L’Université de Gand va-t-elle trop loin en interdisant à un de ses profs d’utiliser son livre comme manuel?
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- Source link: https://www.demorgen.be/meningen/mattias-desmet-is-lang-niet-de-enige-hoogleraar-die-in-de-aula-betwistbare-achterhaalde-of-zelfs-aantoonbaar-onjuiste-ideeen-verkondigt~b4f6a97f/
Si l’on en croit la très longue liste d’erreurs, déformations et mensonges signalée par ses collègues, y compris, mais certainement pas exclusivement, à propos du vaccin et de la pandémie de coronavirus, l’université a pris une sage décision. Cependant, elle ne constitue pas une interdiction de « De psychologie van totalitarisme », comme l’affirme également à tort le professeur Desmet.
Au contraire. Fort de son succès auprès des complotistes antivax de tous bords, le livre pourrait bien toucher un public encore plus large à la faveur de ce ramdam médiatique. Et c’est tout le mal qu’on souhaite au professeur. Ce n’est pas parce qu’un livre est mauvais qu’il faut le bannir. Auquel cas il n’en resterait pas beaucoup.
[1]Harcèlement sexuel à l’université : un mal endémique
Néanmoins, il est parfaitement normal que l’université juge qu’un ouvrage n’est pas approprié. En effet, elle se doit d’offrir le meilleur enseignement possible à ses étudiants. La décision de restreindre, de surcroît, la mission d’enseignement du professeur Desmet est plus délicate, car elle touche à la liberté académique.
Pourtant, on pourrait, ici aussi, abonder dans le sens des autorités universitaires. La liberté académique autorise les scientifiques à explorer toutes les idées ou hypothèses possibles, y compris celles qui sont inconfortables, incongrues ou surprenantes. Un principe fondamental, car ce n’est que du choc des idées, et donc de la contradiction, que naît le progrès. Mais un scientifique intègre doit se montrer lui aussi prêt à remettre en question ses propres convictions et à corriger ses erreurs. L’université a jugé que cette intention se révèle insuffisante dans le chef de Mattias Desmet.
« Traditionnellement, le monde académique se montre tolérant vis-à-vis de ces scientifiques controversés afin de ne pas donner l’impression qu’il cherche à bâillonner un membre de son personnel. »
Pour les étudiants du cours de critique culturelle et sociale, c’est une véritable aubaine éducative. Ils seront désormais capables de se forger des opinions critiques fondées sur un spectre d’idées plus large. Pourtant, il y a un hic. Mattias Desmet est loin d’être le seul professeur à défendre dans ses auditoires des idées discutables, rétrogrades, voire incorrectes. Traditionnellement, le monde académique se montre tolérant vis-à-vis de ces scientifiques controversés afin de ne pas donner l’impression qu’il cherche à bâillonner un membre de son personnel.
Le jugement sévère à l’égard de Mattias Desmet constitue donc une exception. Le risque, c’est que l’université veuille faire la preuve de sa propre objectivité en érigeant cette délimitation exceptionnelle et sévère de la liberté académique en nouvelle règle. Dans ce cas, un nombre croissant de professeurs pourraient craindre pour leur mission d’enseignement, et la liberté académique serait finalement mise à mal. Qu’on impute à l’UGent le statut de « martyr » acquis par Mattias Desmet auprès de ses partisans semble moins problématique que d’en créer un précédent.
[2]« Les universités du nord du pays sont trop flamandes »
[1] https://daardaar.be/rubriques/societe/harcelement-sexuel-a-luniversite-un-mal-endemique/
[2] https://daardaar.be/rubriques/opinions/les-universites-du-nord-du-pays-sont-trop-flamandes/