News: 2023-01_Belgaimage-252984

  ARM Give a man a fire and he's warm for a day, but set fire to him and he's warm for the rest of his life (Terry Pratchett, Jingo)

« Pourquoi j’ai toujours refusé d’interviewer en direct un membre du Vlaams Blok »

([Opinions, Politique] 2023-01-01 (De Morgen))


Pourquoi donc sous-estime-t-on systématiquement le danger que représente une prise de pouvoir par l’extrême droite ? En 2019, après les élections, l’administrateur délégué du VOKA (réseau flamand d’entreprises), Hans Maertens, affirmait qu’il devrait être possible de former une coalition englobant le Vlaams Belang, arguant que le programme d’un gouvernement est plus important que les personnalités qui le composent. Aussitôt dit, aussitôt fait : le président de la N-VA, Bart De Wever, négocia alors avec le Vlaams Belang pendant deux mois au sujet de la formation du gouvernement flamand.

Les prochaines élections n’auront lieu que l’année prochaine, mais voilà déjà des mois que les spéculations vont bon train sur une éventuelle coalition entre la N-VA et le Vlaams Belang. Ce qui est le plus inquiétant, dans toutes ces tentatives d’enterrer le cordon sanitaire, c’est que l’on refuse obstinément de tirer les enseignements de l’histoire.

On refuse, encore et toujours, d’observer les similitudes et les parallèles entre la situation actuelle et les années 1930. Toute reductio ad Hitlerum est accueillie par un haussement d’épaules, quand ce n’est pas carrément par du mépris. Certaines personnes vont même plus loin, qualifiant d’excessives ou d’anachroniques les analogies entre cette époque et la nôtre que Dirk Verhofstadt expose avec une rigueur scientifique irréfutable dans son ouvrage intitulé Journal de 1933 : le péril de l’extrême droite (Dagboek 1933, het gevaar van extreemrechts , non traduit). Ce fut pourtant Primo Levi, rescapé du camp d’Auschwitz, qui écrivit : « C’est arrivé, cela peut donc arriver de nouveau. » Le fait que Dirk Verhofstadt ait placé cette citation en exergue de son livre ne doit rien au hasard.

[1]Le cordon sanitaire flamand n’existe plus depuis longtemps

Certes, l’histoire ne se répète jamais de la même façon. On n’entend pas, de nos jours, le bruit des bottes des SS et des SA résonner dans les rues. C’est d’ailleurs presque devenu un cliché : les fascistes actuels s’affichent en costume-cravate. Mais les similarités que relève Verhofstadt n’en sont pas moins stupéfiantes. Et les erreurs qui ont conduit Hitler au pouvoir sont bel et bien répétées.

Préserver le cordon sanitaire



L’appel du responsable du VOKA à « intégrer » le Vlaams Belang fait ainsi directement écho à celui que lancèrent les industriels allemands aux nationaux-socialistes en 1933.

Il y a quatre ans, Bart De Wever commit la même erreur que Franz Von Papen, l’homme politique conservateur qui, en Allemagne, crut mettre Hitler au pas en le faisant chancelier. Or, c’est tout le contraire qui se produisit : il ne fallut à Hitler que quelques mois pour tordre le cou à la démocratie.

Cela étant, une nouvelle prise de pouvoir par l’extrême droite n’est pas inéluctable. Nous pouvons encore l’éviter, du moins en Flandre. Pour ce faire, il nous faut à tout prix maintenir le cordon sanitaire. Nous ne nous rendons pas assez compte de tout ce que nous lui devons. Le fait que l’extrême droite ne participe à l’administration d’aucune commune nous sauve, partout, de la « purge » d’enseignants de gauche dans les écoles, du retrait d’ouvrages que désapprouve l’extrême droite dans les bibliothèques, et du dérapage de certaines tensions en conflits violents. Il nous faut donc préserver ce cordon et ne jamais perdre de vue que sa seule raison d’être, c’est le racisme qui caractérise le Vlaams Blok/Belang.

« Il nous faut préserver le cordon sanitaire et ne jamais perdre de vue que sa seule raison d’être, c’est le racisme qui caractérise le Vlaams Blok/Belang. »

Il s’agit de bien le faire comprendre aux électeurs. Le président de Vooruit, Conner Rousseau, s’est exprimé sans la moindre ambiguïté, vendredi, dans l’émission De Afspraak : son parti ne gouvernera jamais, au grand jamais, avec le Vlaams Belang. Une déclaration qui a suscité des hochements de tête approbateurs dans toute l’assistance. Mais il n’a pas précisé la raison pour laquelle il excluait de pactiser avec le Vlaams Belang. Il faut dire que personne ne lui a posé la question. Comme si cela coulait de source. Ce qui n’est pas le cas. Il faut donc réaffirmer, encore et encore, que l’on ne veut rien avoir à faire avec un parti qui traite ses semblables de rats (« Rats de gauche, remballez vos matelas »). C’est de ce même qualificatif, des rats, que les nazis affublaient les juifs, qu’ils considéraient comme des voleurs et des profiteurs — des propos identiques à ceux que tient le Vlaams Belang à l’égard des étrangers non européens.

Il faut répéter que l’on ne veut rien avoir à faire avec un parti qui, une fois au pouvoir, « présentera l’addition » aux enseignants ayant une sensibilité de gauche réelle ou supposée. Avec un parti qui voit un « problème de Marocains » dans les échauffourées survenues lors de la Coupe du monde ou du Nouvel An, mais qui ne condamne pas l’incendie criminel d’un centre de demandeurs d’asile. Avec un parti qui, empruntant des expressions au nazisme, par de « presse mensongère » et, pour effrayer la population, de « grand remplacement ». Avec un parti qui fait des concessions au meurtrier de masse qu’est Bachar el-Assad et qui réprime à regret son admiration pour Poutine.

[2]Comment le Vlaams Belang compte-t-il conquérir Ninove grâce aux données?

Faire son autocritique



Les médias doivent également se livrer à un exercice d’autocritique. Ils se montrent en effet bien trop prudents et tolérants envers l’extrême droite. Ce n’est pas moi qui l’affirme, mais Stefan Hertmans, dans son dernier ouvrage, intitulé Glissements ( Verschuivingen , non traduit).

Cette attitude adoptée par les médias a, selon lui, « directement conduit au renforcement de l’extrême droite, qui remporte invariablement les débats télévisés à coups de slogans populistes, d’appels aux basses passions et de mensonges éhontés, tout en sapant politiquement la possibilité d’avoir un débat honnête » (page 129).

Si vous vous demandiez pourquoi j’ai toujours refusé d’accorder un entretien en direct à un membre du Vlaams Blok, vous avez votre réponse.

[3]Non, la N-VA ne va pas briser le cordon sanitaire



[1] https://daardaar.be/rubriques/politique/le-cordon-sanitaire-flamand-nexiste-plus-depuis-longtemps/

[2] https://daardaar.be/rubriques/politique/comment-le-vlaams-belang-compte-t-il-conquerir-ninove-grace-aux-donnees/

[3] https://daardaar.be/rubriques/politique/non-la-n-va-ne-va-pas-briser-le-cordon-sanitaire/



If God is dead, who will save the Queen?