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  ARM Give a man a fire and he's warm for a day, but set fire to him and he's warm for the rest of his life (Terry Pratchett, Jingo)

Georges-Louis Bouchez coche toutes les cases du populisme de droite radicale

([Opinions, Politique] 2025-12-01 (De Standaard))


Le politologue Fouad Gandoul trouve les dernières déclarations du président du MR très inquiétantes. Pour lui, Georges-Louis Bouchez coche désormais toutes les cases du populisme de droite radicale.

Le président du MR, Georges-Louis Bouchez, veut laisser une trace. Je le crois volontiers. Reste à savoir laquelle. Car si l’on reconstitue le puzzle des dernières semaines, ce n’est plus un repositionnement libéral classique que l’on observe. Et c’est là une rupture fondamentale. Lors de son passage dans l’émission De afspraak op vrijdag , sur VRT Canvas, il a qualifié les juges européens, qui ne font que s’acquitter de leur mission en veillant au respect du droit, d’éléments perturbateurs. Il ne s’agissait pas d’une saillie un peu musclée pour la télévision, mais d’une attaque contre l’un des piliers de la démocratie constitutionnelle. Dans un État de droit, la justice n’est ni un frein à l’action publique ni un simple commentateur, mais un contre-pouvoir indépendant. Elle limite le pouvoir exécutif précisément lorsque l’ardeur politique menace de prendre le dessus. Jeter le soupçon sur ce contre-pouvoir dès qu’il devient « gênant », c’est remettre en cause la logique des poids et contrepoids.

Et Georges-Louis Bouchez ne s’en tient pas au style. Il annonce lui-même sa nouvelle stratégie. « Le MR a changé », a-t-il lâché lors d’un entretien dans ces colonnes (le 13 décembre dernier). Son projet consiste à rassembler trois courants de droite, sur le modèle appliqué par Nicolas Sarkozy en 2007. La droite économique et pro-travail : rien que de très classique. Mais il met en avant un troisième pilier— et c’est là que se situe la rupture — en parlant de « nos traditions culturelles » et de « notre identité ». Il clôt ensuite le débat d’une formule lapidaire : « Ici, il faut être de droite sur toute la ligne. Sinon, on devient un bobo et on ne parle plus qu’à 3 % de la population. » Ce n’est plus une discussion politique, mais un test de loyauté. Celles et ceux qui apportent des nuances ou imposent des limites juridiques sont relégués au rang de « bobos », quand les autres peuvent s’autoproclamer comme « le peuple ».

[1]Analyse: pourquoi Georges-Louis Bouchez ressemble au (jeune) Bart De Wever

Il suffit de lire les communications du MR pour observer cette même logique : mises en garde contre un « effacement civilisationnel » causé par « l’immigration incontrôlée » et l’idéologie « woke » — l’« héritage judéo-chrétien » et les Lumières étant considérés non pas comme un cadre de valeurs universel, mais comme un bouclier identitaire. Ce n’est pas un modèle de citoyenneté ouvert, mais une politique de clivage en costume-cravate. Il y a pire encore : les attaques de Bouchez contre les milieux intellectuels. « Ce qui finira par tuer l’Europe, c’est la bêtise. Avec les compliments de la gauche », a-t-il ainsi affirmé en visant les professeurs qui donnent de prétendues « leçons de gauche ». C’est corrosif : il glisse du débat vers une logique antagoniste et s’attaque aux institutions du savoir, présentées comme un pouvoir illégitime.

La manœuvre la plus pernicieuse reste toutefois sa défense de personnalités telles que Jordan Bardella : « Y a-t-il quoi que ce soit, dans le discours de Jordan Bardella, qui soit interdit par la loi ? » Il s’agit là d’une erreur de catégorie majeure. Le Code pénal n’est pas une norme morale de bonne conduite démocratique. Un État de droit exige aussi, au-delà de la seule absence de condamnation pénale, la loyauté institutionnelle et le respect des droits fondamentaux.

« Y a-t-il quoi que ce soit, dans le discours de Jordan Bardella, qui soit interdit par la loi ? »

Avec une telle logique, Bouchez banalise toutes les formes de rhétorique antidémocratique. Si l’on prend un peu de recul et que l’on applique les critères définis par le politologue néerlandais Cas Mudde pour caractériser le populisme de droite radicale, Bouchez coche désormais toutes les cases : le nativisme (« l’identité » et « la tradition » érigées en armes), l’autoritarisme (fermeté, durcissement des peines) et le populisme (la sortie sur les « bobos » et le dénigrement des juges et des élites). Il affirme vouloir « laisser une trace » en changeant « les mentalités ». C’est réussi. Mais la trace qu’il dessine n’est pas celle d’un renouveau libéral : c’est la normalisation du répertoire de la droite radicale à partir du centre du pouvoir. Bouchez a franchi le Rubicon du libéralisme. Et une fois de l’autre côté, il fait comme si cette rive avait toujours été libérale.

[2]Bouchez, un pilote wallon qui communautarise la mobilité bruxelloise



[1] https://daardaar.be/rubriques/politique/analyse-pourquoi-georges-louis-bouchez-ressemble-au-jeune-bart-de-wever/

[2] https://daardaar.be/rubriques/opinions/bouchez-mobilite-bruxelles/



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