« Ouf », « on n’y est pas encore », « les friteries inquiètes »… : comment la presse flamande juge l’accord budgétaire fédéral ?
([Culture et Médias, Politique] 2025-12-01 (DaarDaar))
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- News link: https://daardaar.be/rubriques/culture-et-medias/ouf-on-ny-est-pas-encore-les-friteries-inquietes-comment-la-presse-flamande-juge-laccord-budgetaire-federal/
- Source link: https://www.rtbf.be/article/ouf-on-n-y-est-pas-encore-les-friteries-inquietes-comment-la-presse-flamande-juge-l-accord-budgetaire-federal-11637467
Le gouvernement De Wever a finalement arraché un accord budgétaire lundi dernier. Un soulagement, certes, mais le gouvernement n’est certainement pas au bout de ses peines. De Het Laatste Nieuws à De Tijd, les éditorialistes flamands saluent la stabilisation politique tout en pointant les risques d’un budget fondé sur des chiffres trop optimistes. Tour d’horizon des éditoriaux du nord du pays.
La plupart des commentateurs du nord du pays poussent un « ouf » de soulagement après l’annonce de l’accord budgétaire de ce lundi. « Oef » est d’ailleurs le titre de [1]l’éditorial du journaliste Peter Mijlemans pour le quotidien Het Nieuwsblad : « Ce qu’il y a de positif avec cet accord, c’est que le gouvernement reste debout et qu’on nous épargne de nouvelles élections. Autre élément positif : ce gouvernement a pu finaliser plusieurs réformes structurelles, comme la réforme des pensions ou l’activation des malades de longue durée. »
« La tactique menée avec le roi a fonctionné. »
[2]Même son de cloche du côté du Tijd , où on retient avant tout que l’accord apporte « de la stabilité ». « Les tableaux budgétaires de Bart De Wever ressemblent presque à un second accord de gouvernement, ce qui était nécessaire », écrit Jasper D’hoore, le chef politique et économie, reprenant ainsi le narratif du Premier ministre.
Karel Verhoeven, [3]rédacteur en chef du Standaard , souligne aussi la levée d’une menace existentielle : la crainte que Bart De Wever annonce à Noël l’ingouvernabilité du pays « appartient désormais au passé ». « La tactique menée avec le roi a fonctionné », constate-t-il.
[4]Les mesures budgétaires vous paraissent compliquées? La réalité l’est encore plus…
Mais l’enthousiasme s’arrête là pour de nombreux éditorialistes. [5]Selon Bart Eeckhout du Morgen, l’accord souffre d’un mal bien connu : la Belgique n’accouche que de réformes à petits pas. Il observe que le gouvernement n’ose toujours pas aborder une réforme fiscale digne de ce nom. « Typiquement belge, on augmente ici et là quelques taxes, accises et taux de TVA, et, en échange, on fait miroiter une baisse d’impôts”, écrit-il.
Le résultat est une avancée « dans la bonne direction » : transférer la charge du travail vers la consommation. Même si, selon ce même éditorialiste en chef du Morgen, l’absence de plan clair donne aux citoyens « le sentiment d’être plumés en douce ».
Karel Verhoeven, dans De Standaard, voit dans la longueur et l’intensité des négociations un symptôme de la politique à la belge : « Même si les syndicats ne le voient pas du même œil, cet accord a été mijoté et cuit à basse température pour aboutir à une soupe d’équilibres et d’intérêts”. Avant d’ajouter que Bart De Wever devient ainsi « un Premier ministre typiquement belge, toujours en train de raboter, sans cesse en train d’ajuster ».
[6]Liliana Casagrande du Belang van Limburg va dans le même sens : avec cinq partis idéologiquement éloignés les uns des autres, « on ne dépasse pas un travail de plomberie ». Selon elle, les grandes réformes butent systématiquement sur un « refus disproportionné » si bien que le seul chemin possible reste celui de réformes progressives.
[7]La N-VA à ses sympathisants : « Pour la première fois nous rompons vraiment les transferts Nord-Sud »
Outre la diminution des dépenses publiques, le gouvernement Arizona a aussi décidé d’augmenter les recettes : hausse des accises sur le gaz ou de la TVA sur les repas à emporter et en livraison…
De nombreux journaux flamands ont d’ailleurs pris un exemple typiquement belge pour illustrer l’impact de la hausse de la TVA sur le secteur du « take away »: les friteries. [8]Le quotidien régional Het Belang van Limburg y consacre même sa une : « Les friteries sont inquiètes de la hausse de TVA : ‘Je vais devoir le répercuter sur mes prix' ».
Sur la question sensible de la répartition de l’effort, Peter Mijlemans du Nieuwsblad explique : « Comme avec les gouvernements précédents, ce sont la classe moyenne et les plus vulnérables qui paient la plus grande part. Rien dans cet accord n’est de nature à réduire durablement la dette de l’État. »
Un point de vue que ne partage pas [9]le journaliste économie de la Gazet Van Antwerpen : « Pour réaliser 9,2 milliards d’économies, chacun devra apporter sa contribution, les travailleurs comme les citoyens. De ce point de vue, l’effort d’économie se fait de manière socialement responsable. »
Sur un point, la presse flamande est unanime : les projections budgétaires reposent sur des hypothèses discutablement optimistes. Bart Eeckhout du Morgen pointe le cœur du problème : « On part du principe que l’activation des malades de longue durée rapportera soudainement « 2 milliards » ou que la lutte contre la fraude fiscale produira enfin les résultats promis. Là encore, les tableaux budgétaires sont gonflés. On verra ce qu’il reste lorsque le soufflé retombera dans les prochaines années. »
« Les tableaux budgétaires sont gonflés. On verra ce qu’il reste lorsque le soufflé retombera dans les prochaines années. »
Jasper D’Hoore, du Tijd, souligne quant à lui l’ironie de la situation : quelques semaines plus tôt, le Premier ministre dénonçait lui-même dans un discours à l’Université de Gand que l’État belge souffrait « surtout d’un problème de dépenses ». « Or, environ 60% de l’assainissement vient des économies et 40% de nouvelles recettes alors que l’accord de gouvernement prévoyait que les nouvelles recettes ne pourraient représenter qu’un neuvième des assainissements à venir », analyse le chef politique, « s’il était dans l’opposition, Bart De Wever aurait violemment critiqué un accord qui augmente encore les dépenses. »
Les éditorialistes du nord du pays estiment toutes et tous que l’accord budgétaire a le mérite d’exister et apporte une stabilité politique nécessaire, mais ils s’accordent à dire qu’il ne suffira pas à remettre la Belgique sur les rails de l’équilibre budgétaire.
Même si les promesses dans l’accord sont réalisées, la Belgique aura encore 30 milliards d’euros de dettes d’ici 2029, estime Isolde Van den Eynde du Laatste Nieuws : « Cet accord ne sort toujours pas notre pays des difficultés budgétaires. Avec un déficit de 4,2% du produit intérieur brut, objectif du gouvernement, nous ne parviendrons même pas à suivre un pays comme l’Italie. […] Toute euphorie autour de cet accord est déplacée. L’assainissement n’est pas négligeable, mais la pourriture est-elle vraiment arrêtée si l’on finit en 2029 avec une dette de 30 milliards d’euros ? »
Le rédacteur en chef du Standaard, Karel Verhoeven, va dans le même sens et ajoute : « Ce n’est pas l’opposition que Bart De Wever doit craindre, mais la capacité de son propre gouvernement à tout mettre en œuvre. »
Liliana Casagrande évoque aussi la conjoncture internationale instable dans la conclusion de son éditorial pour Het Belang van Limburg : « La véritable question cruciale reste à venir : comment Bart De Wever pourra-t-il éviter que nous ne nous retrouvions tous à payer pour les 140 milliards d’euros d’avoirs russes gelés et stockés à Bruxelles chez Euroclear ? Comparée à cet enjeu, cette opération budgétaire, c’est de la petite bière. »
[1] https://www.nieuwsblad.be/politiek/de-vrede-in-de-regering-zal-van-korte-duur-zijn.-tot-de-volgende-begrotingscontrole/107418885.html
[2] https://www.tijd.be/opinie/commentaar/miljardensanering-is-eerste-stap-niet-het-eindpunt/10637426.html
[3] https://www.standaard.be/opinies/als-hij-dit-goed-uitvoert-komt-de-wever-dan-toch-in-de-kast-der-belgische-groten-te-staan/107350840.html
[4] https://daardaar.be/rubriques/economie/les-mesures-budgetaires-vous-paraissent-compliquees-la-realite-lest-encore-plus/
[5] https://www.demorgen.be/meningen/er-is-iets-veranderd-in-de-krachtsverhoudingen-in-de-wetstraat~b3023be8/
[6] https://www.hbvl.be/politiek/de-regeringspartijen-zijn-barmhartig-geweest-voor-iedereen-ook-voor-zichzelf/107479545.html
[7] https://daardaar.be/rubriques/politique/dans-les-coulisses-des-negociations-budgetaires-avec-valerie-van-peel-presidente-de-la-n-va/
[8] https://www.hbvl.be/nieuws/worden-frietjes-van-de-frituur-duurder-klant-is-dupe-van-deze-flauwekul/107250117.html
[9] https://www.gva.be/politiek/de-vraag-van-92-miljard-is-het-begrotingsakkoord-voldoende-of-komt-er-nog-wat-op-ons-af/107481524.html
La plupart des commentateurs du nord du pays poussent un « ouf » de soulagement après l’annonce de l’accord budgétaire de ce lundi. « Oef » est d’ailleurs le titre de [1]l’éditorial du journaliste Peter Mijlemans pour le quotidien Het Nieuwsblad : « Ce qu’il y a de positif avec cet accord, c’est que le gouvernement reste debout et qu’on nous épargne de nouvelles élections. Autre élément positif : ce gouvernement a pu finaliser plusieurs réformes structurelles, comme la réforme des pensions ou l’activation des malades de longue durée. »
« La tactique menée avec le roi a fonctionné. »
[2]Même son de cloche du côté du Tijd , où on retient avant tout que l’accord apporte « de la stabilité ». « Les tableaux budgétaires de Bart De Wever ressemblent presque à un second accord de gouvernement, ce qui était nécessaire », écrit Jasper D’hoore, le chef politique et économie, reprenant ainsi le narratif du Premier ministre.
Karel Verhoeven, [3]rédacteur en chef du Standaard , souligne aussi la levée d’une menace existentielle : la crainte que Bart De Wever annonce à Noël l’ingouvernabilité du pays « appartient désormais au passé ». « La tactique menée avec le roi a fonctionné », constate-t-il.
[4]Les mesures budgétaires vous paraissent compliquées? La réalité l’est encore plus…
Un accord « typiquement belge »
Mais l’enthousiasme s’arrête là pour de nombreux éditorialistes. [5]Selon Bart Eeckhout du Morgen, l’accord souffre d’un mal bien connu : la Belgique n’accouche que de réformes à petits pas. Il observe que le gouvernement n’ose toujours pas aborder une réforme fiscale digne de ce nom. « Typiquement belge, on augmente ici et là quelques taxes, accises et taux de TVA, et, en échange, on fait miroiter une baisse d’impôts”, écrit-il.
Le résultat est une avancée « dans la bonne direction » : transférer la charge du travail vers la consommation. Même si, selon ce même éditorialiste en chef du Morgen, l’absence de plan clair donne aux citoyens « le sentiment d’être plumés en douce ».
Karel Verhoeven, dans De Standaard, voit dans la longueur et l’intensité des négociations un symptôme de la politique à la belge : « Même si les syndicats ne le voient pas du même œil, cet accord a été mijoté et cuit à basse température pour aboutir à une soupe d’équilibres et d’intérêts”. Avant d’ajouter que Bart De Wever devient ainsi « un Premier ministre typiquement belge, toujours en train de raboter, sans cesse en train d’ajuster ».
[6]Liliana Casagrande du Belang van Limburg va dans le même sens : avec cinq partis idéologiquement éloignés les uns des autres, « on ne dépasse pas un travail de plomberie ». Selon elle, les grandes réformes butent systématiquement sur un « refus disproportionné » si bien que le seul chemin possible reste celui de réformes progressives.
[7]La N-VA à ses sympathisants : « Pour la première fois nous rompons vraiment les transferts Nord-Sud »
Les friteries victimes des mesures
Outre la diminution des dépenses publiques, le gouvernement Arizona a aussi décidé d’augmenter les recettes : hausse des accises sur le gaz ou de la TVA sur les repas à emporter et en livraison…
De nombreux journaux flamands ont d’ailleurs pris un exemple typiquement belge pour illustrer l’impact de la hausse de la TVA sur le secteur du « take away »: les friteries. [8]Le quotidien régional Het Belang van Limburg y consacre même sa une : « Les friteries sont inquiètes de la hausse de TVA : ‘Je vais devoir le répercuter sur mes prix' ».
Sur la question sensible de la répartition de l’effort, Peter Mijlemans du Nieuwsblad explique : « Comme avec les gouvernements précédents, ce sont la classe moyenne et les plus vulnérables qui paient la plus grande part. Rien dans cet accord n’est de nature à réduire durablement la dette de l’État. »
Un point de vue que ne partage pas [9]le journaliste économie de la Gazet Van Antwerpen : « Pour réaliser 9,2 milliards d’économies, chacun devra apporter sa contribution, les travailleurs comme les citoyens. De ce point de vue, l’effort d’économie se fait de manière socialement responsable. »
Des estimations trop optimistes
Sur un point, la presse flamande est unanime : les projections budgétaires reposent sur des hypothèses discutablement optimistes. Bart Eeckhout du Morgen pointe le cœur du problème : « On part du principe que l’activation des malades de longue durée rapportera soudainement « 2 milliards » ou que la lutte contre la fraude fiscale produira enfin les résultats promis. Là encore, les tableaux budgétaires sont gonflés. On verra ce qu’il reste lorsque le soufflé retombera dans les prochaines années. »
« Les tableaux budgétaires sont gonflés. On verra ce qu’il reste lorsque le soufflé retombera dans les prochaines années. »
Jasper D’Hoore, du Tijd, souligne quant à lui l’ironie de la situation : quelques semaines plus tôt, le Premier ministre dénonçait lui-même dans un discours à l’Université de Gand que l’État belge souffrait « surtout d’un problème de dépenses ». « Or, environ 60% de l’assainissement vient des économies et 40% de nouvelles recettes alors que l’accord de gouvernement prévoyait que les nouvelles recettes ne pourraient représenter qu’un neuvième des assainissements à venir », analyse le chef politique, « s’il était dans l’opposition, Bart De Wever aurait violemment critiqué un accord qui augmente encore les dépenses. »
Conclusion : accord nécessaire, mais insuffisant
Les éditorialistes du nord du pays estiment toutes et tous que l’accord budgétaire a le mérite d’exister et apporte une stabilité politique nécessaire, mais ils s’accordent à dire qu’il ne suffira pas à remettre la Belgique sur les rails de l’équilibre budgétaire.
Même si les promesses dans l’accord sont réalisées, la Belgique aura encore 30 milliards d’euros de dettes d’ici 2029, estime Isolde Van den Eynde du Laatste Nieuws : « Cet accord ne sort toujours pas notre pays des difficultés budgétaires. Avec un déficit de 4,2% du produit intérieur brut, objectif du gouvernement, nous ne parviendrons même pas à suivre un pays comme l’Italie. […] Toute euphorie autour de cet accord est déplacée. L’assainissement n’est pas négligeable, mais la pourriture est-elle vraiment arrêtée si l’on finit en 2029 avec une dette de 30 milliards d’euros ? »
Le rédacteur en chef du Standaard, Karel Verhoeven, va dans le même sens et ajoute : « Ce n’est pas l’opposition que Bart De Wever doit craindre, mais la capacité de son propre gouvernement à tout mettre en œuvre. »
Liliana Casagrande évoque aussi la conjoncture internationale instable dans la conclusion de son éditorial pour Het Belang van Limburg : « La véritable question cruciale reste à venir : comment Bart De Wever pourra-t-il éviter que nous ne nous retrouvions tous à payer pour les 140 milliards d’euros d’avoirs russes gelés et stockés à Bruxelles chez Euroclear ? Comparée à cet enjeu, cette opération budgétaire, c’est de la petite bière. »
[1] https://www.nieuwsblad.be/politiek/de-vrede-in-de-regering-zal-van-korte-duur-zijn.-tot-de-volgende-begrotingscontrole/107418885.html
[2] https://www.tijd.be/opinie/commentaar/miljardensanering-is-eerste-stap-niet-het-eindpunt/10637426.html
[3] https://www.standaard.be/opinies/als-hij-dit-goed-uitvoert-komt-de-wever-dan-toch-in-de-kast-der-belgische-groten-te-staan/107350840.html
[4] https://daardaar.be/rubriques/economie/les-mesures-budgetaires-vous-paraissent-compliquees-la-realite-lest-encore-plus/
[5] https://www.demorgen.be/meningen/er-is-iets-veranderd-in-de-krachtsverhoudingen-in-de-wetstraat~b3023be8/
[6] https://www.hbvl.be/politiek/de-regeringspartijen-zijn-barmhartig-geweest-voor-iedereen-ook-voor-zichzelf/107479545.html
[7] https://daardaar.be/rubriques/politique/dans-les-coulisses-des-negociations-budgetaires-avec-valerie-van-peel-presidente-de-la-n-va/
[8] https://www.hbvl.be/nieuws/worden-frietjes-van-de-frituur-duurder-klant-is-dupe-van-deze-flauwekul/107250117.html
[9] https://www.gva.be/politiek/de-vraag-van-92-miljard-is-het-begrotingsakkoord-voldoende-of-komt-er-nog-wat-op-ons-af/107481524.html