L’Australie est-elle en passe de devenir invivable? Des “ghettos climatiques” pourraient voir le jour
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Le changement climatique est une préoccupation majeure des électeurs lors des élections australiennes de samedi. Il en va de même pour le coût de la vie. Ces problématiques convergent comme jamais auparavant.
Selon un rapport du Climate Council, l’Australie est confrontée à une “crise de l’assurabilité”: un foyer sur 25 risque de ne plus être assurable d’ici 2030. Un foyer sur 11 risque d’être sous-assuré. L’assurance des maisons les plus à risque sera d’un coût prohibitif ou sera refusée par les fournisseurs
“Le changement climatique se joue ici en temps réel et de nombreux Australiens se trouvent aujourd’hui dans l’impossibilité d’assurer leurs maisons et leurs entreprises”, a déclaré à la BBC Amanda McKenzie, cofondatrice du Climate Council, la principale organisation australienne de communication sur les sciences du climat.
“Invivable”
Un phénomène qui se ressent tout particulièrement dans le Queensland. Dans cet état, près de 40% des 500.000 habitations ne seront plus assurables, selon les prévisions.
En effet, le Queensland a été ravagé par des inondations au cours des derniers mois. En février, la capitale de l’État, Brisbane, a reçu plus de 70% de ses précipitations annuelles moyennes en trois jours seulement.
“Je me sens encore assez traumatisée lorsqu’il pleut abondamment”, déclare Michelle Vine, dont la maison a été détruite. “Nous avons dû déménager de la maison, elle est devenue invivable”.
Les assureurs affirment que les inondations deviendront l’événement le plus coûteux jamais enregistré en Australie.
© AFP
Les dommages causés par les catastrophes naturelles a plus ou moins doublé en 10 ans
L’Insurance Council of Australia affirme qu’aucune partie du pays n’est actuellement non assurable, mais qu’il existe “clairement des problèmes d’accessibilité financière et de disponibilité”.
Au cours de la dernière décennie, le montant versé par les assureurs pour les dommages causés par les catastrophes naturelles a plus ou moins doublé.
En moyenne, les consommateurs paient aujourd’hui près de quatre fois plus de primes d’assurance habitation qu’en 2004.
Dans le nord de l’Australie, ces chiffres sont encore plus extrêmes: jusqu’à dix fois plus élevés qu’ailleurs.
De plus en plus d’Australiens sont contraints de se sous-assurer, c’est-à-dire d’acheter des polices moins chères mais qui couvrent trop peu, ou de renoncer complètement à l’assurance.
“Ghettos climatiques”
Le phénomène pourrait également exacerber les inégalités sociales et créer des “ghettos climatiques”, selon Climate Valuation, une société d’analyse des risques.
Les propriétés dans les zones à haut risque deviennent moins chères à l’achat et à la location, attirant souvent des personnes qui sont le moins à même de s’offrir une assurance adéquate, ce qui aggrave l’impact financier des catastrophes.
“Les gens ne s’éloignent pas des endroits menacés par le climat en Australie. En fait, ils ont plutôt tendance à s’en rapprocher”, explique la démographe Liz Allen de l’Université nationale australienne.
“Le problème de l’accessibilité au logement en Australie est si grave que les gens considèrent la catastrophe climatique comme presque une aubaine, un moyen de s’assurer qu’ils pourront avoir un endroit à eux.”
© AFP
S’attaquer au changement climatique
Le gouvernement a promis des milliards de dollars pour aider à financer les assureurs contre les sinistres majeurs résultant de catastrophes.
Une mesure qui ne suffira pas selon les critiques qui demandent plutôt au gouvernement de limiter le développement dans les zones à haut risque, d’envisager le rachat de certains propriétaires, ou de créer des incitations pour que les gens rendent leurs propriétés exposées aux catastrophes.
Mais la réponse évidente est de s’attaquer au changement climatique, a déclaré à la BBC le Dr Settle.
Après les feux de brousse massifs de 2019-20, les Australiens ont été avertis de se préparer à un avenir “alarmant” de catastrophes simultanées et qui s’aggravent.
Pourtant, pour une nation si exposée au changement climatique, l’Australie reste l’un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre au monde par habitant.
Le gouvernement a promis de réduire les émissions de 26% d’ici à 2030. Le parti travailliste a, quant à lui, promis une réduction de 43%. Tous deux sont inférieurs aux 50 % recommandés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
Le point noir de l’Australie: le charbon
Le charbon fait partie intégrante de l’Australie. Il est expédié un peu partout et a permis à l’Australie de devenir le deuxième exportateur mondial et de créer des milliers d’emplois.
Phil Golby, un responsable local de l’Australian Manufacturing Workers’ Union, affirme que “le changement est inévitable” mais craint que les travailleurs du secteur des combustibles fossiles ne soient laissés pour compte.
Se passer de l’or noir ne sera pas si simple pour l’Australie. Il se retrouve au carrefour entre la prospérité, la politique et les dangers environnementaux.
L’élimination progressive des combustibles fossiles est donc une question politiquement toxique qu’aucun grand parti ne veut aborder de front, surtout pas pendant une élection.