Pourquoi beaucoup de Marocains d’Europe préfèrent jouer sous les couleurs du Maroc
([Sport] 2022-12-01 (De Standaard))
- Reference: 2022-12_Belgaimage-54175261-scaled
- News link: https://daardaar.be/rubriques/sport/pourquoi-beaucoup-de-marocains-deurope-preferent-jouer-sous-les-couleurs-du-maroc/
- Source link: https://www.standaard.be/cnt/dmf20221211_97824534
Beaucoup de footballeurs issus de la diaspora marocaine choisissent d’évoluer sous les couleurs de l’équipe nationale du Maroc. Si certains sont mus dans cette démarche par la fierté ou par un sentiment de méconnaissance, d’autres espèrent surtout bénéficier de davantage de temps de jeu.
Ashraf Hakimi est l’un des meilleurs backs droits de la planète foot. Bien qu’ayant grandi en banlieue madrilène, il porte la vareuse non pas de l’Espagne, mais du Maroc, le pays d’origine de ses parents. Il n’est pas le seul international marocain à avoir grandi en Europe. Lorsqu’on interroge ces joueurs sur les raisons de cette situation, ils commencent souvent par mettre en avant un manque de respect et d’égalité des chances.
Sur les 26 joueurs présents au Qatar avec la sélection marocaine, plus de la moitié ne sont pas nés au Maroc. Aucune autre équipe ayant participé à la coupe du monde 2022 ne compte en ses rangs davantage de joueurs nés à l’étranger.
[1]Le Maroc gagne sur le terrain, mais écorne sérieusement son image en dehors
Hakimi (24) évolue au Paris Saint-Germain, le meilleur club français. Il est né à Madrid et a grandi à Getafe, une banlieue de la capitale espagnole. Dans une interview accordée au journal sportif espagnol Marca en prélude à la rencontre Espagne-Maroc comptant pour les huitièmes de finale, il a déclaré avoir envisagé, lorsqu’il évoluait dans les catégories d’âge, de défendre les couleurs de l’Espagne. « J’ai passé quelques jours au camp d’entraînement organisé à Las Rozas par la fédération espagnole, mais j’ai vite compris que je n’étais pas à ma place. Je ne me sentais pas chez moi . » Et Hakimi d’expliquer ensuite que ce sentiment d’appartenance est, chez lui, étroitement lié à la culture arabe et à l’identité marocaine telles que les lui ont transmises ses parents.
Nombre de jeunes d’origine marocaine s’identifient à ce ressenti. Partout dans le monde, la diaspora marocaine – née en Europe, aux USA ou au Canada – est sortie dans la rue afin de célébrer les victoires des Lions de l’Atlas. Et tout comme chez nous, des critiques se sont abattues en Espagne sur ces jeunes fêtards, qui ne seraient pas bien intégrés au motif que leur cœur bat pour la patrie de leurs parents ou ancêtres plus lointains. « S’ils aiment tant le Maroc, que font-ils donc encore ici ? », a-t-on pu lire comme commentaire sur la page Instagram du quotidien El Pais. Pour apaiser les frustrations de cette jeunesse issue de l’immigration, on a connu mieux.
« J’ai du mal à comprendre ce qu’ils attendent de nous », avoue Kawthar Arbi, une jeune Madrilène de 24 ans venue célébrer la victoire face à l’Espagne dans le centre-ville. « Dans la vie de tous les jours, nous sommes traités comme un groupe. Nous sommes ces Marocains-là , comme on nous appelle toujours. Nous ne sommes jamais considérés comme des Espagnols, alors que nous sommes pourtant nés ici. Et maintenant, tout le monde s’étonnerait de nous voir fêter les victoires du Maroc ? Cette prétendue crise d’identité à laquelle nous serions confrontés, c’est eux qui en sont responsables par la manière dont ils nous traitent . » Sur ce, Kawthar disparaît dans la foule, hurlant sa joie.
Durant les célébrations dans le centre de Madrid, les jeunes arboraient non seulement le drapeau marocain, mais également l’espagnol, à l’image de Salahedin Mounaoui (20) et ses amis. « Évidemment que nous sommes fiers également de l’Espagne. C’est aussi notre pays, même si on nous y rappelle tous les jours que nous sommes différents. » Ce sentiment s’enracine souvent dans des discriminations sur le marché du travail, dans ces places de stage que ces jeunes n’arrivent bien souvent pas à trouver ou encore dans le profilage ethnique dont ils sont victimes en rue.
« On ne nous considère jamais comme des Espagnols, alors que nous sommes pourtant nés ici. Et aujourd’hui, tout le monde s’étonnerait de nous voir fêter les victoires du Maroc ? »
Ces expériences, même les enfants de migrants qui sont devenus célèbres y sont encore confrontés. Ashraf Hakimi a ainsi expliqué au quotidien El Mundo à quoi ressemblait sa vie du temps où il jouait encore au Real Madrid. « Lorsque je monte dans ma voiture de luxe une casquette vissée sur la tête et que je quitte le stade Bernabéu pour aller manger un morceau avec des amis, je me fais arrêter. Les policiers pensent que nous sommes en train de voler des voitures. Les Espagnols à la peau blanche ne sont pas soumis à ce genre de traitement. Je ne sais pas si la police fait cela délibérément ou non, mais le fait est que c’est du racisme . »
« Les comportements de ce genre ont pour conséquence que nous nous rapprochons encore plus du pays de nos parents », soutient Salahedin, « et ce même si nous sommes perçus au Maroc comme ces Européens-là . C’est vraiment fatigant, parfois. Pourquoi devrais-je choisir chaque fois entre le Maroc et l’Espagne ? » .
[2]Le problème du « problème marocain »: la normalisation de l’extrême droite
Comme l’a déclaré un jour Ali Boussaboun, un ancien footballeur néerlando-marocain, « vous pouvez faire tout ce que vous voulez, vous ne serez jamais comme eux. Vous ne serez jamais considéré comme un véritable Néerlandais. Les jeunes Marocains qui sont nés ici ne sont pas perçus comme des Néerlandais, même s’ils possèdent un passeport néerlandais et qu’ils parlent mieux la langue de Vondel que le marocain . »
En 2015, le milieu de terrain Hakim Ziyech, qui évoluait alors au FC Twente, a éprouvé le même sentiment. En début d’année, il avait été sélectionné en équipe nationale des Pays-Bas mais avant d’avoir pu disputer ses premières minutes avec les « Oranje », il s’est blessé à la cheville et a dû quitter le camp d’entraînement. En fin d’année, il n’a plus été convoqué. Il a ensuite annoncé son intention de jouer pour le Maroc.
« Vous pouvez faire tout ce que vous voulez, vous ne serez jamais comme eux. »
D’après une analyse réalisée par le journal marocain en ligne Morocco World News, ces carrières internationales qui stagnent ont longtemps été considérées comme la raison principale pour laquelle des joueurs ayant la double nationalité choisissent finalement de représenter le pays de leurs parents. « Ces derniers temps, toutefois, de plus en plus de joueurs disent opter pour le pays de leurs parents en raison d’un phénomène que certains qualifient de démocratisation du football. »
Ce phénomène désigne l’évolution du football dans un sens où les équipes longtemps considérées comme inférieures peuvent désormais rivaliser avec les favoris habituels. Et même les battre, comme le Maroc vient de le prouver en dominant la Belgique, l’Espagne et le Portugal pour atteindre les demi-finales de la coupe du monde 2022.
[1] https://daardaar.be/rubriques/sport/le-maroc-gagne-sur-le-terrain-mais-ecorne-serieusement-son-image-en-dehors/
[2] https://daardaar.be/rubriques/societe/le-probleme-du-probleme-marocain-la-normalisation-de-lextreme-droite/
Ashraf Hakimi est l’un des meilleurs backs droits de la planète foot. Bien qu’ayant grandi en banlieue madrilène, il porte la vareuse non pas de l’Espagne, mais du Maroc, le pays d’origine de ses parents. Il n’est pas le seul international marocain à avoir grandi en Europe. Lorsqu’on interroge ces joueurs sur les raisons de cette situation, ils commencent souvent par mettre en avant un manque de respect et d’égalité des chances.
Sur les 26 joueurs présents au Qatar avec la sélection marocaine, plus de la moitié ne sont pas nés au Maroc. Aucune autre équipe ayant participé à la coupe du monde 2022 ne compte en ses rangs davantage de joueurs nés à l’étranger.
[1]Le Maroc gagne sur le terrain, mais écorne sérieusement son image en dehors
Hakimi (24) évolue au Paris Saint-Germain, le meilleur club français. Il est né à Madrid et a grandi à Getafe, une banlieue de la capitale espagnole. Dans une interview accordée au journal sportif espagnol Marca en prélude à la rencontre Espagne-Maroc comptant pour les huitièmes de finale, il a déclaré avoir envisagé, lorsqu’il évoluait dans les catégories d’âge, de défendre les couleurs de l’Espagne. « J’ai passé quelques jours au camp d’entraînement organisé à Las Rozas par la fédération espagnole, mais j’ai vite compris que je n’étais pas à ma place. Je ne me sentais pas chez moi . » Et Hakimi d’expliquer ensuite que ce sentiment d’appartenance est, chez lui, étroitement lié à la culture arabe et à l’identité marocaine telles que les lui ont transmises ses parents.
Nombre de jeunes d’origine marocaine s’identifient à ce ressenti. Partout dans le monde, la diaspora marocaine – née en Europe, aux USA ou au Canada – est sortie dans la rue afin de célébrer les victoires des Lions de l’Atlas. Et tout comme chez nous, des critiques se sont abattues en Espagne sur ces jeunes fêtards, qui ne seraient pas bien intégrés au motif que leur cœur bat pour la patrie de leurs parents ou ancêtres plus lointains. « S’ils aiment tant le Maroc, que font-ils donc encore ici ? », a-t-on pu lire comme commentaire sur la page Instagram du quotidien El Pais. Pour apaiser les frustrations de cette jeunesse issue de l’immigration, on a connu mieux.
Un Marocain à bord d’une voiture chère ? Suspect…
« J’ai du mal à comprendre ce qu’ils attendent de nous », avoue Kawthar Arbi, une jeune Madrilène de 24 ans venue célébrer la victoire face à l’Espagne dans le centre-ville. « Dans la vie de tous les jours, nous sommes traités comme un groupe. Nous sommes ces Marocains-là , comme on nous appelle toujours. Nous ne sommes jamais considérés comme des Espagnols, alors que nous sommes pourtant nés ici. Et maintenant, tout le monde s’étonnerait de nous voir fêter les victoires du Maroc ? Cette prétendue crise d’identité à laquelle nous serions confrontés, c’est eux qui en sont responsables par la manière dont ils nous traitent . » Sur ce, Kawthar disparaît dans la foule, hurlant sa joie.
Durant les célébrations dans le centre de Madrid, les jeunes arboraient non seulement le drapeau marocain, mais également l’espagnol, à l’image de Salahedin Mounaoui (20) et ses amis. « Évidemment que nous sommes fiers également de l’Espagne. C’est aussi notre pays, même si on nous y rappelle tous les jours que nous sommes différents. » Ce sentiment s’enracine souvent dans des discriminations sur le marché du travail, dans ces places de stage que ces jeunes n’arrivent bien souvent pas à trouver ou encore dans le profilage ethnique dont ils sont victimes en rue.
« On ne nous considère jamais comme des Espagnols, alors que nous sommes pourtant nés ici. Et aujourd’hui, tout le monde s’étonnerait de nous voir fêter les victoires du Maroc ? »
Ces expériences, même les enfants de migrants qui sont devenus célèbres y sont encore confrontés. Ashraf Hakimi a ainsi expliqué au quotidien El Mundo à quoi ressemblait sa vie du temps où il jouait encore au Real Madrid. « Lorsque je monte dans ma voiture de luxe une casquette vissée sur la tête et que je quitte le stade Bernabéu pour aller manger un morceau avec des amis, je me fais arrêter. Les policiers pensent que nous sommes en train de voler des voitures. Les Espagnols à la peau blanche ne sont pas soumis à ce genre de traitement. Je ne sais pas si la police fait cela délibérément ou non, mais le fait est que c’est du racisme . »
« Les comportements de ce genre ont pour conséquence que nous nous rapprochons encore plus du pays de nos parents », soutient Salahedin, « et ce même si nous sommes perçus au Maroc comme ces Européens-là . C’est vraiment fatigant, parfois. Pourquoi devrais-je choisir chaque fois entre le Maroc et l’Espagne ? » .
[2]Le problème du « problème marocain »: la normalisation de l’extrême droite
Comme l’a déclaré un jour Ali Boussaboun, un ancien footballeur néerlando-marocain, « vous pouvez faire tout ce que vous voulez, vous ne serez jamais comme eux. Vous ne serez jamais considéré comme un véritable Néerlandais. Les jeunes Marocains qui sont nés ici ne sont pas perçus comme des Néerlandais, même s’ils possèdent un passeport néerlandais et qu’ils parlent mieux la langue de Vondel que le marocain . »
En 2015, le milieu de terrain Hakim Ziyech, qui évoluait alors au FC Twente, a éprouvé le même sentiment. En début d’année, il avait été sélectionné en équipe nationale des Pays-Bas mais avant d’avoir pu disputer ses premières minutes avec les « Oranje », il s’est blessé à la cheville et a dû quitter le camp d’entraînement. En fin d’année, il n’a plus été convoqué. Il a ensuite annoncé son intention de jouer pour le Maroc.
« Vous pouvez faire tout ce que vous voulez, vous ne serez jamais comme eux. »
D’après une analyse réalisée par le journal marocain en ligne Morocco World News, ces carrières internationales qui stagnent ont longtemps été considérées comme la raison principale pour laquelle des joueurs ayant la double nationalité choisissent finalement de représenter le pays de leurs parents. « Ces derniers temps, toutefois, de plus en plus de joueurs disent opter pour le pays de leurs parents en raison d’un phénomène que certains qualifient de démocratisation du football. »
Ce phénomène désigne l’évolution du football dans un sens où les équipes longtemps considérées comme inférieures peuvent désormais rivaliser avec les favoris habituels. Et même les battre, comme le Maroc vient de le prouver en dominant la Belgique, l’Espagne et le Portugal pour atteindre les demi-finales de la coupe du monde 2022.
[1] https://daardaar.be/rubriques/sport/le-maroc-gagne-sur-le-terrain-mais-ecorne-serieusement-son-image-en-dehors/
[2] https://daardaar.be/rubriques/societe/le-probleme-du-probleme-marocain-la-normalisation-de-lextreme-droite/