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Quand l’eldorado luxembourgeois fait de l’ombre à l’Ostbelgien

([Economie, Politique] 2025-11-01 (GrenzEcho))


La libre circulation est à la fois une chance et un écueil pour les régions frontalières. Considérée comme une réussite européenne, elle déséquilibre de plus en plus des régions comme l’Ostbelgien, car elle ne rime pas toujours avec avantages équitables. En captant la main-d’œuvre et les travailleurs qualifiés à coups d’avantages fiscaux et sociaux ciblés, le Luxembourg crée un appel d’air économique, bénéfique pour celles et ceux qui traversent la frontière, mais délétère pour la région. Ce qui profite à l’individu affaiblit l’espace économique local.

Le modèle luxembourgeois repose sur la croissance alimentée par l’importation de main-d’œuvre. Selon l’Institut national de statistique luxembourgeois Statec, plus de 200 000 personnes en moyenne font désormais quotidiennement la navette depuis la France, l’Allemagne et la Belgique vers le Grand-Duché, et parmi eux de nombreux habitants des Cantons de l’Est. Une aubaine pour ces travailleurs et travailleuses, mais une hémorragie pour la région. Chaque personne formée en Belgique qui part travailler au Luxembourg manque potentiellement à l’appel sur le marché du travail, comme contribuable et comme maillon de l’économie locale.

Dans une interview accordée au quotidien germanophone GrenzEcho, Volker Klinges et Bernd Hugo, à la tête de l’organisation patronale AVED-IHK Ostbelgien (née de la fusion entre l’association patronale de la Communauté germanophone et la Chambre de commerce et d’industrie IHK) mettent en garde : si cette tendance se poursuit, elle menace les fondements économiques de la Communauté germanophone. En effet, une communauté qui aspire à davantage d’autonomie politique et de responsabilités a besoin d’un socle économique stable. Si l’on pousse le raisonnement à l’extrême, il faudrait presque fermer les frontières. L’idée est absurde, mais elle illustre la gravité du problème.

[1]Luc Frank, député germanophone : « Mon lobby pour l’Ostbelgien à la Chambre commence maintenant »

Pour autant, ni Volker Klinges ni Bernd Hugo ne remettent en cause la libre circulation. Il ne s’agit pas pour eux de s’isoler, mais de mettre en place des conditions équitables afin de rendre le travail en Belgique et notamment à l’est du pays (à nouveau) compétitif. Le sujet de la RN62 est devenu le symbole de ces tensions. Voilà des décennies que le contournement entre Saint-Vith et le Luxembourg alimente les querelles, sans résultat jusqu’à présent.

« La Belgique doit s’atteler à la réforme de son système fiscal pour rendre le travail plus attractif, notamment dans les régions frontalières. »

L’AVED-IHK rejette un grand tracé onéreux, car il ne ferait qu’accentuer l’attraction du marché du travail luxembourgeois. L’organisation patronale plaide plutôt pour une variante plus modeste, qui a été évaluée positivement par la Région wallonne, mais a été un échec politique dans l’Ostbelgien. Volker Klinges évoque même la résistance d’un parti, sans le nommer. Le débat autour de la RN62 montre à quel point la question luxembourgeoise imprègne désormais la politique régionale.

Mais la construction d’une route ne crée pas les conditions de la compétitivité. La Belgique doit s’atteler à la réforme de son système fiscal pour rendre le travail plus attractif, notamment dans les régions frontalières. La Communauté germanophone, quant à elle, a besoin d’une politique de développement local judicieuse, dotée d’une vision à long terme et de compétences économiques claires. Un ministre de l’Économie attitré pourrait assumer ce rôle et coordonner les questions relatives aux investissements, à l’aménagement du territoire et au marché du travail. En période de diète et de consolidation budgétaire, la gestion de ces défis aura valeur de test. Lorsque les moyens se font rares, la volonté et le discernement sont d’autant plus décisifs. Au final, c’est la capacité à définir des priorités judicieuses qui déterminera si la politique peut encore se montrer créative ou si elle se résigne à gérer la pénurie.

[2]«Ostbelgien» : vitrine efficace ou étiquette trompeuse ?



[1] https://daardaar.be/rubriques/politique/luc-frank-depute-germanophone-mon-lobby-pour-lostbelgien-a-la-chambre-commence-maintenant/

[2] https://daardaar.be/rubriques/opinions/ostbelgien-vitrine-efficace-ou-etiquette-trompeuse/



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