“On débourse 1.000 euros de notre propre pension pour nos parents”: que faire quand la maison de repos devient impayable?
(2022-04-14_16-16-48 (Het Laatste Nieuws))
- Reference: 2022-04-14_16-16-48_on-debourse-1-000-euros-de-notre-propre-
- News link: https://www.7sur7.be/economie/on-debourse-1-000-euros-de-notre-propre-pension-pour-nos-parents-que-faire-quand-la-maison-de-repos-devient-impayable~a2b0d53e/
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L’ [1]inflation à 7,3% en 2022 fait couler beaucoup d’encre et inquiète tant les consommateurs que les employeurs. Et cette hausse a aussi un impact considérable sur les locataires, notamment des maisons de repos. La pension de ces derniers n’augmente en effet pas au même rythme que le coût de leur séjour. “Nous ne savons plus quoi faire”, témoignent Els et Patrick Loos, qui expliquent dans Het Laatste Nieuws qu’ils doivent se priver pour assurer à leurs parents de garder leur place en home. Christian Fillet, directeur de Mintus, nous éclaire sur la manière dont les loyers des maisons de repos sont calculés et ce qui se passe si des pensionnaires ne peuvent (plus) les honorer.
Les coûts de la main d’œuvre, tout comme des denrées alimentaires et du matériel, augmentent avec le taux d’inflation, sans parler des prix de l’énergie. Rien d’étonnant donc à ce que, pour rester rentables, les maisons de repos indexent fortement à leur tour loyers et frais de leurs pensionnaires, dont la facture mensuelle était déjà trop salée pour beaucoup.
Pour certains locataires et leurs proches, l'inquiétude est de mise. C’est notamment le cas d’Els et Patrick Loos. Respectivement âgés de 69 et 68 ans, les deux Belges doivent financer la facture du home des parents de Patrick, tous deux âgés de 91 ans et nécessitant beaucoup trop de soins que pour être hébergés par leur famille. Le sexagénaire souffre lui-même de lourds problèmes de santé et sort d'une hospitalisation. Le ménage paie de surcroît un lourd tribut pour les deux nonagénaires, et ce depuis des années.
Citation
Plus de 4.000 euros chaque mois, sans compter les frais médicaux comme les médicaments, les honoraires des docteurs... La pension de mon mari y passait en plus de celle de mes beaux-parents Els Loos
“Mon beau-père souffrait déjà de la maladie de Parkinson lorsque ma belle-mère a eu un double infarctus en 2016. C’est là qu’on a appris qu’elle souffrait également d’Alzheimer. Les faire entrer ensemble en résidence-service tous les deux était alors la seule solution, car leur pension de ménage s’élevait à 1.700 euros par mois. Comme nous nous chargions de tout pour eux - lessive, courses, repas et tout le reste - cela restait payable”, explique Els Loos.
Mais la santé des deux octogénaires s’est rapidement dégradée. “La direction a décidé, en pleine pandémie de Covid-19, de les faire déménager vers une autre aile de la maison de repos, où ils recevraient les soins adaptés à leur état. Ils n’ont plus pu vivre dans la même chambre, ce qui engendre un dédoublement des frais de logement. Chaque mois, la facture minimale s’élève à 4.000 euros, et cela n’inclut pas les frais médicaux comme les médicaments, les honoraires des médecins... Aussitôt, ils n'ont plus su payer, et la pension de mon époux y a été entièrement consacrée”.
Le couple de sexagénaires a alors cherché une alternative plus viable pour tous. “Avec tout notre amour, nous les avons pris tous les deux chez nous à la maison pour nous en occuper. Mais malgré l’aide des infirmières à domicile, la situation s’est révélée intenable. Il a fallu les refaire prendre en charge dans une institution. Cela nous coûte déjà plus de 1.000 euros par mois de notre propre pension, en plus de la leur, pour qu’ils puissent être soignés. Alors, lorsque nous avons entendu qu’avec l’inflation, les frais allaient encore augmenter, il nous a vraiment fallu nous asseoir. Combien de plus encore?”, s’épouvante la sexagénaire, dont la santé du mari faiblit à son tour.
“En plus, les pathologies de mes beaux-parents sont telles qu’ils ne peuvent plus mener une existence digne de ce nom, et les traitements qu'on leur fournit là-bas sont colossaux. Cela ressemble davantage à une prolongation de leurs souffrances qu’à un véritable prolongement de leur temps de vie”, se désole-t-elle.
“Mon beau-père souffre de Parkinson, d'insuffisance rénale, et d’escarres, entre autres. Cela fait longtemps qu’il demande à ce que tout s’arrête. ‘Ce n’est pas une vie’, dit-il chaque fois. Mais le médecin de la maison de repos ne veut rien savoir: ‘Mais enfin mon petit Frans, tu ne veux quand même pas abandonner ta petite femme? Tu ne veux pas vraiment nous quitter, n’est-ce pas? C’est pas bien ici, peut-être?’ Et de lui administrer de coûteuses injections d’EPO, qu’il s’emploie à dire qu’il ne veut plus recevoir parce qu’il en a assez”. En vain.
Citation
Tous ceux qui sont en home ont un jour clamé qu’ils n’y mettraient jamais un pied
Aujourd’hui nonagénaires, les deux pensionnaires avaient pris leurs dispositions testamentaires en temps et en heure, avec la demande expresse qu’il n'y ait pas d’acharnement thérapeutique. “Pourtant, lorsque ma belle-mère a souffert d’une hémorragie gastrique, d'une pneumonie et d'un AVC, ils n’en ont pas tenu compte. Le document sur leurs refus d’acharnement thérapeutique était soi-disant ‘perdu’! Toute cette situation nous rend malades, et je ne parle pas que du fait que c’est impayable: il y a nombre de contrariétés et de faits qui sont pour nous émotionnellement ingérables. Nous sommes sans ressources désormais”, résume-t-elle, impuissante. Le couple de nonagénaires a cependant la chance d’être entourés, mais quid de ceux qui n'ont ni famille, ni argent de côté?
“Faire le pas de l’admission en maison de repos est de toute façon toujours difficile et douloureux tant pour la famille que pour le patient lui-même. Tous ceux qui sont aujourd’hui en home ont un jour clamé qu'ils ne voulaient jamais y mettre un pied”, commente, lucide, Christian Fillet. En tant que directeur de Mintus, il est en charge du bien-être au CPAS de Bruges et connaît donc bien les problématiques liées aux maisons de repos.
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Christian Fillet, directeur de Mintus © rv
“La maison de repos d’hier n’est pas la résidence de personnes âgées que l'on connaît aujourd'hui. Elle a évolué, est devenue un endroit où on ne vient que lorsque l'on est tellement mal en point que l’on ne peut plus être autonome. Pour les pensionnaires qui n’ont besoin que de soins très limités, il n’y a quasi pas de subsides et ils sont moins facilement accueillis. Sinon, les résidences ne savent plus payer leur personnel. Les soins quotidiens sont financés par l’État, tandis que les pensionnaires paient eux-mêmes leur logement, leur nourriture, leur électricité, la blanchisserie, etc. Un peu ce que vous coûte un hôtel. Des frais s’y ajoutent donc souvent: médecins, traitements, coiffeur, pédicure et bien plus encore”.
Les frais dépendent bien sûr de l’institution dans laquelle le senior est pris en charge: dans les “maisons de repos et de soins” (MRS), quasi tous les frais sont inclus, même médicaux. Mais dans les autres maisons de repos, visites du médecin, médicaments, kinésithérapie et autres s’ajoutent à la note mensuelle d’hébergement.
La Flandre a instauré un système de sécurité sociale complémentaire, obligatoire dans la région et facultative à Bruxelles. Appelé “assurance dépendance”, il permet aux personnes âgées qui ont cotisé de percevoir une aide mensuelle supplémentaire de 130 euros par mois le moment venu, une fois résidentes ou dépendantes à domicile. Un tel système n’existe pas en Wallonie.
On l’aura compris, souvent, la pension moyenne du Belge - 1.250 euros en moyenne - ne suffit pas à assurer les coûts de fin de vie en maison de repos, qui grimpent vite à 2.000 euros par mois par résident. Le CPAS peut intervenir, et des allocations spécifiques existent. Mais elles sont naturellement soumises à des conditions strictes. La GRAPA (Garantie de Revenus Aux Personnes Âgées) est destinée aux plus de 65 ans avec de faibles revenus et de lourds problèmes de santé. Elle est de 1.000 euros maximum par mois et dépend des ressources financières du résident et de sa famille. L’APA (Allocation pour Aide aux Personnes Âgées) est, elle, une allocation annexe octroyée aux personnes handicapées âgées non autonomes. Si la prise en charge est temporaire, les mutualités acceptent parfois d’intervenir partiellement.
Évidemment, cela n’est pas attribué à tous: et même avec une pension un peu plus élevée, de quelque 1.500 euros par mois, il est quasi impossible d’honorer sa facture quand les soins médicaux et d’hébergement s’alourdissent, notamment sil’inflation s’en mêle. Comment font les pensionnés? On en revient à l’importance d’avoir une “poire pour la soif”. “La plupart des gens prennent sur leurs propres économies ou leur patrimoine. Ils bénéficient d'une épargne-pension, prélèvent sur le produit de la vente de leur maison. Comme la plupart des gens qui vont en maison de soins ont déjà un état de santé très précaire à leur arrivée, ils n’y restent souvent que peu de temps. En Flandre, c’est en moyenne un an et demi seulement”, souligne Christian Fillet.
Mais pour ceux qui n’ont pas la chance d’avoir de l’argent de côté? “Dans 80 à 85% des cas, la famille proche est prête à assumer la différence entre la pension du senior et les frais totaux liés à sa prise en charge. Et si personne ne peut ou ne veut le faire dans l’entourage, le CPAS entre en jeu. Mais il faut d’abord que les revenus que la personne âgée perçoit soit étudiés de près. Et ceux qu’elle a perçus au préalable aussi, car les données disponibles remontent sur plusieurs années. Le CPAS peut par exemple aussi saisir les droits sur une hypothèque, et récupérer ultérieurement les frais liés au résident une fois que sa maison à vendre finit par trouver acquéreur. Le CPAS peut aussi se retourner contre les enfants, en faisant appel de leur refus et invoquant leur devoir alimentaire envers leurs parents”.
Citation
Le devoir alimentaire ne veut pas dire qu’il faut tout payer pour ses parents Christian Fillet , directeur de Mintus
Cela signifie-t-il que les enfants doivent tout sacrifier pour couvrir tous les frais liés aux soins de leurs parents? Même s'ils sont eux-mêmes peu fortunés? “Non, cela ne marche pas comme ça. Les plafonds de participation aux frais sont fixés légalement et font l’objet de barèmes en fonction des revenus de celui qui a un devoir alimentaire envers ses ascendants et les personnes qu’il a déjà à sa charge”. Mais si l’un des enfants du senior a des revenus supérieurs à ses frères et soeurs, doit-il compenser pour eux? “Non plus. Si le résident a par exemple trois enfants, le montant demandé à chacun ne pourra jamais excéder le tiers du montant encore dû à la maison de repos, même si les frère et soeur ne peuvent rien payer”.
“De plus, il revient à la commune de déterminer à partir de quel revenu le devoir alimentaire envers les ascendants est d’application. Il y a donc des villes qui placent ce barème tellement haut qu’en pratique, quasi personne n’est tenu à son devoir théorique. Si vous vous retrouvez malgré tout dans ce cas de figure, sachez que vous pourrez déduire cette rente alimentaire de votre déclaration d’impôts”.
Qu’en est-il des personnes âgées qui n’ont ni argent de côté, ni famille? “Alors en principe, le CPAS couvrira les frais de séjour: c’est l’ultime filet de sécurité sociale, tout comme pour les centres d’accueil de crise ou les sans-abri”. Mais qu’est-ce que le CPAS couvre vraiment? Uniquement les frais d’hébergement et médicaux, pas de coiffeur ni de pédicure quand cela est nécessaire? “Les résidents les plus précaires reçoivent mlagré tout, et c’est une obligation, une sorte d’argent de poche dont ils peuvent disposer à leur guise”.
Ce système suscite d’ailleurs une certaine ire chez les lecteurs du quotidien, qui avancent qu'il est anormal que les personnes qui n'ont pas suffisamment songé à leur avenir reçoivent finalement l’aide nécessaire en fin de vie, tandis que d’autres doivent “épuiser le capital qu'ils ont constitué à la sueur de leur front et en vivant sobrement”: “Ce sont des commentaires que je lis ou que j’entends parfois, en effet. Mais je ne peux honnêtement concevoir qu’on soit jaloux des soins de fin de vie reçus par ceux qui ont, dans l’extrême majorité des cas, vécu dans la pauvreté extrême ou en situation précaire”, conclut Christian Fillet.
[1] https://www.7sur7.be/economie/le-taux-d-inflation-annuel-devrait-depasser-les-7-en-2022-selon-le-bureau-du-plan~a2174b34/
Les coûts de la main d’œuvre, tout comme des denrées alimentaires et du matériel, augmentent avec le taux d’inflation, sans parler des prix de l’énergie. Rien d’étonnant donc à ce que, pour rester rentables, les maisons de repos indexent fortement à leur tour loyers et frais de leurs pensionnaires, dont la facture mensuelle était déjà trop salée pour beaucoup.
“La résidence-service était payable, car nous nous chargions de tout: repas, lessives...”
Pour certains locataires et leurs proches, l'inquiétude est de mise. C’est notamment le cas d’Els et Patrick Loos. Respectivement âgés de 69 et 68 ans, les deux Belges doivent financer la facture du home des parents de Patrick, tous deux âgés de 91 ans et nécessitant beaucoup trop de soins que pour être hébergés par leur famille. Le sexagénaire souffre lui-même de lourds problèmes de santé et sort d'une hospitalisation. Le ménage paie de surcroît un lourd tribut pour les deux nonagénaires, et ce depuis des années.
Citation
Plus de 4.000 euros chaque mois, sans compter les frais médicaux comme les médicaments, les honoraires des docteurs... La pension de mon mari y passait en plus de celle de mes beaux-parents Els Loos
“Mon beau-père souffrait déjà de la maladie de Parkinson lorsque ma belle-mère a eu un double infarctus en 2016. C’est là qu’on a appris qu’elle souffrait également d’Alzheimer. Les faire entrer ensemble en résidence-service tous les deux était alors la seule solution, car leur pension de ménage s’élevait à 1.700 euros par mois. Comme nous nous chargions de tout pour eux - lessive, courses, repas et tout le reste - cela restait payable”, explique Els Loos.
Deux chambres obligatoires, deux loyers
Mais la santé des deux octogénaires s’est rapidement dégradée. “La direction a décidé, en pleine pandémie de Covid-19, de les faire déménager vers une autre aile de la maison de repos, où ils recevraient les soins adaptés à leur état. Ils n’ont plus pu vivre dans la même chambre, ce qui engendre un dédoublement des frais de logement. Chaque mois, la facture minimale s’élève à 4.000 euros, et cela n’inclut pas les frais médicaux comme les médicaments, les honoraires des médecins... Aussitôt, ils n'ont plus su payer, et la pension de mon époux y a été entièrement consacrée”.
Le couple de sexagénaires a alors cherché une alternative plus viable pour tous. “Avec tout notre amour, nous les avons pris tous les deux chez nous à la maison pour nous en occuper. Mais malgré l’aide des infirmières à domicile, la situation s’est révélée intenable. Il a fallu les refaire prendre en charge dans une institution. Cela nous coûte déjà plus de 1.000 euros par mois de notre propre pension, en plus de la leur, pour qu’ils puissent être soignés. Alors, lorsque nous avons entendu qu’avec l’inflation, les frais allaient encore augmenter, il nous a vraiment fallu nous asseoir. Combien de plus encore?”, s’épouvante la sexagénaire, dont la santé du mari faiblit à son tour.
“En plus, les pathologies de mes beaux-parents sont telles qu’ils ne peuvent plus mener une existence digne de ce nom, et les traitements qu'on leur fournit là-bas sont colossaux. Cela ressemble davantage à une prolongation de leurs souffrances qu’à un véritable prolongement de leur temps de vie”, se désole-t-elle.
“Des piqûres onéreuses d’EPO, dont il ne veut même plus”
“Mon beau-père souffre de Parkinson, d'insuffisance rénale, et d’escarres, entre autres. Cela fait longtemps qu’il demande à ce que tout s’arrête. ‘Ce n’est pas une vie’, dit-il chaque fois. Mais le médecin de la maison de repos ne veut rien savoir: ‘Mais enfin mon petit Frans, tu ne veux quand même pas abandonner ta petite femme? Tu ne veux pas vraiment nous quitter, n’est-ce pas? C’est pas bien ici, peut-être?’ Et de lui administrer de coûteuses injections d’EPO, qu’il s’emploie à dire qu’il ne veut plus recevoir parce qu’il en a assez”. En vain.
Citation
Tous ceux qui sont en home ont un jour clamé qu’ils n’y mettraient jamais un pied
Aujourd’hui nonagénaires, les deux pensionnaires avaient pris leurs dispositions testamentaires en temps et en heure, avec la demande expresse qu’il n'y ait pas d’acharnement thérapeutique. “Pourtant, lorsque ma belle-mère a souffert d’une hémorragie gastrique, d'une pneumonie et d'un AVC, ils n’en ont pas tenu compte. Le document sur leurs refus d’acharnement thérapeutique était soi-disant ‘perdu’! Toute cette situation nous rend malades, et je ne parle pas que du fait que c’est impayable: il y a nombre de contrariétés et de faits qui sont pour nous émotionnellement ingérables. Nous sommes sans ressources désormais”, résume-t-elle, impuissante. Le couple de nonagénaires a cependant la chance d’être entourés, mais quid de ceux qui n'ont ni famille, ni argent de côté?
Qui doit payer, quand la facture de la maison de repos ne peut plus être honorée?
“Faire le pas de l’admission en maison de repos est de toute façon toujours difficile et douloureux tant pour la famille que pour le patient lui-même. Tous ceux qui sont aujourd’hui en home ont un jour clamé qu'ils ne voulaient jamais y mettre un pied”, commente, lucide, Christian Fillet. En tant que directeur de Mintus, il est en charge du bien-être au CPAS de Bruges et connaît donc bien les problématiques liées aux maisons de repos.
Lire la suite sous la photo
Christian Fillet, directeur de Mintus © rv
“La maison de repos d’hier n’est pas la résidence de personnes âgées que l'on connaît aujourd'hui. Elle a évolué, est devenue un endroit où on ne vient que lorsque l'on est tellement mal en point que l’on ne peut plus être autonome. Pour les pensionnaires qui n’ont besoin que de soins très limités, il n’y a quasi pas de subsides et ils sont moins facilement accueillis. Sinon, les résidences ne savent plus payer leur personnel. Les soins quotidiens sont financés par l’État, tandis que les pensionnaires paient eux-mêmes leur logement, leur nourriture, leur électricité, la blanchisserie, etc. Un peu ce que vous coûte un hôtel. Des frais s’y ajoutent donc souvent: médecins, traitements, coiffeur, pédicure et bien plus encore”.
Les frais dépendent bien sûr de l’institution dans laquelle le senior est pris en charge: dans les “maisons de repos et de soins” (MRS), quasi tous les frais sont inclus, même médicaux. Mais dans les autres maisons de repos, visites du médecin, médicaments, kinésithérapie et autres s’ajoutent à la note mensuelle d’hébergement.
La Flandre a instauré un système de sécurité sociale complémentaire, obligatoire dans la région et facultative à Bruxelles. Appelé “assurance dépendance”, il permet aux personnes âgées qui ont cotisé de percevoir une aide mensuelle supplémentaire de 130 euros par mois le moment venu, une fois résidentes ou dépendantes à domicile. Un tel système n’existe pas en Wallonie.
On l’aura compris, souvent, la pension moyenne du Belge - 1.250 euros en moyenne - ne suffit pas à assurer les coûts de fin de vie en maison de repos, qui grimpent vite à 2.000 euros par mois par résident. Le CPAS peut intervenir, et des allocations spécifiques existent. Mais elles sont naturellement soumises à des conditions strictes. La GRAPA (Garantie de Revenus Aux Personnes Âgées) est destinée aux plus de 65 ans avec de faibles revenus et de lourds problèmes de santé. Elle est de 1.000 euros maximum par mois et dépend des ressources financières du résident et de sa famille. L’APA (Allocation pour Aide aux Personnes Âgées) est, elle, une allocation annexe octroyée aux personnes handicapées âgées non autonomes. Si la prise en charge est temporaire, les mutualités acceptent parfois d’intervenir partiellement.
Hypothèque
Évidemment, cela n’est pas attribué à tous: et même avec une pension un peu plus élevée, de quelque 1.500 euros par mois, il est quasi impossible d’honorer sa facture quand les soins médicaux et d’hébergement s’alourdissent, notamment sil’inflation s’en mêle. Comment font les pensionnés? On en revient à l’importance d’avoir une “poire pour la soif”. “La plupart des gens prennent sur leurs propres économies ou leur patrimoine. Ils bénéficient d'une épargne-pension, prélèvent sur le produit de la vente de leur maison. Comme la plupart des gens qui vont en maison de soins ont déjà un état de santé très précaire à leur arrivée, ils n’y restent souvent que peu de temps. En Flandre, c’est en moyenne un an et demi seulement”, souligne Christian Fillet.
Mais pour ceux qui n’ont pas la chance d’avoir de l’argent de côté? “Dans 80 à 85% des cas, la famille proche est prête à assumer la différence entre la pension du senior et les frais totaux liés à sa prise en charge. Et si personne ne peut ou ne veut le faire dans l’entourage, le CPAS entre en jeu. Mais il faut d’abord que les revenus que la personne âgée perçoit soit étudiés de près. Et ceux qu’elle a perçus au préalable aussi, car les données disponibles remontent sur plusieurs années. Le CPAS peut par exemple aussi saisir les droits sur une hypothèque, et récupérer ultérieurement les frais liés au résident une fois que sa maison à vendre finit par trouver acquéreur. Le CPAS peut aussi se retourner contre les enfants, en faisant appel de leur refus et invoquant leur devoir alimentaire envers leurs parents”.
Citation
Le devoir alimentaire ne veut pas dire qu’il faut tout payer pour ses parents Christian Fillet , directeur de Mintus
Cela signifie-t-il que les enfants doivent tout sacrifier pour couvrir tous les frais liés aux soins de leurs parents? Même s'ils sont eux-mêmes peu fortunés? “Non, cela ne marche pas comme ça. Les plafonds de participation aux frais sont fixés légalement et font l’objet de barèmes en fonction des revenus de celui qui a un devoir alimentaire envers ses ascendants et les personnes qu’il a déjà à sa charge”. Mais si l’un des enfants du senior a des revenus supérieurs à ses frères et soeurs, doit-il compenser pour eux? “Non plus. Si le résident a par exemple trois enfants, le montant demandé à chacun ne pourra jamais excéder le tiers du montant encore dû à la maison de repos, même si les frère et soeur ne peuvent rien payer”.
“De plus, il revient à la commune de déterminer à partir de quel revenu le devoir alimentaire envers les ascendants est d’application. Il y a donc des villes qui placent ce barème tellement haut qu’en pratique, quasi personne n’est tenu à son devoir théorique. Si vous vous retrouvez malgré tout dans ce cas de figure, sachez que vous pourrez déduire cette rente alimentaire de votre déclaration d’impôts”.
Plus jamais chez le coiffeur?
Qu’en est-il des personnes âgées qui n’ont ni argent de côté, ni famille? “Alors en principe, le CPAS couvrira les frais de séjour: c’est l’ultime filet de sécurité sociale, tout comme pour les centres d’accueil de crise ou les sans-abri”. Mais qu’est-ce que le CPAS couvre vraiment? Uniquement les frais d’hébergement et médicaux, pas de coiffeur ni de pédicure quand cela est nécessaire? “Les résidents les plus précaires reçoivent mlagré tout, et c’est une obligation, une sorte d’argent de poche dont ils peuvent disposer à leur guise”.
Ce système suscite d’ailleurs une certaine ire chez les lecteurs du quotidien, qui avancent qu'il est anormal que les personnes qui n'ont pas suffisamment songé à leur avenir reçoivent finalement l’aide nécessaire en fin de vie, tandis que d’autres doivent “épuiser le capital qu'ils ont constitué à la sueur de leur front et en vivant sobrement”: “Ce sont des commentaires que je lis ou que j’entends parfois, en effet. Mais je ne peux honnêtement concevoir qu’on soit jaloux des soins de fin de vie reçus par ceux qui ont, dans l’extrême majorité des cas, vécu dans la pauvreté extrême ou en situation précaire”, conclut Christian Fillet.
[1] https://www.7sur7.be/economie/le-taux-d-inflation-annuel-devrait-depasser-les-7-en-2022-selon-le-bureau-du-plan~a2174b34/