Harcèlement chez Plopsa : « Les managers étaient forcés à s’espionner mutuellement »
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« Il y a quelques années, un des directeurs de Plopsa a été envoyé en mission à l’étranger. Arrivé à 22 heures, il s’est tout de suite rendu à son hôtel : une série de réunions difficiles l’attendait le lendemain. Mais la semaine suivante, de retour à La Panne, il s’est fait passer un savon devant tout le groupe pour ne pas avoir pris la peine, ce soir-là, d’inspecter le parc d’attractions en question, qui était ouvert jusqu’à 22 h 30. »
Le groupe Plopsa exploite sept parcs en Belgique, parmi lesquels Plopsaland, Plopsa Indoor Hasselt et Plopsa Coo, ainsi que trois parcs à l’étranger. Le week-end dernier, le journal économique De Tijd a dépeint dans ses colonnes une société qui se montre impitoyable avec ses collaborateurs.
« Plopsa est une entreprise dans laquelle les travailleurs sont traités sans aucun respect, c’est une tyrannie »
« Plopsa est une entreprise dans laquelle les travailleurs sont traités sans aucun respect, c’est une tyrannie », affirment les treize anciens salariés que nous avons contactés. Les plaintes émanent de cadres intermédiaires qui travaillaient au siège, situé à La Panne : des directeurs et managers qui rendaient compte au PDG et à ses deux bras droits.
« Travailler chez Plopsa, c’était pourtant un rêve pour moi », explique Régis D’haenens, qui a occupé le poste de responsable des achats pendant quatre mois en 2016 — l’une des rares personnes à oser témoigner à visage découvert. « J’ai senti que quelque chose n’allait pas après une semaine à peine. Une femme qui avait commencé en même temps que moi est sortie en larmes du bureau de Steve ; elle a démissionné après seulement deux semaines . » Les témoignages pointent souvent le PDG de la société, Steve Van den Kerkhof, 48 ans, ainsi que ses deux bras droits.
Les managers insultés à tour de rôle
Chaque lundi matin, les cadres se retrouvent, à La Panne, pour une réunion de direction qui s’apparente plutôt à une séance de correction. Les managers de tous les départements doivent y exposer les réalisations de leur service.
« On était nerveux avant même que ça ne commence », raconte un ancien employé. « Car Steve prend un malin plaisir, chaque fois, à se choisir une victime et à la couvrir d’insultes devant tout le groupe. Le plus souvent, il reste en bout de table, longtemps, à compulser ses papiers ou à signer des contrats, jusqu’à soudainement exploser . »
Régis D’haenens fait partie de ceux qui ont subi ces vexations. « Dans un rapport, il manquait un chiffre. Un chiffre important, mais j’aurais pu le retrouver tout de suite. Le rapport a volé à travers la salle pour s’écraser sur mon visage . Qu’est-ce que tu fais ici ? Tu ne vaux rien ! a-t-il hurlé. Trois semaines plus tôt, c’est lui-même qui m’avait engagé . »
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« Steve applique la stratégie “diviser pour mieux régner” », explique un témoin. D’autres personnes abondent dans ce sens. « Il monte des managers et parfois des services entiers les uns contre les autres. Pour que les gens travaillent plus dur, mais aussi pour obtenir des informations qu’il pourra utiliser par la suite . »
Un des témoins illustre ces pratiques : « Le responsable des attractions est poussé à surveiller l’état des restaurants, comme un espion, et à prendre des photos — d’une poubelle qui déborde, par exemple. Parallèlement, la personne chargée des restaurants doit prendre des photos des attractions : un visiteur qui n’est pas assis à la bonne place, par exemple. Ces informations ressortent ensuite en réunion, pour humilier le responsable . »
« Ces employés sont obligés d’envoyer des photos à Steve. Il arrive qu’ils se mettent d’accord pour ne lui faire parvenir que les moins compromettantes, celles des tables les moins sales, par exemple — à condition que l’autre salarié fasse de même. »
Obligation de participer à tous les événements
Autre grief récurrent : la charge de travail colossale. « On reste jusque tard le soir. Mais il faut aussi être là les week-ends. Et prouver qu’on participe aux événements, photos à l’appui. »
« Réagir aux e-mails trop tard, et ne pas répondre au téléphone, ou pas assez vite, c’était inconcevable », relate un témoin. « Il m’est arrivé de recevoir en une seule soirée 40 e-mails faisant état de problèmes auxquels il fallait apporter une solution rapidement. Un directeur exigeait que si on ratait un appel, il fallait réagir dans la demi-heure . » Une obligation qui s’imposait également en soirée. « Même après 22 heures et pendant nos congés, on recevait des e-mails ou des appels auxquels il fallait répondre . »
« Au bout du compte, je travaillais parfois 80 à 100 heures par semaine. »
« On attendait de nous qu’on travaille sept jours sur sept », résume Régis D’haenens. « Au bout du compte, je travaillais parfois 80 à 100 heures par semaine. Mais s’il m’arrivait d’être absent un dimanche après une semaine de six jours, Steve venait me trouver à mon bureau dès le lendemain : Et alors ? Qu’est-ce qui se passe ? »
Quelques heures après la parution de l’article du Tijd , une banderole a été accrochée à Plopsaland : « Nous soutenons Steve et la direction à 500 % . » « Une initiative du personnel », selon Plopsa.
« Cette banderole était prête depuis des semaines », dément un ancien manager qui a encore de bonnes relations avec ses ex-collègues. « Ils savaient ce qui allait leur tomber dessus depuis que la journaliste leur avait demandé une réaction . »
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« L’équipe de Plopsa, incroyablement fière »
La direction a aussi demandé à tous les membres du personnel de signer, avant dimanche à 14 heures, une lettre ouverte publiée au nom de l’équipe de Plopsa, incroyablement fière . « Évidemment, personne n’a osé refuser . »
Studio 100, la société mère, a publié un communiqué laconique : « Nous prenons ces signalements au sérieux et avons demandé une enquête indépendante à l’avocate Christine Mussche. Les témoins peuvent se manifester . »
Le PDG, Steve Van den Kerkhof, a réagi en son propre nom : « Cent heures par semaine, cela me paraît beaucoup. Même moi, je n’en fais pas tant. Et il est faux de dire qu’il règne une culture de la dénonciation. Parfois, les directeurs remarquent des problèmes. Certains d’entre eux en parlent à leurs collègues, d’autres à moi . »
Le PDG reconnaît qu’il est exigeant. « Mais je ne suis pas du genre à crier sur les gens. Les fois où cela a pu arriver, sur les dix dernières années, se comptent sur les doigts d’une main. Je ne hausse le ton que lorsque l’on touche à la sécurité et aux procédures. En 2014, un enfant a trouvé la mort dans le parc que nous exploitons en Allemagne. On ne peut pas l’oublier . »
[1] https://daardaar.be/rubriques/sport/football-et-harcelement-nouvelles-normes-et-valeurs-a-lantwerp/
[2] https://daardaar.be/rubriques/societe/4-points-sur-le-poing-un-symbole-viral-pour-combattre-le-harcelement-a-lecole/