L'explosion des coûts met les grands magasins sous pression: "Cette situation est intenable”
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Colruyt a perdu près de 9% de sa valeur en bourse depuis mardi dernier. Cela faisait déjà des mois que le groupe était en baisse, après un avertissement sur les bénéfices à la mi-décembre. De son côté, Ahold Delhaize, la société mère de Delhaize et d’Albert Heijn, entre autres, a récemment annoncé qu’elle allait réaliser des économies supplémentaires sur des “marchés difficiles” comme la Belgique.
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Chez nous, les détaillants sont confrontés à une inflation vertigineuse des coûts, qu’ils ont de plus en plus de mal à répercuter sur le consommateur. Une situation plutôt exceptionnelle en Europe, selon l’expert Pierre-Alexandre Billiet, chargé de cours en gestion du commerce de détail (Solvay Business School) et PDG du magazine spécialisé Gondola.
“Un marché atypique”
“Les aliments dans les supermarchés n'ont augmenté que de 1,8 % cette année. En Allemagne, on atteint 2,7 % et aux Pays-Bas cela grimpe jusqu’à 6,4 %.” La raison? Une tendance à s'aligner sur les prix les plus bas. “Nous avons ici un marché atypique”, avance l’expert de la distribution. “À titre d’exemple, Colruyt n’augmentera jamais ses prix si le reste ne le fait pas.
“Albert Heijn (AH) est le grain de sable dans la machine. Avec des prix très bas ou des énormes promotions sur certains produits, ils empêchent la concurrence de trop augmenter les prix. La différence de prix avec les autres pays s’est considérablement réduite, expose Pierre-Alexander Billiet. “Certains articles sont même devenus moins chers. Un exemple: une canette de Red Bull coûte 1,32 euro aux Pays-Bas, contre 1,09 euro chez nous. Certains magasins AH sont maintenant encore moins chers ici qu’aux Pays-Bas.”
Nos grands magasins doivent-ils faire face à des problèmes de rentabilité? “Si la marge dans le secteur de la technologie ou de l’énergie passe de 40 à 39%, c’est peanuts. Mais dans le secteur des supermarchés, qui travaille avec des marges d’exploitation très faibles, une baisse de 4 à 3 % est énorme”, déclare Tom Simonts, économiste financier chez KBC. -
Delhaize, qui se positionne sur un segment légèrement supérieur, dispose de plus de marge. Avec Ahold Delhaize, elle peut également compter sur un géant international derrière elle. Pourtant, à l’heure actuelle, “les économies de coûts sont plus importantes que jamais pour pouvoir offrir aux clients les prix les plus compétitifs sans sacrifier les investissements dans la croissance”, a récemment commenté le PDG Frans Muller lors de l’annonce des résultats trimestriels.
Aldi et Lidl, les gagnants
Les hard discounters Aldi et Lidl s’érigent comme les grands gagnants. Ils s’emparent d’une part importante du marché maintenant que les consommateurs veillent à ne pas trop délier les cordons de la bourse. Ils sont également habitués à travailler avec des marges très faibles, à se battre pour une marge de 0,1%.
“Une grande partie des magasins Albert Heijn en Belgique sont déficitaires ou travaillent avec des marges à risque”, explique M. Billiet. “Eux aussi ont les moyens de le faire, renforcés aussi par le groupe Ahold dans lequel ils ne pèsent pas lourd. Pendant ce temps, ils perturbent l’ensemble du marché flamand.”
Cela se reflète-il sur le marché boursier, alors que les supermarchés, et par extension l’ensemble du secteur de la consommation, constituent normalement un choix d’investissement défensif, avec peu de risques pour l’investisseur ? “C’est vrai dans 80 % des cas. Aujourd’hui, nous sommes dans les 20 % restants, à cause des crises qui se succèdent”, explique M. Simonts.
“Les actionnaires n’aiment pas les petites marges”
Le consommateur est généralement un moteur stable sur le marché boursier, “mais s’il consomme moins ou de manière différente, comme maintenant, la rentabilité est rapidement menacée", commente Tom Simonts.
La question de savoir si les grands magasins devront répercuter les coûts supplémentaires, et donc augmenter les prix, est “une décision à prendre dans les salles de conseil”, estime l’expert. “Supposons que Colruyt décide de passer à une marge opérationnelle de 1%, elle gagnera des clients, mais elle ne plaira pas aux actionnaires. Car comme l’ont montré Walmart et Target : les actionnaires n’aiment pas les petites marges."
Cette situation est en tout cas “intenable”, selon Pierre-Alexandre Billiet. “On l’évoque peu, mais le problème des prix se transforme progressivement en problème de stock. Si nos prix n’augmentent pas suffisamment, notre marché ne présentera plus d’intérêt pour les grands producteurs internationaux, qui ne seront plus en mesure ou désireux de produire à ces prix.
“Croyez-moi : toutes les grandes entreprises alimentaires se demandent jusqu’où elles peuvent aller dans ces marges basses. J’ai récemment entendu un acteur mondial dire : “L’alimentation est en train de devenir le nouveau pétrole,elle fait l’objet de spéculations et devrait devenir plus chère dans le monde entier”. C’est vrai. Si le prix n’augmente pas, vous avez un problème structurel.”
Un supermarché peut (presque) éviter la faillite
Tout cela signifie-t-il également que les grands magasins finiront par afficher des bilans dans le rouge? “Non, cela ne les mettra pas à cran”, assure Pierre-Alexandre Billiet. “Colruyt a ses réserves et surtout un leadership très fort. Ahold Delhaize a réalisé un bénéfice opérationnel de 829 millions d’euros au premier trimestre, principalement grâce au grand nombre d’activités aux États-Unis, où il est très rentable.”
Il n’est pas question de problèmes d’endettement, Tom Simonts en est également convaincu : “Les supermarchés ne sont pas menacés par la faillite. La caisse de pommes vendue dans le magasin n’est payée au fournisseur qu’un mois plus tard. Leur viabilité n’est pas du tout un problème”.
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