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  ARM Give a man a fire and he's warm for a day, but set fire to him and he's warm for the rest of his life (Terry Pratchett, Jingo)

Géopolitique: un armistice ne suffit pas à faire la paix

([Opinions] 2025-11-01 (De Standaard))


Le 11 novembre, nous commémorons le moment, en 1918, où l’Europe a cru que les armes se tairaient à tout jamais. Or, plus d’un siècle plus tard, la paix reste tout sauf acquise : en Ukraine, la guerre continue de faire des morts chaque jour ; à Gaza, une trêve fragile vacille ; ailleurs, des conflits oubliés se poursuivent dans l’indifférence. Parallèlement, les accords censés prévenir les guerres disparaissent : des traités sur la transparence, les inspections et la limitation des armements sont dénoncés les uns après les autres.

L’armistice de 1918 a mis fin aux tirs, mais pas à la méfiance. Le traité de Versailles comportait des dispositions sur le contrôle des armements, mais elles furent vidées de leur substance lorsque l’Allemagne se réarma. La leçon demeure : sans garanties, la paix n’est que temporaire. Chaque trêve avortée montre que l’apaisement ne peut durer que grâce à des règles claires et au courage politique. Sortir des accords, c’est rouvrir la porte à la méfiance.

Depuis la fin de la guerre froide, un réseau de traités rendait un tant soit peu prévisible la concurrence que se livraient les États en matière militaire. Or, cet édifice se délite sous nos yeux. Le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire a été annulé en 2019, la Russie a suspendu sa participation à celui sur les forces armées conventionnelles en Europe en 2023, et tant les États-Unis que la Russie se sont retirés de l’accord « Ciel ouvert », qui autorisait les États à survoler leurs territoires mutuels à des fins d’inspection et de transparence. Le traité New START, sur les armes nucléaires stratégiques, est également suspendu. Et avec l’annonce par les deux grandes puissances de nouveaux essais, même l’avenir du traité d’interdiction complète des essais nucléaires est incertain.

A relire

[1]Comparaison aux années 1930: la tentation du simplisme historique

L’absence d’accords contraignants



Pour la première fois depuis des décennies, il n’existe plus aucun cadre contraignant sur les armes nucléaires. Or, pendant ce temps, de nouvelles technologies — drones, missiles hypersoniques et armes autonomes — se développent, plus vite que les règles censées contrôler l’usage qui en est fait. L’Organisation des Nations Unies plaide depuis des années pour un « contrôle humain significatif » sur les systèmes létaux, mais aucun accord obligatoire n’a encore vu le jour. Même au sein de l’Union européenne, certains États reculent : les pays baltes et la Finlande envisagent de se retirer de la convention d’Ottawa pour pouvoir se rééquiper en mines antipersonnel.

Selon l’institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), les dépenses militaires ont atteint en 2024 le record historique de 2 718 milliards de dollars à l’échelle mondiale. En Europe, elles ont augmenté de 17 % en un an, soit la plus forte hausse depuis la guerre froide. Cette réaction face à l’agression de la Russie, aux tensions au Moyen-Orient et à l’affirmation croissante de la Chine peut se comprendre. Mais l’Europe semble miser uniquement sur la dissuasion : elle investit massivement dans de nouvelles armes, mais presque plus dans les accords qui les encadrent. Or, une stratégie fondée uniquement sur la dissuasion finit tôt ou tard par provoquer ce qu’elle prétend éviter.

Pendant la guerre froide, les inspections, les observateurs et les lignes de communication directes permettaient de préserver un minimum de confiance. Aujourd’hui, ces garde-fous disparaissent, alors même que le risque de malentendus s’accroît. Plus que jamais, de tels canaux doivent être rétablis — non par naïveté, mais par instinct de survie.

A relire

[2]14-18 : une guerre entre les Belges ?

Le rôle que la Belgique peut jouer



La Belgique n’est certes pas une grande puissance, mais elle a néanmoins un certain poids sur la scène diplomatique. Premier État à interdire les armes à sous-munitions, elle a aussi joué un rôle actif dans la convention d’Oslo, qui prohibe ce type d’armes à l’échelle mondiale. En tant que pays hôte de l’OTAN, elle peut être davantage qu’un simple décor logistique au service des rapports de force. Elle peut démontrer que sécurité et retenue vont parfois de pair : au sein de l’OTAN, en plaidant pour plus de transparence concernant les exercices, dans l’Union européenne, en soutenant des accords sur les nouvelles technologies, et à l’OSCE, en encourageant une révision des traités sur les armements conventionnels. De petits pas, certes, mais capables de dissiper une méfiance profonde.

Il est aisé de commémorer l’armistice de la Première Guerre mondiale. Bâtir la paix, en revanche, demande de la persévérance, du courage et un dialogue continu. Il s’agit d’éviter la confrontation et de créer un espace où la confiance peut prospérer. Un armistice n’est pas un aboutissement, mais le point de départ du long travail nécessaire pour faire vivre la paix.



[1] https://daardaar.be/rubriques/culture-et-medias/comparaison-aux-annees-1930-la-tentation-du-simplisme-historique/

[2] https://daardaar.be/rubriques/societe/14-18-la-guerre-entre-les-belges/



"Oh no, not again."

- A bowl of petunias on it's way to certain death.