Peut-on vraiment parler d’un génocide en Ukraine, comme Biden l’affirme?
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Que signifie vraiment le terme génocide?
Jan Wouters, professeur de droit international (KU Leuven): “Dans le cas d’un génocide, l’intention doit réellement être d’anéantir un certain groupe de population, soit partiellement, soit complètement. Cela peut se faire de plusieurs façons, par exemple en tuant les membres du groupe ou en empêchant le groupe de se reproduire. C’est ce que fait le gouvernement chinois avec les Ouïgours, qui sont soumis à un contrôle des naissances très strict et sont même obligés de se faire stériliser. Dans ce cas, on peut clairement parler d'un génocide.”
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Qui peut trancher sur le fait qu'il s’agisse ou non d'un génocide?
Wouters: “Cette intention de tuer un groupe de population est difficile à prouver. Seul un juge peut décider s’il s’agit ou non d’un génocide, le crime international le plus grave. La Cour pénale internationale de La Haye peut condamner des individus, par exemple les dirigeants qui ont donné l’ordre, pour génocide. En outre, la Cour internationale de justice, également située à La Haye, peut condamner des pays. Par exemple, la Serbie a été condamnée pour le génocide de Srebrenica (la ville de l’ex-Yougoslavie où des milliers de garçons et d’hommes musulmans ont été jetés dans une fosse commune, ndlr). Les Serbes n’avaient pas mené d’actions concrètes pour empêcher le génocide. Au-delà de ces deux tribunaux, un juge dans n’importe quel pays, et pas seulement dans le pays où les événements ont eu lieu, peut décider s’il y a ou non génocide. Mais il faut bien retenir qu’un juge doit toujours intervenir.”
Les Russes sont-ils coupables de génocide en Ukraine?
Le professeur de politique internationale Sven Biscop (UGent et Institut Egmont): “Non. Ce n’est pas un génocide. C’est une guerre. Le président russe Poutine n’a pas l’intention de tuer tous les Ukrainiens. Il veut conquérir le pays, ou du moins une partie de celui-ci. Il est vrai que des civils innocents sont tués, comme nous l’avons vu en Tchétchénie. Mais en qualifiant ces crimes de guerre de génocide, nous sapons notre propre crédibilité. Avec le temps, l’opinion publique conclura que tout cela n’est que de la propagande.”
Wouters: “Le terme ‘génocide’ est en effet utilisé trop rapidement. Par exemple, Poutine affirme que les Ukrainiens commettent un génocide contre les Russes ethniques dans l’est du pays. Ce n’est pas vrai, bien sûr, mais c’était l’une des justifications du président russe pour déclencher la guerre.”
Quels sont les crimes qui relèvent de la notion de génocide?
Wouters: “L’holocauste pendant la Seconde Guerre mondiale en fait certainement partie, mais le terme n’existait pas encore à cette époque. Ce n’est qu’en 1948 que le terme ‘génocide’ a été défini dans un traité des Nations unies. Ce qui s’est passé à Srebrenica en 1995 et ce qui se passe encore aujourd’hui pour le peuple ouïghour sont effectivement des génocides. Un autre exemple bien connu est le génocide au Rwanda en 1994".
Si les Russes ne sont pas coupables de génocide en Ukraine, pourquoi le président Biden prétend-il le contraire?
Wouters: “Biden a fait cette déclaration dans l’État américain de l’Iowa. L’automne prochain, de nouvelles élections auront lieu aux États-Unis et il est important que le président gagne des voix dans l’Iowa. Il a voulu envoyer un message fort à ses électeurs potentiels en rendant Poutine responsable des prix élevés de l’énergie et en l’accusant de tuer une nation à l’autre bout du monde.”
En accusant la Russie de génocide, que cherche-t-il à faire?
Biscop: “Le président des États-Unis sait que s’il dit quelque chose, cela sera entendu dans le monde entier. Il fait cette déclaration de manière très délibérée. Il veut être entendu. Son intention est de diaboliser la Russie, afin que davantage de pays se rangent du côté de l’Europe et des États-Unis. Mais il n’y parviendra pas. C’est une déclaration qui ne mène vraiment nulle part.”
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