« Les universités du nord du pays sont trop flamandes »
([Opinions] 2021-10-01 (De Standaard))
- Reference: 2021-10_earth-1617121_1280
- News link: https://daardaar.be/rubriques/opinions/les-universites-du-nord-du-pays-sont-trop-flamandes/
- Source link: https://www.standaard.be/cnt/dmf20210920_98042373
Professeur d’économie du travail, mon confrère Stijn Baert invitait dernièrement ses collègues à ne plus courir les congrès à travers le monde. Sur le fond, je partage son raisonnement : nous devons continuer à tirer profit des avantages du numérique, comme nous le faisons depuis deux ans, et à évaluer la pertinence de chaque déplacement en veillant à constamment poursuivre une recherche de qualité. Tout scientifique comprendra donc ce qu’entend Stjin Baert par son « blues des conférences », en dépit des nombreuses choses qu’il y aurait à en redire. Mais lorsqu’il avance que les professeurs sont des jet-setteurs déguisés, je ne suis pas de son avis.
La plupart de mes confrères et consœurs ne roulent pas vraiment sur l’or, et il est plutôt rare qu’ils survolent les océans plusieurs fois dans l’année. Étant donné que les actes du congrès sont la plupart du temps publiés, il semble par ailleurs inutile d’opposer les congrès à une science qualitative.
Stijn Baert est un professionnel déjà bien établi qui a suffisamment de coauteurs potentiels autour de lui. Lorsqu’il voit d’un œil condescendant ce qu’il appelle le « réseautage tiède », il oublie que les conférences ne servent pas uniquement à revoir les amis ou à partager le fruit de son travail. Ces manifestations sont aussi une plateforme pour que les jeunes chercheurs entrent en contact avec leurs pairs et des grands noms de leur discipline. Ces contacts se font souvent dans les couloirs et sont donc plus compliqués en ligne. Ils sont essentiels pour celles et ceux qui aspirent à une carrière à l’international et qui veulent nouer des liens. Les échanges avec ces « valeurs sûres » sont primordiaux pour faire fructifier leurs talents.
Les congrès sont aussi un lieu extrêmement propice au dialogue critique, si cher aux scientifiques. Nous aimons souvent nous définir comme des esprits libres qui élargissent leurs horizons par le débat. Quoi de mieux qu’un colloque pour mettre ce noble objectif en pratique ? On recueille des critiques, on prend le temps de débattre en profondeur des idées des uns et des autres – pas par intérêt personnel, pour l’amour de la discipline. Il faut admettre que peu de scientifiques répondent parfaitement à cet idéal et que les congrès sont parfois barbants, les questions sans intérêt et les participants blasés. Mais cet idéal nous rappelle que l’échange est essentiel à l’acquisition de connaissances.
Pour les chercheurs, les congrès sont l’équivalent des séminaires en classe, au cours desquels les étudiants débattent entre eux et avec leur professeur afin de faire fructifier leurs connaissances. S’exposer à une discussion critique est aussi bénéfique pour les uns que pour les autres. Dans ce contexte, le fait que l’Université d’Anvers attende une participation à au moins deux congrès ne semble pas excessif.
En visant surtout les congrès internationaux alors que le problème vaut tout autant pour les congrès belges, Stijn Baert souligne un problème plus prégnant du point de vue des universités flamandes. Nous sommes trop flamands. À peine un professeur récemment nommé sur cinq a obtenu son doctorat ailleurs qu’en Flandre. À l’université de Gand, à peine un professeur sur dix n’est pas Belge. Nous n’avons pas assez conscience que le modèle habituel flamand, qui veut de faire carrière dans son alma mater, est une anomalie. De ce fait, l’université d’origine constitue trop souvent le seul cadre de référence.
Stijn Baert est l’illustration parfaite de cet esprit de clocher. Lorsqu’il s’interroge sur les vrais bénéfices des congrès et qu’il indique qu’il serait préférable de miser sur une communication scientifique axée sur la Flandre, il réduit l’horizon à notre région et inscrit la recherche dans une visée très utilitariste. Certes, l’ancrage local est important et toute université se doit de travailler sur des thématiques en lien avec son environnement direct. Mais en contrepartie, nous devons rester ouverts au véritable dialogue international. La participation occasionnelle a un congrès n’est qu’un tout petit élément de cet ensemble. Le réel enjeu reste le recrutement. Le meilleur retour sur investissement ? La conquête du monde scientifique par les chercheurs de Flandre et la venue sur nos terres de talents internationaux.
La plupart de mes confrères et consœurs ne roulent pas vraiment sur l’or, et il est plutôt rare qu’ils survolent les océans plusieurs fois dans l’année. Étant donné que les actes du congrès sont la plupart du temps publiés, il semble par ailleurs inutile d’opposer les congrès à une science qualitative.
Stijn Baert est un professionnel déjà bien établi qui a suffisamment de coauteurs potentiels autour de lui. Lorsqu’il voit d’un œil condescendant ce qu’il appelle le « réseautage tiède », il oublie que les conférences ne servent pas uniquement à revoir les amis ou à partager le fruit de son travail. Ces manifestations sont aussi une plateforme pour que les jeunes chercheurs entrent en contact avec leurs pairs et des grands noms de leur discipline. Ces contacts se font souvent dans les couloirs et sont donc plus compliqués en ligne. Ils sont essentiels pour celles et ceux qui aspirent à une carrière à l’international et qui veulent nouer des liens. Les échanges avec ces « valeurs sûres » sont primordiaux pour faire fructifier leurs talents.
Esprit libre
Les congrès sont aussi un lieu extrêmement propice au dialogue critique, si cher aux scientifiques. Nous aimons souvent nous définir comme des esprits libres qui élargissent leurs horizons par le débat. Quoi de mieux qu’un colloque pour mettre ce noble objectif en pratique ? On recueille des critiques, on prend le temps de débattre en profondeur des idées des uns et des autres – pas par intérêt personnel, pour l’amour de la discipline. Il faut admettre que peu de scientifiques répondent parfaitement à cet idéal et que les congrès sont parfois barbants, les questions sans intérêt et les participants blasés. Mais cet idéal nous rappelle que l’échange est essentiel à l’acquisition de connaissances.
Pour les chercheurs, les congrès sont l’équivalent des séminaires en classe, au cours desquels les étudiants débattent entre eux et avec leur professeur afin de faire fructifier leurs connaissances. S’exposer à une discussion critique est aussi bénéfique pour les uns que pour les autres. Dans ce contexte, le fait que l’Université d’Anvers attende une participation à au moins deux congrès ne semble pas excessif.
À la conquête du monde
En visant surtout les congrès internationaux alors que le problème vaut tout autant pour les congrès belges, Stijn Baert souligne un problème plus prégnant du point de vue des universités flamandes. Nous sommes trop flamands. À peine un professeur récemment nommé sur cinq a obtenu son doctorat ailleurs qu’en Flandre. À l’université de Gand, à peine un professeur sur dix n’est pas Belge. Nous n’avons pas assez conscience que le modèle habituel flamand, qui veut de faire carrière dans son alma mater, est une anomalie. De ce fait, l’université d’origine constitue trop souvent le seul cadre de référence.
Stijn Baert est l’illustration parfaite de cet esprit de clocher. Lorsqu’il s’interroge sur les vrais bénéfices des congrès et qu’il indique qu’il serait préférable de miser sur une communication scientifique axée sur la Flandre, il réduit l’horizon à notre région et inscrit la recherche dans une visée très utilitariste. Certes, l’ancrage local est important et toute université se doit de travailler sur des thématiques en lien avec son environnement direct. Mais en contrepartie, nous devons rester ouverts au véritable dialogue international. La participation occasionnelle a un congrès n’est qu’un tout petit élément de cet ensemble. Le réel enjeu reste le recrutement. Le meilleur retour sur investissement ? La conquête du monde scientifique par les chercheurs de Flandre et la venue sur nos terres de talents internationaux.