruit, mais cela s’arrête après un certain temps. On peut dire que mon intégration s’est parfaitement déroulée. Si j’avais un conseil à donner à mes compatriotes qui envisageraient de venir travailler dans l’enseignement en Flandre, ce serait de se tenir quelque peu sur la réserve au début : inutile d’expliquer dès le premier jour comment certaines choses pourraient être organisées autrement, par exemple. »
[3]Pénurie d’enseignants: pauvre petite Flandre riche
[1] https://daardaar.be/rubriques/societe/enseignement-a-partir-de-50-a-60-denfants-vulnerables-les-ecoles-ne-sen-sortent-plus/
[2] https://daardaar.be/rubriques/societe/enseignement-a-partir-de-50-a-60-denfants-vulnerables-les-ecoles-ne-sen-sortent-plus/
[3] https://daardaar.be/rubriques/politique/penurie-denseignants-pauvre-petite-flandre-riche/