DAZN, l’entreprise qui détient les droits de diffusion des matchs du championnat de Belgique de football, a résilié sans préavis son contrat avec la Pro League. Désormais, l’incertitude règne quant à la retransmission des rencontres comptant pour la Jupiler Pro League. DAZN continuera-t-il de les diffuser à des conditions financières revues à la baisse ? Le cas échéant, il faudra d’abord que les clubs donnent leur accord. La Pro League s’associera-t-elle à un nouveau partenaire – Telenet ou Proximus – pour retransmettre les matchs en lieu et place de DAZN ? À moins que les matchs soient diffusés gratuitement pour tout le monde jusqu’à ce qu’une solution émerge ? Cafés de supporters et fans de foot ignorent à quelle sauce ils vont être mangés et espèrent surtout que leur écran de télévision ne restera pas désespérément noir ce week-end lorsqu’ils voudront regarder le match de leur équipe favorite.

« J’étais déjà abasourdie lorsque j’ai appris combien j’allais devoir débourser tous les mois pour m’abonner à DAZN : 145 euros, ce n’est vraiment pas donné quand on sait que nous devons encore payer un abonnement chez Proximus. Nous n’avons toutefois pas hésité à mettre la main au portefeuille afin de ne pas préjudicier les nombreux fidèles supporters qui viennent regarder dans notre établissement les matchs de l’équipe pour laquelle ils vibrent », témoigne Kelly Thys, l’exploitante de Café Rinconada à Wilrijk, où le club de supporters du Beerschot De Mannekens a établi ses quartiers.

La décision de DAZN de résilier son contrat avec la Pro League fait l’effet d’une douche froide. « Les vrais supporters qui n’accompagnent pas leur équipe favorite en déplacement aiment aller regarder le match au café. Notre établissement est alors plein à craquer. C’est ces jours-là que nous réalisons nos meilleures recettes. En ce moment, mes clients ne parlent que de cela. Comment toute cette histoire va-t-elle se terminer ? Je n’en ai aucune idée ! »

« Ne pas laisser tomber mes clients »

Sur le Paardenmarkt à Anvers, le café De Broodwinning fait office depuis de nombreuses années de repaire attitré pour les amateurs de football. « Nous retransmettons le plus de matchs possible, mais c’est surtout lorsque l’Antwerp joue que nous accueillons beaucoup de monde », déclare Dave Bracke, le gérant de l’établissement. Comme les pensionnaires du Bosuil se déplacent au Club de Bruges ce dimanche, De Broodwinning devrait afficher complet. « Nous ne pouvons rien faire d’autre qu’attendre », confie Dave. « Nous ne pouvons tout de même pas monter nous-mêmes sur la pelouse et filmer le match ! »

Le gérant de De Broodwinning n’entend pas laisser tomber ses clients et espère que le brouillard qui entoure la diffusion des matchs de ce week-end va rapidement se dissiper. « Je viens encore de faire de la publicité pour le match sur Instagram. L’avenir nous dira si je devrai ou non supprimer cette publication », dit-il. « Une non-retransmission du match serait synonyme de manque à gagner pour nous, mais ce qui me préoccupe au moins autant, c’est qu’énormément de monde serait pris en otage. Des gens qui ne peuvent pas se rendre au stade pour des raisons financières et viennent voir le match ici tout en consommant deux tasses de café. Ou des personnes atteintes de déficience motrice. Il y a tout près d’ici un centre de soins résidentiels dont beaucoup de résidents viennent suivre les matchs chez nous. Pour ces personnes-là, ce serait une petite catastrophe si une solution dans ce conflit tardait à se dessiner. L’impact social ne doit pas être sous-estimé : les dégâts sont plus importants qu’on l’imagine. »

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Au ‘t Paradeske, on n’a pas pris d’abonnement et on assume cette décision

Au ’t Paradeske, ce café de Malines où nombre de supporters du KV Mechelen ont leurs habitudes, cela fait déjà pas mal de temps qu’on n’a plus de football belge à se mettre sous la dent. La propriétaire des lieux Saskia Van der Vliet a en effet décidé cette saison de ne pas souscrire d’abonnement chez DAZN. « Le prix était beaucoup trop élevé à mes yeux et j’avais entendu dire que la qualité des images n’était pas optimale. De surcroît, DAZN ne pouvait pas me garantir que les matchs de Malines seraient diffusés s’ils tombaient en concurrence avec une autre rencontre », justifie-t-elle.

« Bien entendu, ce choix a des conséquences financières pour mon commerce, car il y avait toujours beaucoup de monde qui venait voir les matchs, surtout ceux en déplacement. Ces clients-là vont désormais suivre les rencontres dans un autre café. » Saskia n’envisage de reprendre un abonnement que lorsque Telenet ou Proximus redeviendra détenteur des droits.

Chez Café Rivieren à Deurne, on ne vit que pour les Rouges et Blancs. On peut souvent y rencontrer des supporters de l’Antwerp en train de boire une bière. Et bien entendu, tous les matchs de l’équipe chère à leur coeur sont retransmis sur écran géant. « Comme la plupart de nos clients sont des supporters fanatiques qui ont coutume d’aller au stade, nous ne faisons pas toujours salle comble lorsque l’Antwerp joue », déclare la gérante Glenda Mortos, elle-même fan du plus ancien club du royaume. « Ils viennent alors surtout avant et après les matchs. C’est donc essentiellement pour faire plaisir à mes quelques clients qui ne vont pas au stade que je continue de souscrire un abonnement auprès du détenteur des droits. » La polémique déclenchée par DAZN n’empêche pas Glenda de dormir. « De toute manière, je trouvais le prix de l’abonnement un peu trop élevé et me demandais si je n’allais pas résilier le mien. »

Une fête en suspens

Plusieurs de ses clients, en revanche, se disent préoccupés. « La semaine dernière, j’ai souscrit un abonnement annuel chez DAZN », déclare Sven, qui supporte lui aussi l’Antwerp. « Je suis présent au Bosuil pour la plupart des matchs à domicile mais cet abonnement devait me permettre d’également suivre nos rencontres hors de nos bases. Ce dimanche, j’avais prévu d’organiser une fête pour quelques amis à l’occasion du déplacement de l’Antwerp à Bruges. Vu le contexte, je vais peut-être devoir annuler. » Sven compte sur la Pro League pour éclaircir la situation. Assis face à lui, son ami Gunther estime que les matchs du championnat belge devraient de nouveau être diffusés sur les chaînes publiques. « Le football redeviendrait ainsi accessible à tout le monde, car tous ces abonnements coûtent une petite fortune. »

Assis à une petite table dans un coin du café, Gommaire, son fils Joeri et leur pote Eddy savourent une bonne mousse. Eux aussi ont pris un abonnement chez DAZN. « Je pouvais me le permettre financièrement étant donné que nous nous rendons moins souvent au Bosuil qu’avant. J’ignore totalement ce qui va se passer à présent. Ces décisions ne sont de toute façon pas de notre ressort ; ce que nous voulons, nous, c’est pouvoir continuer à suivre les matchs. »

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