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Bart De Wever peut-il faire passer sa réforme de l’État en contournant la Constitution ?

([Politique] 2021-01-01 (De Standaard))


Bart De Wever entend imposer une réforme de l’État, si nécessaire sans passer par une loi constitutionnelle. Le peut-il ? « C’est déjà arrivé par le passé », rappelle le constitutionnaliste Stefan Sottiaux. Mais même dans ce cas de figure, De Wever aura besoin de partenaires.

« Toutes les grandes réformes ont été instaurées en dehors du cadre légal avant d’être légalisées », expliquait dimanche le président de la N-VA, Bart De Wever, dans l’émission De Zevende dag . « J’en ai discuté longuement, à l’époque, avec Jean-Luc Dehaene (ancien Premier ministre CVP, ndlr). C’est comme cela qu’ont été scindés les grands ministères nationaux. » C’est samedi, dans un entretien au quotidien De Tijd , que le président de la N-VA a une nouvelle fois dégainé l’idée, chère à son parti, d’une réforme de l’État menée en dehors de la Constitution.

Faillite du modèle belge



Les nationalistes flamands s’efforcent ainsi de faire durer le débat sur le confédéralisme jusqu’aux élections de 2024. Selon la N-VA, le modèle belge a prouvé sa faillite : seul le confédéralisme peut offrir le salut. Mais le parti craint que le débat ne soit étouffé dans l’œuf si tous les autres partis rejettent cette idée en considérant qu’elle est irréalisable. Lorsqu’elle passe par la voie légale, une réforme de l’État nécessite en effet la majorité des deux tiers, mais aussi une majorité dans chaque groupe linguistique. Sans compter que c’est le gouvernement actuel qui doit désigner les articles de la Constitution qui seront soumis à la révision. Tout le monde, Bart De Wever au premier chef, se rend donc bien compte que ce projet n’a aucune chance d’aboutir. Car pour atteindre ce seuil, il faudrait que presque tous les partis, dans le paysage politique morcelé que nous connaissons, approuvent la réforme.

De plus, qui voterait pour un parti qui fait d’un projet impossible à mettre en œuvre le principal enjeu des élections ? « C’est la raison pour laquelle nous voulons absolument éviter que nos opposants minent la crédibilité de notre détermination », explique Peter De Roover, le chef de groupe N-VA à la Chambre. Son parti cherche ainsi à démontrer que son projet est plus réaliste qu’on ne le pense. « Nous ne proposons rien d’illégal : c’est extralégal », nuance le député.

À des périodes charnières de l’histoire, la Constitution a été contournée à plusieurs reprises », rappelle le constitutionnaliste Stefan Sottiaux. L’exemple le plus célèbre est celui de l’instauration du suffrage universel, en 1919. « Mais la première réforme de l’État a aussi eu lieu en dehors du cadre constitutionnel », rappelle le spécialiste. Elle fut certes adoptée à la majorité des deux tiers, mais les articles modifiés n’avaient pas été ouverts à révision. L’adhésion à l’Union européenne s’est également faite sans base constitutionnelle : le fondement juridique n’a été établi que plus tard.

[1]Et si vous posiez une question aux présidents de partis flamands?

Dentifrice sorti du tube



Mais Bart De Wever poursuit un dessein différent. Il vise plutôt la scission opérationnelle des ministères fédéraux, afin que les politiques puissent être davantage axées sur les besoins de chaque région. « Ce n’est même pas extralégal, on peut le faire dans le cadre de la Constitution », analyse Stefan Sottiaux. L’accord de coalition actuel prévoit d’ailleurs qu’en matière de politique du travail, « afin de répondre aux besoins et aux dynamiques spécifiques des différentes régions du pays, l’État fédéral pourra faire usage de la possibilité d’exercer ses compétences de manière asymétrique ». Cela étant, cette possibilité de mener des politiques asymétriques est restée lettre morte jusqu’à présent.

« C’est une façon de lancer le compte à rebours. Une fois le dentifrice sorti du tube, il est impossible de l’y faire rentrer. »

La scission opérationnelle des ministères fédéraux représente une étape supplémentaire. À l’issue des élections de 2018, la N-VA aurait eu, selon ses propres dires, des discussions approfondies avec le PS à ce sujet. « On est donc allé chercher des exemples dans le passé », observe Stefan Sottiaux. Le plus célèbre étant celui de l’enseignement : il fut un temps où le gouvernement fédéral comptait deux ministres de l’Enseignement — un francophone et un néerlandophone. Idem au sujet des livraisons d’armes : comme les Flamands et les francophones (dont le territoire abrite la Fabrique nationale) ne partageaient pas le même point de vue, les ministres néerlandophones et francophones se prononçaient, au sein du gouvernement fédéral, sur les licences d’exportation de « leurs » sociétés. De fait, l’enseignement et les licences d’exportation d’armes sont, entretemps, devenus des compétences régionales. « C’est pourquoi nous croyons en cette idée », insiste Peter De Roover. « C’est une façon de lancer le compte à rebours. Une fois le dentifrice sorti du tube, il est impossible de l’y faire rentrer. »

Coup d’État



Mais ce système se heurte à ses propres limites. « Il sera très difficile, sur le plan juridique, d’imposer des normes distinctes sans une réforme de l’État conforme à la Constitution », anticipe Stefan Sottiaux. Sans une véritable réforme de l’État, il sera ainsi extrêmement compliqué, par exemple, de limiter dans le temps l’octroi des allocations chômage en Flandre, mais pas en Wallonie, ou de légaliser les drogues douces dans une partie du pays seulement.

« Sans compter que pour obtenir une scission opérationnelle, la N-VA devra tout de même trouver une majorité simple », ajoute Stefan Sottiaux. « À moins de faire un coup d’État — ce qui n’est pas le cas —, il faut évidemment des partenaires », relève pour sa part Peter De Roover. « Et nous sommes bien conscients qu’avant les élections, aucun parti ne voudra se lancer dans un tel scénario. Mais si on se retrouve dans une impasse après le scrutin, tout devient possible. »

À l’évidence, Bart De Wever n’entend pas encore jouer un rôle fédérateur : dans l’entretien du Tijd paru samedi, il n’a pas manqué de se payer tous les autres présidents de parti.

[2]Une coalition N-VA/Vlaams Belang fait-elle trembler Bart De Wever?



[1] https://daardaar.be/rubriques/politique/et-si-vous-posiez-une-question-aux-presidents-de-partis-flamands/

[2] https://daardaar.be/rubriques/politique/coalition-n-va-vlaams-belang-pour-bart-de-wever-la-partie-dechecs-a-commence/



Q: How many surrealists does it take to change a light bulb?
A: Two, one to hold the giraffe, and the other to fill the bathtub
with brightly colored machine tools.

[Surrealist jokes just aren't my cup of fur. Ed.]