Jusqu’à ce que le djihad nous sépare: le mariage chez les musulmans extrémistes
([Société] 2022-12-01 (Apache))
- Reference: 2022-12_couple-7233818_1920
- News link: https://daardaar.be/rubriques/societe/jusqua-ce-que-le-djihad-nous-separe-le-mariage-chez-les-musulmans-extremistes/
- Source link: https://www.apache.be/2022/12/05/tot-jihad-ons-scheidt
Le procès d’assises des attentats du 22 mars 2016 perpétrés à Bruxelles et à Zaventem a débuté ce 5 décembre, avec Salah Abdeslam pour principal suspect. Depuis son arrestation, le Français né à Bruxelles a reçu de nombreuses lettres d’amour, notamment de jeunes femmes radicalisées. Le terroriste s’est finalement marié l’été dernier, depuis sa prison. Mais comment fonctionne le marché du mariage chez les musulmans extrémistes ? Le site d’information flamand Apache s’est penché sur le sujet.
Avant son transfert devant les tribunaux belges, Salah Abdeslam a convolé en justes noces l’été dernier, dans la prison de Fleury-Mérogis en France. C’est son père qui lui aurait proposé sa future épouse, dont l’identité demeure inconnue. Il ne s’agissait pas d’un mariage civil, mais bien d’un mariage religieux, conclu par voie téléphonique derrière les barreaux.
Mais qu’est-ce qu’un mariage islamique, plus précisément ? Ce type de mariage se déroule très simplement. Il suffit de prononcer l’Al-Fatiha, la sourate d’ouverture du Coran, en présence d’un imam et d’un témoin. La dissolution du mariage n’est pas compliquée non plus : l’époux doit prononcer trois fois consécutivement son intention de divorcer. Une femme peut aussi se défaire des liens du mariage, mais sous des conditions strictes. Un mariage islamique n’étant pas un mariage civil, il n’a aucune validité au regard du droit. Même dans les pays islamiques, le mariage religieux est généralement suivi de la signature d’un acte de mariage basé sur la loi.
[1]Le 22 mars 2016, tournant de notre histoire
Un mariage islamique se fait donc sans trop de chichis, et c’est précisément cela qui le rend à la portée de tous les extrémistes musulmans candidats au mariage, qui n’accordent de toute façon que peu d’importance aux lois séculières. En effet, ils aspirent à une vie conforme à la sharia, c’est-à-dire à la loi islamique. Pour eux, un mariage se conclut avant tout (voire exclusivement) selon la législation religieuse. Quant aux terroristes, ils ont un motif supplémentaire : rester éloignés des formalités légales afin de garder un profil bas.
Une autre tradition, héritée du prophète Mohammed, veut qu’un musulman marié a réalisé la moitié des missions liées à sa foi. Autant dire qu’un islamiste forcené prendra le mariage très à cœur, notamment aussi pour fonder une famille et élargir la oumma , la communauté mondiale des musulmans.
« Les terroristes ont un motif supplémentaire pour se contenter d’un mariage religieux : s’éloigner des formalités pour garder un profil bas »
Le mariage islamique est considéré comme sacré, car il est le seul qui permette une relation entre un homme et une femme. Mais comment faire, dans ce cas, pour qu’un homme et une femme entrent en contact ? Les extrémistes musulmans ont à cet égard leur propre stratégie de mariages arrangés.
Peu après l’an deux mille, mais peu avant l’avènement des réseaux sociaux, on évoquait, dans nos contrées, des « listes de femmes ». À Molenbeek, par exemple, une liste de femmes avait été établie en 2004, bien avant l’appel au djihad contre la capitale de l’Europe.
Cette liste, très informelle, était comparable à une rubrique de petites annonces pour des rencontres. De futures épouses, autoproclamées candidates à un mariage djihadiste, faisaient part de leurs désirs dans le cadre de cercles islamistes radicaux. Et leur souhait était, en résumé, de mettre au monde de nouveaux combattants pour le djihad.
Mais ceci ne peut pas se faire sans un homme, de préférence un mari avec qui elles migreraient vers une région en guerre. L’Afghanistan était, à l’époque, une destination populaire pour le djihad, y compris pour les femmes, même si elles ne pouvaient pas voyager sans tutelle masculine. Les femmes s’inscrivaient sur la fameuse liste, dans l’attente d’un match Tinder non virtuel et djihadistement correct. C’est surtout dans des assemblées de femmes que circulaient ces listes, dans des mosquées et au sein d’associations obscures.
[2]Terrorisme: Divisée en 19 communes, Bruxelles pose problème
En réalité, la liste de femmes jouait le rôle d’entremetteuse, une fonction séculaire dans certaines cultures. L’entremetteuse dispose en quelque sorte d’un carnet d’adresses, dans lequel elle assortit les hommes et les femmes en fonction de leur parcours et de leur vision du monde : qui se ressemble, s’assemble. C’est tout aussi vrai dans le système des extrémistes islamistes.
De tout temps, cet usage était avant tout un usage oral, parce que de nombreuses entremetteuses analphabètes étaient incapables de tenir une liste écrite de noms. Elles se repliaient alors sur l’ ars memoriae , l’art de la mémoire. Cette discipline a persisté et s’exerce encore activement aujourd’hui. Des femmes connaissent par cœur une liste de candidats(e)s potentiel(le)s et les profils recherchés.
Dans les milieux islamistes radicaux, un autre critère de sélection s’ajoute : la conviction djihadiste. Par exemple, le très controversé Centre islamique belge (CIB) à Molenbeek était un lieu de rencontre. C’est là qu’a été scellé le fameux mariage entre Malika El Aroud et Abdessetar Dahmane , celui-là même qui a assassiné en Afghanistan le leader de l’opposition, le commandant Ahmad Shah Massoud , quelques jours avant le Onze septembre.
Dans cette politique de mariages arrangés, les femmes jouent un rôle prédominant. Avant l’arrivée des grands réseaux sociaux, elles étaient renforcées par des sites web islamistes, ou des forums en ligne sur lesquels les groupies du djihad se faisaient entendre de plus en plus fort : « Voici le héros que nous pouvons remercier pour ces beaux faits de résistance et de justice », écrit Juwayriyah , membre de Marokko.nl. Son héros, en l’occurrence, c’est Chamil Bassaïev , un homme barbu en uniforme militaire. Un rictus sur le visage, le leader des rebelles tchétchènes pose, un talkie-walkie à la main. « Puisse-t-il mener les Tchétchènes vers la victoire », conclut Juwayriyah.
C’est en 2003 que l’organisation terroriste néerlandaise Hofstadgroep , le Réseau Hofstad en français, fit fureur. Ce réseau, précurseur du mouvement djihadiste en Europe, était à la base de l’assassinat du réalisateur néerlandais Theo Van Gogh en 2004.
Les femmes jouaient un rôle novateur dans cette organisation : elles ont largement contribué au développement de la littérature djihadiste néerlandaise en se documentant sur les sites djihadistes en anglais, puis en traduisant le résultat de leurs recherches dans la langue de Vondel. Elles faisaient office de pionnières parmi les deuxième et troisième générations d’immigrés, car la majeure partie de la littérature djihadiste néerlandaise était l’œuvre de ces membres et sympathisantes féminines du Réseau Hofstad.
[3]Décocher des tirs lors d’un mariage, une tradition également flamande
Les messages partagés ne souffraient aucune ambiguïté : les jeunes femmes étaient appelées à se marier avec un moudjahid , un combattant. Ces appels étaient truffés de plaidoyers poétiques en faveur d’une révolution violente et du soutien inconditionnel à leur (futur) mari au front.
La pensée radicale s’est ensuite propagée par le biais d’e-mails et de groupes MSN parmi des membres néerlandais et flamands qui, plus tard, formeraient l’avant-garde de Sharia4Belgium . Ces membres de la première heure séjournaient régulièrement dans des cybercafés de Borgerhout, un district de la ville d’Anvers. On y trouvait également des femmes à la recherche de candidats au mariage djihadiste. Lors de l’avènement de l’État islamique en Syrie et en Irak, les femmes de la région anversoise furent les premières à se rendre aux côtés d’un homme en direction du califat. « Ce n’est que par la suite que des femmes de Bruxelles et d’autres régions du pays suivirent », rapportent les services de sécurité.
Les premières femmes partirent en 2012, puis davantage en 2013 et en 2014. Au moins 70 femmes, d’origine marocaine et âgées de 18 à 25 ans pour la plupart, ont quitté notre pays. Les États membres de l’UE ont compté en tout environ 5 000 combattants terroristes étrangers, ou « combattants du califat », dont vingt pour cent de femmes. La proportion est à peu près la même en Belgique. Aux Pays-Bas, elle est d’un tiers.
Salaam alaykoum wa rahmatullahi wa barakatuh (Que la paix, la miséricorde d’Allah et sa bénédiction soient sur vous), il y a un frère somalien de 19 ans, de La Haye, qui aimerait épouser une sœur pratiquante. Y a-t-il quelqu’un d’intéressé ?
MP pour plus d’informations.
La création du califat en Syrie et en Irak a engendré une accélération des activités des entremetteurs d’Internet. En 2013, le parquet fédéral a mis en garde l’État face à la menace d’un djihad en ligne. L’e-djihad a eu pour effet de propulser la participation des femmes dans les cercles extrémistes musulmans. Des sources au sein des services de sécurité parlent d’une stratégie peer-to-peer , laissant les femmes jouer un rôle central dans le recrutement d’autres femmes. Les annonces étaient partagées à tour de bras dans des groupes privés sur les réseaux sociaux, comme cet appel d’une entremetteuse néerlandophone :
Frère pratiquant de 27 ans d’Anvers cherche sœur avec aqida. Origine sans importance, mais doit être pro- Anwar al-Awlaqi et pro-Ahmed Musa Jibril. Et pro-Dawla.
Faites-moi signe.
Saliha
Les initiés comprennent le message comme suit : frère pratiquant de 27 ans d’Anvers cherche une femme de foi islamique. L’origine n’a pas d’importance, mais elle doit être partisane d’ Anwar al-Awlaqi , le leader spirituel et principal recruteur d’Al-Qaeda, surnommé « le Ben Laden d’Internet ». En outre, il est attendu de la femme qu’elle soit partisane d’ Ahmed Musa Jibril . Ce prédicateur palestino-américain est un militant salafiste important, qui a su inspirer de nombreux combattants syriens. Et finalement, le frère anversois accorde aussi de l’importance au soutien de la femme envers le califat. Faites-moi signe. Signé : l’entremetteuse Saliha.
Les femmes ont apporté un énorme soutien aux candidats au djihad dans leurs projets matrimoniaux. Douées en networking , elles s’infiltrent informellement dans de petits cercles familiaux, dans des groupes d’amis, dans de petites associations et dans des mosquées clandestines. Elles organisaient des mariages à distance avec des combattants de l’État islamique, ou avec des voyageurs à destination d’autres zones de guerre comme l’Afghanistan et l’Irak. Cependant, le nombre de départs pour le djihad dans l’État islamique était inédit.
Pour gérer efficacement la migration des femmes vers l’État islamique, Daesh a même fondé son agence matrimoniale. Celle-ci opérait depuis Al-Bab, au nord de la Syrie, dans la province d’Alep contrôlée par l’État islamique. Il faut savoir que le mariage avec un combattant, avant le départ ou à l’arrivée, constituait pour les femmes une condition sine qua non pour faire partie du califat.
« À la fondation de l’État islamique, les femmes étaient les bienvenues. On estime leur présence à une femme pour dix hommes. »
« À l’été 2014, le calife autoproclamé Abu Bakr Al Baghdadi a appelé non seulement des combattants, mais aussi des docteurs et des ingénieurs à rejoindre le califat afin de bâtir un nouvel État », écrit la journaliste Judit Neurink dans son ouvrage Les femmes du califat . « À la fondation de l’État islamique, les femmes étaient les bienvenues. On estime leur présence à une femme pour dix hommes. Pour une force armée internationale de 30 000 hommes, cela revient à 3 000 femmes étrangères . » Cette inégalité a favorisé l’esclavage sexuel des femmes yézidies et le remariage forcé de veuves de soldats de Daesh tombés au combat. À propos de ces remariages, vous pouvez lire sur le site du média Apache un [4]témoignage unique d’une mère de djihadiste.
[5]Que faire des enfants belges du djihad ?
L’un de ces combattants était Salah Abdeslam, jugé depuis le 5 décembre dans le cadre du plus grand procès pour terrorisme dans notre pays. Sa détention et sa condamnation à perpétuité prononcée en juin en France pour les attentats de Paris à l’automne 2015 n’ont en rien tempéré ses ardeurs extrémistes. Pourtant, il a été submergé de lettres d’amour de femmes radicalisées. Celles-ci ont toutes un point commun : le désir de fonder une famille pour agrandir la oumma, la communauté mondiale des musulmans.
Il faut dire que dans les cercles extrémistes musulmans, la récompense pour la mère n’est pas des moindres. La mère qui met au monde l’enfant, en contribuant à la communauté religieuse, peut espérer une renaissance dans l’au-delà. La mère se considère, dans ces cercles, comme une déesse mère, une sorte de super Freya. Mais pour ce faire, elle doit d’abord trouver son dieu djihadiste. Quitte à épouser un terroriste belge notoire.
[1] https://daardaar.be/rubriques/le-22-mars-2016-tournant-de-notre-histoire/
[2] https://daardaar.be/rubriques/politique/la-division-de-bruxelles-en-19-communes-profite-au-terrorisme/
[3] https://daardaar.be/rubriques/societe/decocher-tirs-lors-dun-mariage-tradition-egalement-flamande/
[4] https://www.apache.be/2022/06/21/xxx-jihadista-xxx
[5] https://daardaar.be/rubriques/culture-et-medias/que-faire-des-enfants-belges-du-djihad/
Avant son transfert devant les tribunaux belges, Salah Abdeslam a convolé en justes noces l’été dernier, dans la prison de Fleury-Mérogis en France. C’est son père qui lui aurait proposé sa future épouse, dont l’identité demeure inconnue. Il ne s’agissait pas d’un mariage civil, mais bien d’un mariage religieux, conclu par voie téléphonique derrière les barreaux.
Mais qu’est-ce qu’un mariage islamique, plus précisément ? Ce type de mariage se déroule très simplement. Il suffit de prononcer l’Al-Fatiha, la sourate d’ouverture du Coran, en présence d’un imam et d’un témoin. La dissolution du mariage n’est pas compliquée non plus : l’époux doit prononcer trois fois consécutivement son intention de divorcer. Une femme peut aussi se défaire des liens du mariage, mais sous des conditions strictes. Un mariage islamique n’étant pas un mariage civil, il n’a aucune validité au regard du droit. Même dans les pays islamiques, le mariage religieux est généralement suivi de la signature d’un acte de mariage basé sur la loi.
[1]Le 22 mars 2016, tournant de notre histoire
Un mariage islamique se fait donc sans trop de chichis, et c’est précisément cela qui le rend à la portée de tous les extrémistes musulmans candidats au mariage, qui n’accordent de toute façon que peu d’importance aux lois séculières. En effet, ils aspirent à une vie conforme à la sharia, c’est-à-dire à la loi islamique. Pour eux, un mariage se conclut avant tout (voire exclusivement) selon la législation religieuse. Quant aux terroristes, ils ont un motif supplémentaire : rester éloignés des formalités légales afin de garder un profil bas.
Une autre tradition, héritée du prophète Mohammed, veut qu’un musulman marié a réalisé la moitié des missions liées à sa foi. Autant dire qu’un islamiste forcené prendra le mariage très à cœur, notamment aussi pour fonder une famille et élargir la oumma , la communauté mondiale des musulmans.
« Les terroristes ont un motif supplémentaire pour se contenter d’un mariage religieux : s’éloigner des formalités pour garder un profil bas »
Le mariage islamique est considéré comme sacré, car il est le seul qui permette une relation entre un homme et une femme. Mais comment faire, dans ce cas, pour qu’un homme et une femme entrent en contact ? Les extrémistes musulmans ont à cet égard leur propre stratégie de mariages arrangés.
Des listes de femmes
Peu après l’an deux mille, mais peu avant l’avènement des réseaux sociaux, on évoquait, dans nos contrées, des « listes de femmes ». À Molenbeek, par exemple, une liste de femmes avait été établie en 2004, bien avant l’appel au djihad contre la capitale de l’Europe.
Cette liste, très informelle, était comparable à une rubrique de petites annonces pour des rencontres. De futures épouses, autoproclamées candidates à un mariage djihadiste, faisaient part de leurs désirs dans le cadre de cercles islamistes radicaux. Et leur souhait était, en résumé, de mettre au monde de nouveaux combattants pour le djihad.
Mais ceci ne peut pas se faire sans un homme, de préférence un mari avec qui elles migreraient vers une région en guerre. L’Afghanistan était, à l’époque, une destination populaire pour le djihad, y compris pour les femmes, même si elles ne pouvaient pas voyager sans tutelle masculine. Les femmes s’inscrivaient sur la fameuse liste, dans l’attente d’un match Tinder non virtuel et djihadistement correct. C’est surtout dans des assemblées de femmes que circulaient ces listes, dans des mosquées et au sein d’associations obscures.
[2]Terrorisme: Divisée en 19 communes, Bruxelles pose problème
En réalité, la liste de femmes jouait le rôle d’entremetteuse, une fonction séculaire dans certaines cultures. L’entremetteuse dispose en quelque sorte d’un carnet d’adresses, dans lequel elle assortit les hommes et les femmes en fonction de leur parcours et de leur vision du monde : qui se ressemble, s’assemble. C’est tout aussi vrai dans le système des extrémistes islamistes.
De tout temps, cet usage était avant tout un usage oral, parce que de nombreuses entremetteuses analphabètes étaient incapables de tenir une liste écrite de noms. Elles se repliaient alors sur l’ ars memoriae , l’art de la mémoire. Cette discipline a persisté et s’exerce encore activement aujourd’hui. Des femmes connaissent par cœur une liste de candidats(e)s potentiel(le)s et les profils recherchés.
Dans les milieux islamistes radicaux, un autre critère de sélection s’ajoute : la conviction djihadiste. Par exemple, le très controversé Centre islamique belge (CIB) à Molenbeek était un lieu de rencontre. C’est là qu’a été scellé le fameux mariage entre Malika El Aroud et Abdessetar Dahmane , celui-là même qui a assassiné en Afghanistan le leader de l’opposition, le commandant Ahmad Shah Massoud , quelques jours avant le Onze septembre.
De la mosquée au cybercafé
Dans cette politique de mariages arrangés, les femmes jouent un rôle prédominant. Avant l’arrivée des grands réseaux sociaux, elles étaient renforcées par des sites web islamistes, ou des forums en ligne sur lesquels les groupies du djihad se faisaient entendre de plus en plus fort : « Voici le héros que nous pouvons remercier pour ces beaux faits de résistance et de justice », écrit Juwayriyah , membre de Marokko.nl. Son héros, en l’occurrence, c’est Chamil Bassaïev , un homme barbu en uniforme militaire. Un rictus sur le visage, le leader des rebelles tchétchènes pose, un talkie-walkie à la main. « Puisse-t-il mener les Tchétchènes vers la victoire », conclut Juwayriyah.
C’est en 2003 que l’organisation terroriste néerlandaise Hofstadgroep , le Réseau Hofstad en français, fit fureur. Ce réseau, précurseur du mouvement djihadiste en Europe, était à la base de l’assassinat du réalisateur néerlandais Theo Van Gogh en 2004.
Les femmes jouaient un rôle novateur dans cette organisation : elles ont largement contribué au développement de la littérature djihadiste néerlandaise en se documentant sur les sites djihadistes en anglais, puis en traduisant le résultat de leurs recherches dans la langue de Vondel. Elles faisaient office de pionnières parmi les deuxième et troisième générations d’immigrés, car la majeure partie de la littérature djihadiste néerlandaise était l’œuvre de ces membres et sympathisantes féminines du Réseau Hofstad.
[3]Décocher des tirs lors d’un mariage, une tradition également flamande
Les messages partagés ne souffraient aucune ambiguïté : les jeunes femmes étaient appelées à se marier avec un moudjahid , un combattant. Ces appels étaient truffés de plaidoyers poétiques en faveur d’une révolution violente et du soutien inconditionnel à leur (futur) mari au front.
La pensée radicale s’est ensuite propagée par le biais d’e-mails et de groupes MSN parmi des membres néerlandais et flamands qui, plus tard, formeraient l’avant-garde de Sharia4Belgium . Ces membres de la première heure séjournaient régulièrement dans des cybercafés de Borgerhout, un district de la ville d’Anvers. On y trouvait également des femmes à la recherche de candidats au mariage djihadiste. Lors de l’avènement de l’État islamique en Syrie et en Irak, les femmes de la région anversoise furent les premières à se rendre aux côtés d’un homme en direction du califat. « Ce n’est que par la suite que des femmes de Bruxelles et d’autres régions du pays suivirent », rapportent les services de sécurité.
Les premières femmes partirent en 2012, puis davantage en 2013 et en 2014. Au moins 70 femmes, d’origine marocaine et âgées de 18 à 25 ans pour la plupart, ont quitté notre pays. Les États membres de l’UE ont compté en tout environ 5 000 combattants terroristes étrangers, ou « combattants du califat », dont vingt pour cent de femmes. La proportion est à peu près la même en Belgique. Aux Pays-Bas, elle est d’un tiers.
Salaam alaykoum wa rahmatullahi wa barakatuh (Que la paix, la miséricorde d’Allah et sa bénédiction soient sur vous), il y a un frère somalien de 19 ans, de La Haye, qui aimerait épouser une sœur pratiquante. Y a-t-il quelqu’un d’intéressé ?
MP pour plus d’informations.
Internet, l’accélérateur du djihad
La création du califat en Syrie et en Irak a engendré une accélération des activités des entremetteurs d’Internet. En 2013, le parquet fédéral a mis en garde l’État face à la menace d’un djihad en ligne. L’e-djihad a eu pour effet de propulser la participation des femmes dans les cercles extrémistes musulmans. Des sources au sein des services de sécurité parlent d’une stratégie peer-to-peer , laissant les femmes jouer un rôle central dans le recrutement d’autres femmes. Les annonces étaient partagées à tour de bras dans des groupes privés sur les réseaux sociaux, comme cet appel d’une entremetteuse néerlandophone :
Frère pratiquant de 27 ans d’Anvers cherche sœur avec aqida. Origine sans importance, mais doit être pro- Anwar al-Awlaqi et pro-Ahmed Musa Jibril. Et pro-Dawla.
Faites-moi signe.
Saliha
Les initiés comprennent le message comme suit : frère pratiquant de 27 ans d’Anvers cherche une femme de foi islamique. L’origine n’a pas d’importance, mais elle doit être partisane d’ Anwar al-Awlaqi , le leader spirituel et principal recruteur d’Al-Qaeda, surnommé « le Ben Laden d’Internet ». En outre, il est attendu de la femme qu’elle soit partisane d’ Ahmed Musa Jibril . Ce prédicateur palestino-américain est un militant salafiste important, qui a su inspirer de nombreux combattants syriens. Et finalement, le frère anversois accorde aussi de l’importance au soutien de la femme envers le califat. Faites-moi signe. Signé : l’entremetteuse Saliha.
Les femmes ont apporté un énorme soutien aux candidats au djihad dans leurs projets matrimoniaux. Douées en networking , elles s’infiltrent informellement dans de petits cercles familiaux, dans des groupes d’amis, dans de petites associations et dans des mosquées clandestines. Elles organisaient des mariages à distance avec des combattants de l’État islamique, ou avec des voyageurs à destination d’autres zones de guerre comme l’Afghanistan et l’Irak. Cependant, le nombre de départs pour le djihad dans l’État islamique était inédit.
L’agence matrimoniale de Daesh
Pour gérer efficacement la migration des femmes vers l’État islamique, Daesh a même fondé son agence matrimoniale. Celle-ci opérait depuis Al-Bab, au nord de la Syrie, dans la province d’Alep contrôlée par l’État islamique. Il faut savoir que le mariage avec un combattant, avant le départ ou à l’arrivée, constituait pour les femmes une condition sine qua non pour faire partie du califat.
« À la fondation de l’État islamique, les femmes étaient les bienvenues. On estime leur présence à une femme pour dix hommes. »
« À l’été 2014, le calife autoproclamé Abu Bakr Al Baghdadi a appelé non seulement des combattants, mais aussi des docteurs et des ingénieurs à rejoindre le califat afin de bâtir un nouvel État », écrit la journaliste Judit Neurink dans son ouvrage Les femmes du califat . « À la fondation de l’État islamique, les femmes étaient les bienvenues. On estime leur présence à une femme pour dix hommes. Pour une force armée internationale de 30 000 hommes, cela revient à 3 000 femmes étrangères . » Cette inégalité a favorisé l’esclavage sexuel des femmes yézidies et le remariage forcé de veuves de soldats de Daesh tombés au combat. À propos de ces remariages, vous pouvez lire sur le site du média Apache un [4]témoignage unique d’une mère de djihadiste.
[5]Que faire des enfants belges du djihad ?
L’un de ces combattants était Salah Abdeslam, jugé depuis le 5 décembre dans le cadre du plus grand procès pour terrorisme dans notre pays. Sa détention et sa condamnation à perpétuité prononcée en juin en France pour les attentats de Paris à l’automne 2015 n’ont en rien tempéré ses ardeurs extrémistes. Pourtant, il a été submergé de lettres d’amour de femmes radicalisées. Celles-ci ont toutes un point commun : le désir de fonder une famille pour agrandir la oumma, la communauté mondiale des musulmans.
Il faut dire que dans les cercles extrémistes musulmans, la récompense pour la mère n’est pas des moindres. La mère qui met au monde l’enfant, en contribuant à la communauté religieuse, peut espérer une renaissance dans l’au-delà. La mère se considère, dans ces cercles, comme une déesse mère, une sorte de super Freya. Mais pour ce faire, elle doit d’abord trouver son dieu djihadiste. Quitte à épouser un terroriste belge notoire.
[1] https://daardaar.be/rubriques/le-22-mars-2016-tournant-de-notre-histoire/
[2] https://daardaar.be/rubriques/politique/la-division-de-bruxelles-en-19-communes-profite-au-terrorisme/
[3] https://daardaar.be/rubriques/societe/decocher-tirs-lors-dun-mariage-tradition-egalement-flamande/
[4] https://www.apache.be/2022/06/21/xxx-jihadista-xxx
[5] https://daardaar.be/rubriques/culture-et-medias/que-faire-des-enfants-belges-du-djihad/