Combien d’argent dorment dans les caisses de grève ? Le secret le mieux gardé de Belgique
([Economie] 2025-11-01 (Het Laatste Nieuws))
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- News link: https://daardaar.be/rubriques/economie/combien-dargent-dorment-dans-les-caisses-de-greve-le-secret-le-mieux-garde-de-belgique/
- Source link: https://www.hln.be/binnenland/groter-geheim-dan-het-recept-van-coca-cola-hoeveel-zit-er-in-de-stakingskas-van-de-vakbonden~afc229fc/?referrer=https%3A%2F%2Fwww.google.com%2F
Ce lundi marque le début de trois journées consécutives de grève nationale, ce qui ne sera pas sans conséquences pour les finances des syndicats. En effet, pour indemniser les affiliés grévistes, les syndicats devront puiser dans leurs propres caisses de grève. Mais combien contiennent-elles au juste ? Il s’agit d’un des secrets les mieux gardés de Belgique. Penchons-nous sur les mystérieuses caisses de grève des syndicats.
Toute personne qui part en grève aujourd’hui, demain ou après-demain devra mettre la main à la poche : par jour de grève, un salarié accepte de ne pas toucher un 360 e de son salaire annuel. Pour une demi-journée de grève, la perte s’élève à un 720 e de revenus annuels. Et plus le salarié a accumulé de l’ancienneté, plus il y perd financièrement. Par exemple, un enseignant (célibataire) nommé qui décide de se croiser les bras cette semaine perdra par journée de grève de 51 à 71 euros. C’est ce qui ressort des calculs réalisés après une grève antérieure par la COV, la centrale flamande de l’enseignement de la CSC. À quelques centimes d’euros près, les enseignants nommés à titre provisoire perdront le même montant par journée de grève.
Mais le monde syndical a trouvé la parade depuis bien longtemps : l’indemnité de grève. Pour compenser partiellement les pertes de revenus, et surtout pour maintenir la motivation de leurs troupes, les syndicats indemnisent tous les travailleurs grévistes du pays, à condition toutefois qu’ils soient syndiqués depuis au moins six mois. Jusqu’à fin 2022, l’indemnité de grève s’élevait à 30 euros par jour. Mais vu l’énorme inflation subie les années précédentes, ce montant a été revu à la hausse. Plus une grève dure longtemps, plus l’indemnité de grève sera élevée, avec un plafond à partir de l’éventuel 41 e jour de grève consécutif. Si une grève dure aussi longtemps, voire plus encore, le gréviste devra se contenter de 307,50 euros net par semaine.
[1]Les Flamands comprennent les grévistes, beaucoup moins leurs actions
En calculant bien, on comprend rapidement que même l’indemnité de grève la plus élevée ne suffira jamais à compenser intégralement la perte d’un salaire net normal. Pourtant, et a fortiori lors de grèves générales nationales, les montants dus par les syndicats s’avèrent gigantesques. Rien que pour la récente manifestation du 14 octobre à Bruxelles, l’addition a été très salée. D’après les organisateurs, la manifestation a attiré jusqu’à 140 000 participants, c’est-à-dire des grévistes. Si l’on se base sur une indemnité de 40 euros par personne, la facture s’élève à une somme située entre 4,8 et 5,6 millions d’euros. Mais pour faire face à tous ces frais, les syndicats, tant la CSC que la FGTB et la CGSLB disposent d’une arme secrète : la caisse de grève, rebaptisée par certains « caisse de guerre ».
Un syndicaliste, sous couvert d’anonymat s’est même vanté à ce sujet dans le quotidien économique De Tijd : « Il est plus facile de se procurer la recette secrète du Coca-Cola que d’avoir un aperçu de nos caisses de grève. » Et il ne s’agit même pas d’une exagération. Combien contiennent ces caisses ? Le secret fait partie des mieux gardés du pays. Nulle part on ne retrouve d’informations chiffrées transparentes et claires à cet égard. Et c’est parfaitement légal.
Si les syndicats peuvent garder ce secret, c’est parce qu’ils ne disposent pas de personnalité juridique, expose Stijn Baert, professeur d’économie du travail à l’UGent. Contrairement aux entreprises ordinaires, ils ne peuvent en aucun cas comparaître devant un tribunal, et ils ne sont pas soumis à l’obligation de publier leur comptabilité, alors que les entreprises privées, elles, sont tenues de publier leurs comptes annuels. Le président du MR, Georges-Louis Bouchez, rêve d’ailleurs de soumettre les syndicats à une telle obligation. Ces derniers réussissent néanmoins à y échapper pour l’instant.
[2]Grévistes en Wallonie: des kékés buveurs de Cara Pils?
Nul ne songerait à dévoiler les montants contenus dans les caisses de grève. Combien la CSC possède-t-elle sur son compte ? L’information est stratégique pour le syndicat chrétien, qui ne tient vraiment pas à ce qu’elle soit rendue publique. Pour Stijn Baert, il existe une et une seule bonne raison à ce phénomène : quand on joue aux cartes, on ne montre pas sa main aux adversaires. En effet, si l’État ou les organisations patronales venaient à connaître les montants qu’il reste dans les caisses de grève des syndicats, ils pourraient immédiatement calculer combien de temps les syndicats peuvent poursuivre une grève.
Toutefois, au sein de la CSC, il est arrivé par le passé que certaines langues se délient. Au cours de l’année 2011, particulièrement agitée sur le plan social en raison de l’augmentation de l’âge de la pension, le syndicat chrétien à lui seul a dû débourser 4,17 millions d’euros d’indemnités de grève.
De Tijd a eu l’occasion, il y a quelques années, de mettre la main sur une clé de répartition importante permettant d’évaluer le montant secret. Sachant qu’en moyenne, 8,5 pour cent des cotisations d’un affilié actif sont destinés à la caisse de grève, il suffit d’analyser les chiffres d’affiliation et les cotisations des syndicats pour connaître le montant des caisses de grève. Avec environ 1,5 million d’affiliés chacune, la CSC et la FGTB sont les principaux syndicats du pays. Chez les chrétiens comme chez les socialistes, les membres paient entre 6 et 21 euros de cotisation mensuelle, en fonction de leur secteur ou de leur statut. Cela revient en moyenne à 13,50 euros par mois, soit 162 euros par an. Avec un million et demi de membres, la CSC et la FGTB encaissent donc chaque année 243 millions d’euros chacune. En utilisant la clé de répartition de 8,5 pour cent, on estime que les deux syndicats alimentent chaque année de 20,6 millions d’euros leurs caisses de grève respectives, ou plus précisément : 20 655 000 euros.
La CGSLB, le syndicat libéral, qui ne compte « que » 300 000 membres, doit se contenter de 4 millions d’euros supplémentaires dans sa caisse de grève chaque année. Tout combiné, on se rend compte que les caisses de grève des trois grands syndicats sont renflouées chaque année à hauteur de 45,2 millions d’euros. Ce montant, qui permettrait d’indemniser en théorie 1 132 965 jours de grève individuels, n’est pas du luxe. En effet, lorsque 1 affilié sur 10 (330 000 Belges) fait grève pendant une journée, cela coûte aux syndicats 13,2 millions d’euros.
[3]Faire grève trop tôt, c’est envoyer un mauvais signal
[1] https://daardaar.be/rubriques/societe/flamands-grevistes-actions/
[2] https://daardaar.be/rubriques/societe/grevistes-en-wallonie-des-kekes-buveurs-de-cara-pils/
[3] https://daardaar.be/rubriques/societe/faire-greve-trop-tot-cest-envoyer-un-mauvais-signal/
Toute personne qui part en grève aujourd’hui, demain ou après-demain devra mettre la main à la poche : par jour de grève, un salarié accepte de ne pas toucher un 360 e de son salaire annuel. Pour une demi-journée de grève, la perte s’élève à un 720 e de revenus annuels. Et plus le salarié a accumulé de l’ancienneté, plus il y perd financièrement. Par exemple, un enseignant (célibataire) nommé qui décide de se croiser les bras cette semaine perdra par journée de grève de 51 à 71 euros. C’est ce qui ressort des calculs réalisés après une grève antérieure par la COV, la centrale flamande de l’enseignement de la CSC. À quelques centimes d’euros près, les enseignants nommés à titre provisoire perdront le même montant par journée de grève.
Mais le monde syndical a trouvé la parade depuis bien longtemps : l’indemnité de grève. Pour compenser partiellement les pertes de revenus, et surtout pour maintenir la motivation de leurs troupes, les syndicats indemnisent tous les travailleurs grévistes du pays, à condition toutefois qu’ils soient syndiqués depuis au moins six mois. Jusqu’à fin 2022, l’indemnité de grève s’élevait à 30 euros par jour. Mais vu l’énorme inflation subie les années précédentes, ce montant a été revu à la hausse. Plus une grève dure longtemps, plus l’indemnité de grève sera élevée, avec un plafond à partir de l’éventuel 41 e jour de grève consécutif. Si une grève dure aussi longtemps, voire plus encore, le gréviste devra se contenter de 307,50 euros net par semaine.
[1]Les Flamands comprennent les grévistes, beaucoup moins leurs actions
Une opacité tout à fait légale
En calculant bien, on comprend rapidement que même l’indemnité de grève la plus élevée ne suffira jamais à compenser intégralement la perte d’un salaire net normal. Pourtant, et a fortiori lors de grèves générales nationales, les montants dus par les syndicats s’avèrent gigantesques. Rien que pour la récente manifestation du 14 octobre à Bruxelles, l’addition a été très salée. D’après les organisateurs, la manifestation a attiré jusqu’à 140 000 participants, c’est-à-dire des grévistes. Si l’on se base sur une indemnité de 40 euros par personne, la facture s’élève à une somme située entre 4,8 et 5,6 millions d’euros. Mais pour faire face à tous ces frais, les syndicats, tant la CSC que la FGTB et la CGSLB disposent d’une arme secrète : la caisse de grève, rebaptisée par certains « caisse de guerre ».
Un syndicaliste, sous couvert d’anonymat s’est même vanté à ce sujet dans le quotidien économique De Tijd : « Il est plus facile de se procurer la recette secrète du Coca-Cola que d’avoir un aperçu de nos caisses de grève. » Et il ne s’agit même pas d’une exagération. Combien contiennent ces caisses ? Le secret fait partie des mieux gardés du pays. Nulle part on ne retrouve d’informations chiffrées transparentes et claires à cet égard. Et c’est parfaitement légal.
Si les syndicats peuvent garder ce secret, c’est parce qu’ils ne disposent pas de personnalité juridique, expose Stijn Baert, professeur d’économie du travail à l’UGent. Contrairement aux entreprises ordinaires, ils ne peuvent en aucun cas comparaître devant un tribunal, et ils ne sont pas soumis à l’obligation de publier leur comptabilité, alors que les entreprises privées, elles, sont tenues de publier leurs comptes annuels. Le président du MR, Georges-Louis Bouchez, rêve d’ailleurs de soumettre les syndicats à une telle obligation. Ces derniers réussissent néanmoins à y échapper pour l’instant.
[2]Grévistes en Wallonie: des kékés buveurs de Cara Pils?
Des informations « stratégiques »
Nul ne songerait à dévoiler les montants contenus dans les caisses de grève. Combien la CSC possède-t-elle sur son compte ? L’information est stratégique pour le syndicat chrétien, qui ne tient vraiment pas à ce qu’elle soit rendue publique. Pour Stijn Baert, il existe une et une seule bonne raison à ce phénomène : quand on joue aux cartes, on ne montre pas sa main aux adversaires. En effet, si l’État ou les organisations patronales venaient à connaître les montants qu’il reste dans les caisses de grève des syndicats, ils pourraient immédiatement calculer combien de temps les syndicats peuvent poursuivre une grève.
Toutefois, au sein de la CSC, il est arrivé par le passé que certaines langues se délient. Au cours de l’année 2011, particulièrement agitée sur le plan social en raison de l’augmentation de l’âge de la pension, le syndicat chrétien à lui seul a dû débourser 4,17 millions d’euros d’indemnités de grève.
Une clé de calcul
De Tijd a eu l’occasion, il y a quelques années, de mettre la main sur une clé de répartition importante permettant d’évaluer le montant secret. Sachant qu’en moyenne, 8,5 pour cent des cotisations d’un affilié actif sont destinés à la caisse de grève, il suffit d’analyser les chiffres d’affiliation et les cotisations des syndicats pour connaître le montant des caisses de grève. Avec environ 1,5 million d’affiliés chacune, la CSC et la FGTB sont les principaux syndicats du pays. Chez les chrétiens comme chez les socialistes, les membres paient entre 6 et 21 euros de cotisation mensuelle, en fonction de leur secteur ou de leur statut. Cela revient en moyenne à 13,50 euros par mois, soit 162 euros par an. Avec un million et demi de membres, la CSC et la FGTB encaissent donc chaque année 243 millions d’euros chacune. En utilisant la clé de répartition de 8,5 pour cent, on estime que les deux syndicats alimentent chaque année de 20,6 millions d’euros leurs caisses de grève respectives, ou plus précisément : 20 655 000 euros.
La CGSLB, le syndicat libéral, qui ne compte « que » 300 000 membres, doit se contenter de 4 millions d’euros supplémentaires dans sa caisse de grève chaque année. Tout combiné, on se rend compte que les caisses de grève des trois grands syndicats sont renflouées chaque année à hauteur de 45,2 millions d’euros. Ce montant, qui permettrait d’indemniser en théorie 1 132 965 jours de grève individuels, n’est pas du luxe. En effet, lorsque 1 affilié sur 10 (330 000 Belges) fait grève pendant une journée, cela coûte aux syndicats 13,2 millions d’euros.
[3]Faire grève trop tôt, c’est envoyer un mauvais signal
[1] https://daardaar.be/rubriques/societe/flamands-grevistes-actions/
[2] https://daardaar.be/rubriques/societe/grevistes-en-wallonie-des-kekes-buveurs-de-cara-pils/
[3] https://daardaar.be/rubriques/societe/faire-greve-trop-tot-cest-envoyer-un-mauvais-signal/