Études de médecine: accord historique sur les quotas Inami et un concours d’entrée en FWB
(2022-04-29_13-33-00 (Avec Belga))
- Reference: 2022-04-29_13-33-00_etudes-de-medecine-accord-historique-sur
- News link: https://www.7sur7.be/belgique/etudes-de-medecine-accord-historique-sur-les-quotas-inami-et-un-concours-dentree-en-fwb~a8f3131d/
- Source link:
mise à jour L’accès aux études de médecine et de dentisterie en Fédération Wallonie-Bruxelles sera organisé à partir de 2023 sur base non plus d’un examen d’entrée comme actuellement, mais bien d’un concours d’admission où seul un nombre prédéterminé de lauréats pourra entamer ces études.
Dans le cadre de cet accord trouvé à l’issue de plusieurs mois de négociations discrètes, il a été décidé que les personnes souhaitant entamer des études en médecine devront passer par la case concours, et non plus par celle d’un examen d’entrée. La différence entre les deux? Le nombre de lauréats et lauréates. Ainsi, lors d’un examen, toute personne ayant rempli les critères de réussite est autorisée à s’inscrire tandis qu’un concours déterminera à l’avance un nombre d’inscriptions autorisées. Avoir réussi l’épreuve ne signifiera donc plus automatiquement être autorisé à s’inscrire.
Cette décision fait partie d’un accord trouvé vendredi entre le gouvernement fédéral et la Fédération Wallonie-Bruxelles sur le nombre de quotas Inami, un dossier à l’origine de biens de tensions communautaires depuis des années.
En échange de ce concours d’admission, la FWB voit le nombre de quotas Inami augmenter dès 2028, afin notamment de disposer de plus de médecins généralistes au sud du pays - où le métier est en pénurie depuis plus années. Alors qu’il tourne actuellement autour des 550, le nombre de quotas pour les médecins francophones passera ainsi à 744 pour 2028. La FWB a également reçu la garantie que tous les étudiants en cours de formation disposeront d’un numéro Inami.
Une nouvelle méthodologie pour déterminer le nombre de médecins nécessaires dans les années à venir a été agréé par les différentes parties.
“Aujourd’hui, nous clôturons un chapitre épineux qui s’est éternisé pendant plus de 25 ans”, s’est félicité le ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke. “Nous repartons d’une feuille blanche sur la base d’une estimation objective des besoins par la commission de planification fédérale”.
En effet, depuis des années déjà, le volume de médecins diplômés dans les universités de FWB dépassait systématiquement le nombre de quotas Inami fixé par le fédéral, obligeant chaque fois celui-ci à puiser dans les quotas prévus pour les années à venir afin de satisfaire les diplômés surnuméraires.
La Fédération a ainsi creusé au fil des années une “dette” de numéros Inami qui est à présent ramenée à zéro par l’accord intervenu vendredi, l’excédent ayant été pris en compte dans les calculs de la commission de planification de l’offre médicale.
Également concernée au premier chef par ce dossier, la Flandre ne s’est toutefois pas encore pleinement associée à l’accord.
Le nord du pays attend d’abord de voir si la FWB va bel et bien transformer son examen d’entrée en concours d’admission dès la rentrée 2023 afin de respecter le contingentement fédéral de praticiens.
La décision nécessitera la rédaction par le gouvernement de la FWB d’un nouveau décret et son adoption par le Parlement.
“Ce travail législatif va commencer immédiatement”, a assuré vendredi la ministre de l’Enseignement supérieur en Fédération, Valérie Glatigny.
Le nouveau concours d’admission ne devant voir le jour qu’à partir de l’année 2023, la prochaine rentrée 2022 pour les études de médecine se fera encore sur les modalités de l’examen d’entrée actuellement en place, sans numerus fixus donc.
Lire la suite sous la photo
Valérie Glatigny, ministre de l'Enseignement supérieur (MR). © Photo News
Néanmoins, si le nombre d’étudiants lauréats cette année devait excéder le nombre de numéros Inami qui leur est promis dans six ans, la Fédération s’est engagée à résorber ce surplus, a indiqué vendredi le ministre Vandenbroucke.
Dans un communiqué vendredi, la ministre Glatigny s’est félicitée du compromis trouvé: “Cet accord permet de sortir nos étudiants de l’incertitude, en leur assurant de disposer d’un numéro Inami à la fin de leurs études et de pouvoir ainsi exercer leur profession. Celui-ci permet également de garantir une offre médicale de qualité qui correspond aux besoins de terrain et aux possibles pénuries, dont l’importance a été soulignée par la crise sanitaire”.
La mise en place d’un concours d’entrée “est une couleuvre dure à avaler”, a réagi vendredi auprès de Belga Lucas Van Molle, président de la Fédération des étudiants francophones (Fef).
La Fef est en effet opposée à tout filtre à l’accès aux études. La Fédération, ainsi que les représentants des étudiants en médecine de l’UMons et de l’UCLouvain, regrettent ainsi “amèrement”, dans un communiqué, cette décision “qui n’arrangera ni la situation désastreuse de la médecine en Communauté française (Fédération Wallonie-Bruxelles, NDLR), ni les inégalités d’accès aux études”.
Pour les représentants de la population étudiante, la Wallonie et Bruxelles étant selon eux confrontées à une pénurie de médecins, limiter le nombre de praticiens et praticiennes n’a pas de sens.
En outre, ils pointent le côté “élitiste” d’un concours d’entrée alors que l’enseignement francophone est très “inégalitaire”, explique M. Van Molle. “Les meilleurs, ceux qui vont réussir, seront ceux qui proviennent de milieux privilégiés. C’est un filtre social à l’entrée des études qui va favoriser l’élitisme et un entre-soi”, déplore le président de la Fef. “Si l’on veut une médecine au plus proche de la population et qui puisse comprendre ses patients issus de milieux défavorisés”, la mise en place d’un concours va dans la mauvaise direction, estime-t-il.
Tout n’est cependant pas à jeter dans l’accord, pour Lucas Van Molle, qui attribue certaines réussites à la mobilisation étudiante. Ainsi, il se réjouit “des balises en place avec l’augmentation des quotas, et l’attention particulière apportée aux médecins généralistes”, ainsi que de “l’octroi d’un numéro Inami à tous les étudiants actuels”.
L’annulation de la “dette” de la Fédération Wallonie-Bruxelles est également saluée. Lucas Van Molle se réjouit aussi de la “réobjectivation des quotas” mais s’interroge sur le moment où elle interviendra. En effet, il a été décidé qu’après 2028, “les quotas pourront évoluer en fonction des besoins de terrain et seront calculés annuellement”, est-il expliqué dans le communiqué de la Fédération Wallonie-Bruxelles. “Pour nous, c’est un problème de décider d’abord de la mise en place d’un concours et puis de dire qu’on va réévaluer les besoins de la population. Ça devrait être l’inverse”, conclut le président de la Fef.
L’opposition N-VA au fédéral a dénoncé vendredi l’accord concernant les quotas Inami, les nationalistes flamands estimant que celui-ci se faisait au détriment de “milliers d’étudiants et contribuables flamands”.
La N-VA, qui siège au gouvernement flamand, dénonce le “pardon général” accordé ainsi aux francophones pour l’excédent de médecins qu’ils ont continué à diplômer ces dernières années malgré le contingentement fédéral, “et ce seulement en échange d’une promesse d’un concours d’admission avec un numerus fixus”, fustige la députée fédérale Valerie Van Peel.
Le ministre flamand de l’Enseignement, Ben Weyts, lui aussi membre de la N-VA, a également dénoncé le compromis.
“Le gouvernement fédéral passe l’éponge sur les infractions passées des francophones envers la loi. Et pour l’avenir, on va pratiquer autant que possible un partage (de quotas) encore plus injuste”, a-t-il commenté.
L’accord annoncé est un “bon accord, compte tenu de la planification fédérale de l’offre de soins”, a réagi l’Association belge des syndicats médicaux (Absym) vendredi. “Nous ce que l’on veut, c’est qu’il y ait suffisamment de médecins, ni trop peu, ni de trop”, a souligné le président de l’Absym, le Dr Luc Herry. Pour lui, l’accord intervenu vendredi “tient compte de l’évolution du rythme de travail des médecins et de la pyramide des âges au sein de la profession”.
La mise en place d’un concours d’admission aux études de médecine est, selon lui, “la meilleure solution pour éviter un numerus clausus en fin d’études”.
À l’en croire, la pénurie de médecins dénoncée notamment par la Fédération des étudiants francophones (Fef) au sud du pays est “très localisée” et “doit encore être objectivée”. “Les villes et les périphéries sont plutôt en pléthore. Si certaines zones rurales sont en pénurie, c’est parce que les jeunes médecins ne veulent plus s’y installer”, estime-t-il.
L’accord annoncé vendredi entre le gouvernement fédéral et la Fédération Wallonie-Bruxelles sur l’introduction dès 2023 d’un concours d’admission aux études de médecine et dentisterie est le énième épisode d’une saga vieille de plus d’un quart de siècle sur le contingentement des médecins en Belgique.
Tout commence en 1996 lorsque la coalition rouge-romaine au pouvoir décide de limiter l’offre médicale en fixant chaque année le nombre de nouveaux médecins qui seront agréés par l’Inami.
La mesure, dit-on alors, vise à éviter la surprescription de médicaments et limiter les frais de soins de santé.
Les Communautés ayant la main sur la formation supérieure, c’est à elles que revient la charge de faire coller le nombre de futurs diplômés aux quotas fédéraux.
La Flandre s’exécute immédiatement en mettant sur pied dès 1997 un examen d’entrée, qu’elle a transformé en concours d’entrée il y a quelques années déjà.
Côté francophone, on choisira toutefois une autre voie. Arguant des fortes disparités de niveaux entre écoles francophones, la Communauté française rejette toute sélection à l’entame des études médicales qui reviendrait, selon elle, à accepter ces inégalités scolaires.
Elle opte dès lors pour un filtrage des étudiants à l’issue de la troisième année de médecine. Mais le mécanisme, qui a pour effet de stopper en plein vol des étudiants qui ont déjà réussi trois années d’études réputées difficiles, est rapidement vilipendé de toutes parts.
En 2003, la ministre francophone de l’Enseignement supérieur, Françoise Dupuis (PS), évoquant (déjà) une pénurie de praticiens dans certains régions de Wallonie, abroge le mécanisme. L’accès aux études de médecine au sud du pays se retrouve ainsi dépourvu de toute entrave, au grand dam des partis flamands qui se sentent floués.
En 2005, la nouvelle ministre de l’Enseignement supérieur, Marie-Dominique Simonet (cdH), réintroduit un mécanisme de sélection. Non plus en fin de troisième candidature comme précédemment, mais à l’issue de la première année d’études cette fois.
Le dispositif donne naissance aux premiers “reçus-collés”, ces étudiants qui réussissent leur première candidature mais qui échouent au concours, ce qui les empêche de poursuivre en deuxième année.
Attaqué devant le Conseil d’Etat, le mécanisme est finalement abandonné en 2008, rouvrant à nouveau toutes grandes les portes des facultés de médecine francophones. Conséquence: le nombre d’inscrits en première année va doubler en l’espace de quelques années, alors que l’accès à la profession reste, lui, strictement limité.
Pour permettre aux nombreux diplômés francophones “surnuméraires” d’exercer malgré le numerus clausus, on décide alors de puiser dans les quotas Inami normalement prévus pour les promotions suivantes. Plus de 3.000 numéros Inami ont déjà été attribués de la sorte depuis 2008.
L’opportunité de contingenter les praticiens vire au débat communautaire. Le Nord du pays veut le respect des quotas. Le Sud dénonce, lui, une pénurie sur le terrain, qu’il faut bien souvent compenser par l’engagement de médecins étrangers.
Sous le gouvernement Di Rupo (2011-2014), les socialistes, farouchement opposés à l’idée d’un examen d’entrée, vont même d’inverser la pression: la ministre fédérale de la Santé, Laurette Onkelinx (PS), propose en effet d’assouplir le contingentement fédéral pour plusieurs spécialisations médicales jugées en pénurie.
Mais leurs partenaires flamands, Open-VLD en tête, tiennent bon: pas question de toucher aux quotas Inami.
Les élections de 2014, et l’éviction des socialistes du niveau fédéral, va chambouler le statu quo qui prévalait jusque là.
Quelques semaines après sa désignation, la nouvelle ministre fédérale de la Santé Maggie De Block (Open Vld) se montre déterminée à faire respecter le contingentement fédéral par les francophones. Et elle avertit: sans filtre efficace, elle cessera de délivrer les précieux numéros Inami aux futurs diplômés francophones.
L’annonce jette des centaines d’étudiants en blouse blanche dans la rue à la Toussaint 2014. Jean-Claude Marcourt (PS), ministre de l’Enseignement supérieur, refuse d’abord de limiter le nombre de futurs médecins, toujours au nom de la pénurie.
Mais après plusieurs semaines de bras de fer, le Liégeois annonce que la Fédération Wallonie-Bruxelles introduira bel bien un mécanisme de filtre. Pas en début de parcours toutefois, mais en fin de premier bachelier, comme cela s’était pratiqué dix ans auparavant déjà.
En échange, tous les étudiants francophones alors en cours de formation son assurés de recevoir un numéro Inami du fédéral.
Voté en juillet 2015, la nouvelle épreuve -qualifiée de “concours-boucherie” par les étudiants- est organisée pour la première fois fin juin 2016. Et comme dix ans plus tôt, elle laisse plusieurs centaines de “reçus-collés” sur le carreau. Lesquels s’empresseront de saisir le Conseil d’Etat qui jugera la procédure non valide en raison, ironie de l’histoire, d’un... contingentement fédéral insuffisamment justifié.
Après plusieurs semaines de suspense, le ministre Marcourt, contraint par différentes ordonnances en référés, donne finalement consigne aux facultés de laisser passer tous les “reçus-collés” en deuxième bachelier... Son filtre n’aura donc rien filtré.
Maggie De Block lance alors un ultimatum: la FWB doit sans délai introduire un examen d’entrée comme le pratiquait alors la Flandre depuis 20 ans, sans quoi elle ne recevra plus de quotas Inami pour ses futurs diplômés.
Le ministre Marcourt a beau dénoncer l’absurdité du numerus clausus fédéral alors que la médecine est officiellement devenue un métier en pénurie en Wallonie, il sait qu’il n’a pas d’autre choix s’il veut garantir l’avenir professionnel de centaines d’étudiants en médecine en fin de parcours.
En quelques semaines à peine, forcé et contraint, il rédige un avant-projet de décret instaurant cet examen d’entrée contre lequel les socialistes avaient pourtant tant résisté.
La nouvelle épreuve est appliquée dès 2017, avec des taux de réussite en dessous des 20%. Mais malgré cela, les études médicales connaissent un réel engouement, si bien que le nombre d’étudiants autorisés chaque année à entamer ce cursus est toujours bien supérieur au nombre de numéros prévus pour eux au bout de leurs six années de formation de base.
En 2020, l’accord de majorité de la Vivaldi entend mettre fin à cette situation. Le texte prévoit en effet l’instauration d’un “mécanisme de responsabilisation en cas de non-respect des quotas fédéraux”.
La demande du ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit) formulée à l’été 2021 est claire: il veut que la FWB introduise un “filtre efficace” (un concours d’entrée, NDLR). Sans quoi il imposera lui-même une attestation de contingentement en fin de premier bachelier, et ce sans aucune garantie de numéro Inami pour tous les étudiants actuellement engagés dans la formation.
Après plusieurs mois de négociations discrètes, un accord sera finalement trouvé entre les parties. En échange de l’introduction d’un concours d’admission, la FWB voit le nombre de quotas Inami augmenter dès 2028. Tous les étudiants engagés actuellement dans ces études reçoivent aussi la certitude de pouvoir exercer à la fin de leur cursus.
Dans le cadre de cet accord trouvé à l’issue de plusieurs mois de négociations discrètes, il a été décidé que les personnes souhaitant entamer des études en médecine devront passer par la case concours, et non plus par celle d’un examen d’entrée. La différence entre les deux? Le nombre de lauréats et lauréates. Ainsi, lors d’un examen, toute personne ayant rempli les critères de réussite est autorisée à s’inscrire tandis qu’un concours déterminera à l’avance un nombre d’inscriptions autorisées. Avoir réussi l’épreuve ne signifiera donc plus automatiquement être autorisé à s’inscrire.
Cette décision fait partie d’un accord trouvé vendredi entre le gouvernement fédéral et la Fédération Wallonie-Bruxelles sur le nombre de quotas Inami, un dossier à l’origine de biens de tensions communautaires depuis des années.
Augmentation du nombre de quotas Inami à partir de 2028
En échange de ce concours d’admission, la FWB voit le nombre de quotas Inami augmenter dès 2028, afin notamment de disposer de plus de médecins généralistes au sud du pays - où le métier est en pénurie depuis plus années. Alors qu’il tourne actuellement autour des 550, le nombre de quotas pour les médecins francophones passera ainsi à 744 pour 2028. La FWB a également reçu la garantie que tous les étudiants en cours de formation disposeront d’un numéro Inami.
Une nouvelle méthodologie pour déterminer le nombre de médecins nécessaires dans les années à venir a été agréé par les différentes parties.
“Aujourd’hui, nous clôturons un chapitre épineux qui s’est éternisé pendant plus de 25 ans”, s’est félicité le ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke. “Nous repartons d’une feuille blanche sur la base d’une estimation objective des besoins par la commission de planification fédérale”.
En effet, depuis des années déjà, le volume de médecins diplômés dans les universités de FWB dépassait systématiquement le nombre de quotas Inami fixé par le fédéral, obligeant chaque fois celui-ci à puiser dans les quotas prévus pour les années à venir afin de satisfaire les diplômés surnuméraires.
La Fédération a ainsi creusé au fil des années une “dette” de numéros Inami qui est à présent ramenée à zéro par l’accord intervenu vendredi, l’excédent ayant été pris en compte dans les calculs de la commission de planification de l’offre médicale.
La Flandre ne s’est pas encore pleinement associée à l’accord
Également concernée au premier chef par ce dossier, la Flandre ne s’est toutefois pas encore pleinement associée à l’accord.
Le nord du pays attend d’abord de voir si la FWB va bel et bien transformer son examen d’entrée en concours d’admission dès la rentrée 2023 afin de respecter le contingentement fédéral de praticiens.
La décision nécessitera la rédaction par le gouvernement de la FWB d’un nouveau décret et son adoption par le Parlement.
“Ce travail législatif va commencer immédiatement”, a assuré vendredi la ministre de l’Enseignement supérieur en Fédération, Valérie Glatigny.
Le nouveau concours d’admission ne devant voir le jour qu’à partir de l’année 2023, la prochaine rentrée 2022 pour les études de médecine se fera encore sur les modalités de l’examen d’entrée actuellement en place, sans numerus fixus donc.
Lire la suite sous la photo
Valérie Glatigny, ministre de l'Enseignement supérieur (MR). © Photo News
“Cet accord permet de sortir nos étudiants de l’incertitude”
Néanmoins, si le nombre d’étudiants lauréats cette année devait excéder le nombre de numéros Inami qui leur est promis dans six ans, la Fédération s’est engagée à résorber ce surplus, a indiqué vendredi le ministre Vandenbroucke.
Dans un communiqué vendredi, la ministre Glatigny s’est félicitée du compromis trouvé: “Cet accord permet de sortir nos étudiants de l’incertitude, en leur assurant de disposer d’un numéro Inami à la fin de leurs études et de pouvoir ainsi exercer leur profession. Celui-ci permet également de garantir une offre médicale de qualité qui correspond aux besoins de terrain et aux possibles pénuries, dont l’importance a été soulignée par la crise sanitaire”.
“Une couleuvre dure à avaler” pour la Fef
La mise en place d’un concours d’entrée “est une couleuvre dure à avaler”, a réagi vendredi auprès de Belga Lucas Van Molle, président de la Fédération des étudiants francophones (Fef).
La Fef est en effet opposée à tout filtre à l’accès aux études. La Fédération, ainsi que les représentants des étudiants en médecine de l’UMons et de l’UCLouvain, regrettent ainsi “amèrement”, dans un communiqué, cette décision “qui n’arrangera ni la situation désastreuse de la médecine en Communauté française (Fédération Wallonie-Bruxelles, NDLR), ni les inégalités d’accès aux études”.
Pour les représentants de la population étudiante, la Wallonie et Bruxelles étant selon eux confrontées à une pénurie de médecins, limiter le nombre de praticiens et praticiennes n’a pas de sens.
“Filtre social”
En outre, ils pointent le côté “élitiste” d’un concours d’entrée alors que l’enseignement francophone est très “inégalitaire”, explique M. Van Molle. “Les meilleurs, ceux qui vont réussir, seront ceux qui proviennent de milieux privilégiés. C’est un filtre social à l’entrée des études qui va favoriser l’élitisme et un entre-soi”, déplore le président de la Fef. “Si l’on veut une médecine au plus proche de la population et qui puisse comprendre ses patients issus de milieux défavorisés”, la mise en place d’un concours va dans la mauvaise direction, estime-t-il.
Tout n’est cependant pas à jeter dans l’accord, pour Lucas Van Molle, qui attribue certaines réussites à la mobilisation étudiante. Ainsi, il se réjouit “des balises en place avec l’augmentation des quotas, et l’attention particulière apportée aux médecins généralistes”, ainsi que de “l’octroi d’un numéro Inami à tous les étudiants actuels”.
L’annulation de la “dette” de la Fédération Wallonie-Bruxelles est également saluée. Lucas Van Molle se réjouit aussi de la “réobjectivation des quotas” mais s’interroge sur le moment où elle interviendra. En effet, il a été décidé qu’après 2028, “les quotas pourront évoluer en fonction des besoins de terrain et seront calculés annuellement”, est-il expliqué dans le communiqué de la Fédération Wallonie-Bruxelles. “Pour nous, c’est un problème de décider d’abord de la mise en place d’un concours et puis de dire qu’on va réévaluer les besoins de la population. Ça devrait être l’inverse”, conclut le président de la Fef.
La N-VA dénonce le “pardon général” accordé aux francophones
L’opposition N-VA au fédéral a dénoncé vendredi l’accord concernant les quotas Inami, les nationalistes flamands estimant que celui-ci se faisait au détriment de “milliers d’étudiants et contribuables flamands”.
La N-VA, qui siège au gouvernement flamand, dénonce le “pardon général” accordé ainsi aux francophones pour l’excédent de médecins qu’ils ont continué à diplômer ces dernières années malgré le contingentement fédéral, “et ce seulement en échange d’une promesse d’un concours d’admission avec un numerus fixus”, fustige la députée fédérale Valerie Van Peel.
Le ministre flamand de l’Enseignement, Ben Weyts, lui aussi membre de la N-VA, a également dénoncé le compromis.
“Le gouvernement fédéral passe l’éponge sur les infractions passées des francophones envers la loi. Et pour l’avenir, on va pratiquer autant que possible un partage (de quotas) encore plus injuste”, a-t-il commenté.
Une pénurie “très localisée”, selon l’Absym
L’accord annoncé est un “bon accord, compte tenu de la planification fédérale de l’offre de soins”, a réagi l’Association belge des syndicats médicaux (Absym) vendredi. “Nous ce que l’on veut, c’est qu’il y ait suffisamment de médecins, ni trop peu, ni de trop”, a souligné le président de l’Absym, le Dr Luc Herry. Pour lui, l’accord intervenu vendredi “tient compte de l’évolution du rythme de travail des médecins et de la pyramide des âges au sein de la profession”.
La mise en place d’un concours d’admission aux études de médecine est, selon lui, “la meilleure solution pour éviter un numerus clausus en fin d’études”.
À l’en croire, la pénurie de médecins dénoncée notamment par la Fédération des étudiants francophones (Fef) au sud du pays est “très localisée” et “doit encore être objectivée”. “Les villes et les périphéries sont plutôt en pléthore. Si certaines zones rurales sont en pénurie, c’est parce que les jeunes médecins ne veulent plus s’y installer”, estime-t-il.
RETOUR SUR UNE SAGA POLITIQUE VIEILLE DE 25 ANS
L’accord annoncé vendredi entre le gouvernement fédéral et la Fédération Wallonie-Bruxelles sur l’introduction dès 2023 d’un concours d’admission aux études de médecine et dentisterie est le énième épisode d’une saga vieille de plus d’un quart de siècle sur le contingentement des médecins en Belgique.
Tout commence en 1996 lorsque la coalition rouge-romaine au pouvoir décide de limiter l’offre médicale en fixant chaque année le nombre de nouveaux médecins qui seront agréés par l’Inami.
La mesure, dit-on alors, vise à éviter la surprescription de médicaments et limiter les frais de soins de santé.
Les Communautés ayant la main sur la formation supérieure, c’est à elles que revient la charge de faire coller le nombre de futurs diplômés aux quotas fédéraux.
La Flandre s’exécute, les francophones choisissent une autre voie
La Flandre s’exécute immédiatement en mettant sur pied dès 1997 un examen d’entrée, qu’elle a transformé en concours d’entrée il y a quelques années déjà.
Côté francophone, on choisira toutefois une autre voie. Arguant des fortes disparités de niveaux entre écoles francophones, la Communauté française rejette toute sélection à l’entame des études médicales qui reviendrait, selon elle, à accepter ces inégalités scolaires.
Elle opte dès lors pour un filtrage des étudiants à l’issue de la troisième année de médecine. Mais le mécanisme, qui a pour effet de stopper en plein vol des étudiants qui ont déjà réussi trois années d’études réputées difficiles, est rapidement vilipendé de toutes parts.
Aucune entrave au sud du pays pendant 2 ans
En 2003, la ministre francophone de l’Enseignement supérieur, Françoise Dupuis (PS), évoquant (déjà) une pénurie de praticiens dans certains régions de Wallonie, abroge le mécanisme. L’accès aux études de médecine au sud du pays se retrouve ainsi dépourvu de toute entrave, au grand dam des partis flamands qui se sentent floués.
En 2005, la nouvelle ministre de l’Enseignement supérieur, Marie-Dominique Simonet (cdH), réintroduit un mécanisme de sélection. Non plus en fin de troisième candidature comme précédemment, mais à l’issue de la première année d’études cette fois.
Les fameux “reçus-collés”
Le dispositif donne naissance aux premiers “reçus-collés”, ces étudiants qui réussissent leur première candidature mais qui échouent au concours, ce qui les empêche de poursuivre en deuxième année.
Attaqué devant le Conseil d’Etat, le mécanisme est finalement abandonné en 2008, rouvrant à nouveau toutes grandes les portes des facultés de médecine francophones. Conséquence: le nombre d’inscrits en première année va doubler en l’espace de quelques années, alors que l’accès à la profession reste, lui, strictement limité.
Pour permettre aux nombreux diplômés francophones “surnuméraires” d’exercer malgré le numerus clausus, on décide alors de puiser dans les quotas Inami normalement prévus pour les promotions suivantes. Plus de 3.000 numéros Inami ont déjà été attribués de la sorte depuis 2008.
Débat communautaire
L’opportunité de contingenter les praticiens vire au débat communautaire. Le Nord du pays veut le respect des quotas. Le Sud dénonce, lui, une pénurie sur le terrain, qu’il faut bien souvent compenser par l’engagement de médecins étrangers.
Sous le gouvernement Di Rupo (2011-2014), les socialistes, farouchement opposés à l’idée d’un examen d’entrée, vont même d’inverser la pression: la ministre fédérale de la Santé, Laurette Onkelinx (PS), propose en effet d’assouplir le contingentement fédéral pour plusieurs spécialisations médicales jugées en pénurie.
Mais leurs partenaires flamands, Open-VLD en tête, tiennent bon: pas question de toucher aux quotas Inami.
Les élections de 2014, et l’éviction des socialistes du niveau fédéral, va chambouler le statu quo qui prévalait jusque là.
De Block met les étudiants en colère
Quelques semaines après sa désignation, la nouvelle ministre fédérale de la Santé Maggie De Block (Open Vld) se montre déterminée à faire respecter le contingentement fédéral par les francophones. Et elle avertit: sans filtre efficace, elle cessera de délivrer les précieux numéros Inami aux futurs diplômés francophones.
L’annonce jette des centaines d’étudiants en blouse blanche dans la rue à la Toussaint 2014. Jean-Claude Marcourt (PS), ministre de l’Enseignement supérieur, refuse d’abord de limiter le nombre de futurs médecins, toujours au nom de la pénurie.
Retour en arrière avec Marcourt
Mais après plusieurs semaines de bras de fer, le Liégeois annonce que la Fédération Wallonie-Bruxelles introduira bel bien un mécanisme de filtre. Pas en début de parcours toutefois, mais en fin de premier bachelier, comme cela s’était pratiqué dix ans auparavant déjà.
En échange, tous les étudiants francophones alors en cours de formation son assurés de recevoir un numéro Inami du fédéral.
Voté en juillet 2015, la nouvelle épreuve -qualifiée de “concours-boucherie” par les étudiants- est organisée pour la première fois fin juin 2016. Et comme dix ans plus tôt, elle laisse plusieurs centaines de “reçus-collés” sur le carreau. Lesquels s’empresseront de saisir le Conseil d’Etat qui jugera la procédure non valide en raison, ironie de l’histoire, d’un... contingentement fédéral insuffisamment justifié.
Après plusieurs semaines de suspense, le ministre Marcourt, contraint par différentes ordonnances en référés, donne finalement consigne aux facultés de laisser passer tous les “reçus-collés” en deuxième bachelier... Son filtre n’aura donc rien filtré.
Ultimatum de De Block
Maggie De Block lance alors un ultimatum: la FWB doit sans délai introduire un examen d’entrée comme le pratiquait alors la Flandre depuis 20 ans, sans quoi elle ne recevra plus de quotas Inami pour ses futurs diplômés.
Le ministre Marcourt a beau dénoncer l’absurdité du numerus clausus fédéral alors que la médecine est officiellement devenue un métier en pénurie en Wallonie, il sait qu’il n’a pas d’autre choix s’il veut garantir l’avenir professionnel de centaines d’étudiants en médecine en fin de parcours.
En quelques semaines à peine, forcé et contraint, il rédige un avant-projet de décret instaurant cet examen d’entrée contre lequel les socialistes avaient pourtant tant résisté.
Examen d’entrée en 2017
La nouvelle épreuve est appliquée dès 2017, avec des taux de réussite en dessous des 20%. Mais malgré cela, les études médicales connaissent un réel engouement, si bien que le nombre d’étudiants autorisés chaque année à entamer ce cursus est toujours bien supérieur au nombre de numéros prévus pour eux au bout de leurs six années de formation de base.
En 2020, l’accord de majorité de la Vivaldi entend mettre fin à cette situation. Le texte prévoit en effet l’instauration d’un “mécanisme de responsabilisation en cas de non-respect des quotas fédéraux”.
La demande du ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit) formulée à l’été 2021 est claire: il veut que la FWB introduise un “filtre efficace” (un concours d’entrée, NDLR). Sans quoi il imposera lui-même une attestation de contingentement en fin de premier bachelier, et ce sans aucune garantie de numéro Inami pour tous les étudiants actuellement engagés dans la formation.
Après plusieurs mois de négociations discrètes, un accord sera finalement trouvé entre les parties. En échange de l’introduction d’un concours d’admission, la FWB voit le nombre de quotas Inami augmenter dès 2028. Tous les étudiants engagés actuellement dans ces études reçoivent aussi la certitude de pouvoir exercer à la fin de leur cursus.