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  ARM Give a man a fire and he's warm for a day, but set fire to him and he's warm for the rest of his life (Terry Pratchett, Jingo)

Du mal de dos au burn-out : guide de premiers secours pour jeunes parents

([Société] 2025-10-01 (De Morgen))


Les enfants nous maintiennent jeunes, paraît-il et nous, parents, serions prêts à tout pour notre progéniture. Heureusement, car la période post-natale met notre santé à rude épreuve : tympans, dos, alimentation, mémoire, stress, sommeil, vie sociale. Quels sont les effets délétères de cette période de bouleversements sur notre corps et notre esprit ?

Mal de dos



Avoir des enfants relève du sport de haut niveau, ou à tout le moins du stage intensif de musculation : bon nombre de parents n’avaient jamais soulevé d’haltères avant de devoir porter leur bébé dans leur ventre ou dans leurs bras. Jusqu’à 90 % des femmes enceintes souffrent de maux de dos pendant la grossesse. « Elles pensent que c’est normal alors elles n’en parlent pas, » constate la scientifique Nina Goossens, spécialisée en revalidation (université de Hasselt). « Elles se disent qu’elles devraient se réjouir d’être enceintes, que seul le bébé compte. Pourtant, ces douleurs peuvent persister des années durant, parfois jusqu’à dix ans après l’accouchement, et la kiné prénatale n’est pas un luxe. »

Les partenaires ne sont pas épargnés : le mal de dos est fréquent chez eux aussi pendant le post-partum. « Porter un bébé pèse forcément sur le corps, mais ce n’est pas la seule cause : des facteurs psychologiques et sociaux jouent aussi. » Le mal de dos est aussi dû au stress et au manque de sommeil, auxquels les deux parents sont confrontés. Quant au conseil d’autrefois – « va faire une sieste ! » – il n’est plus d’actualité. « On sait aujourd’hui qu’au contraire, il faut bouger », conclut Nina Goossens.

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Stress



La psychologue Lies Clerx compare le post-partum à la rencontre avec un lion : « Avec un nourrisson, les moments de pause sont presque inexistants, le système nerveux est constamment en alerte », explique-t-elle. Pour la neuroscientifique Elke De Witte, les jeunes mères ressentent deux fois plus de stress pendant leur congé de maternité que pendant la grossesse. Un stress qui double encore lorsqu’elles reprennent le travail.

« La chute des œstrogènes après l’accouchement active la vigilance chez les mères », poursuit Lies Clerx. Si ce mécanisme est utile pour veiller sur le bébé, il rend aussi les jeunes mères plus sujettes à l’anxiété et aux variations d’humeur. Quant aux partenaires, ils vivent aussi des changements hormonaux et peuvent se sentir angoissés, surtout quand seule la maman parvient à calmer le bébé. « Cela les insécurise, alors qu’ils veulent justement soutenir leur compagne. »

Cette accumulation de micro-stress répétés peut mener à un état de tension chronique. « Le cœur bat plus vite, la tête est en ébullition, l’immunité chute et donc les rhumes et grippes sont plus fréquents », résume Lies Clerx, dans son livre « Moederziel maar nooit alleen » ( Toute seule mais jamais seule ). Que faire ? Inspirer et surtout expirer profondément peut aider. « Si l’expiration dure quelques secondes de plus que l’inspiration, on envoie au corps le message que tout va bien. Et il s’apaise presque automatiquement. »

Mémoire qui flanche



Dès la grossesse, le cerveau des futurs parents se transforme. Chez les mères comme chez les pères (ou les co-parents), certaines zones rétrécissent, sans que notre mémoire en pâtisse pour autant. « Oublions les blagues sur le cerveau des mères et la mamnésie », sourit Elke De Witte, auteure de l’ouvrage « Moederbreinmythe » (librement traduit Le mythe du « mommy brain » ). « Le cerveau se prépare à gérer l’arrivée d’un enfant, il se spécialise et devient donc plus efficace. » Ces changements affûtent les capacités d’attention et la performance des parents, ce qui profite souvent à leur retour au travail.

Pourtant, nombre d’entre eux disent avoir le cerveau embrumé : ils égarent leurs clés, cherchent leurs mots, oublient des noms. La neuroscientifique connaît bien ce phénomène de « brouillard cérébral » : « Les parents apprennent tellement de choses nouvelles que le cerveau fait le tri et élimine le superflu ». Quand cet état persiste, la fatigue ou le manque de soutien social est souvent en cause. Les scanners du cerveau montrent d’ailleurs que les performances cognitives des mères ne diffèrent pas de celles des femmes sans enfant, sauf au dernier trimestre de grossesse. À plus long terme, les parents semblent même mieux retenir : leur mémoire visuelle et verbale est meilleure que celle des adultes sans enfants.

Sommeil



Tout le monde le sait : les enfants en bas âge sont épuisants. La question la plus horripilante posée aux parents durant leurs rares moments de répit est donc souvent : « Fait-il/elle ses nuits ? » Mieux vaudrait leur demander si eux-mêmes récupèrent. Car même quand le bébé dort enfin paisiblement jusqu’au (très) petit matin, les nuits interrompues laissent des traces.

« Cela arrive à tout le monde de se réveiller la nuit », rassure le somnologue Merijn van de Laar (université de Maastricht), auteur du livre « Slapen als een oermens » (que l’on pourrait traduire par Dormir comme un homme des cavernes ). « Après avoir consolé ou nourri leur enfant, certains parents parviennent à se rendormir aussitôt, mais d’autres restent en hypervigilance et le flot des pensées se poursuit. » Qu’il faille se lever ou non, le moindre gémissement suffit parfois pour interrompre le sommeil pendant plusieurs heures.

Selon le spécialiste, inutile d’accuser l’éternel coupable – les écrans : le secret est de se coucher au bon moment. « Se mettre au lit plus tôt pour rattraper le manque de sommeil n’est pas toujours la solution : il faut d’abord accumuler assez de pression de sommeil. » Un repos insuffisant rend irritable et morose pendant la journée, et moins réactif aux signaux du bébé, ce qui augmente encore le stress… et les problèmes de sommeil.

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Mode de vie



Le manque de sommeil dérègle aussi les hormones et l’appétit, révèle Elke De Witte dans son livre. Certaines études montrent que les parents ont généralement un IMC plus élevé que les non-parents. Par ailleurs, 90 % des personnes interrogées par la scientifique disent avoir changé leurs habitudes : ils boivent et fument moins, ils manger plus régulièrement. « Les parents bougent plus que les non-parents », constate-t-elle. « Ils passent leur temps à courir derrière les enfants ! » Beaucoup se plaignent de ne plus pratiquer un sport après l’accouchement, ajoute la diététicienne Sofie De Niet. « Mais se promener, c’est aussi bouger. Si votre bébé a besoin d’air frais ou de « tummy time » (temps sur le ventre) pour muscler son cou, profitez-en pour aller en balade. »

Côté alimentation, la situation est un peu chaotique au cours des premiers mois : pour tenir le coup, bien des parents cèdent au fast-food. « Pendant la période postnatale, on passe en mode survie et l’équilibre alimentaire en prend un coup », constate Sofie De Niet. « On apprend d’abord à garder un bébé en vie, et sa propre alimentation passe au second plan. Alors, on opte pour la solution de facilité, comme les plats à emporter. »

La diététicienne n’y voit rien de blâmable. « Après l’accouchement, l’énergie devient une denrée précieuse. Les mères qui allaitent, en particulier, ont besoin d’un apport calorique accru. » Dans d’autres cultures, la famille prend le relais pendant quarante jours pour soulager les jeunes parents. « Chez nous, ce soutien structurel fait défaut. N’hésitez pas à demander à votre entourage ce dont vous avez vraiment besoin : pas un énième pyjama blanc ou rouge, mais un petit plat. » Apporter un repas plutôt qu’un cadeau serait donc le bon réflexe ? « Oui, mais surtout le plat préféré des parents ! Si, après l’accouchement, vous rêvez de frites, dites-le sans honte. Et inutile de vous culpabiliser pour ça. »

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Adieu vie sociale ?



Après la naissance, la plupart des familles se replient dans un cocon. Et c’est une bonne chose, estime Lies Clerx. Elle déconseille trop de visites, avec ou sans repas. Pourtant, plus de la moitié des jeunes mères se sentent seules après l’accouchement. Les pères aussi, souligne-t-elle : « Le bébé devient le centre du monde. Et on leur demande rarement comment ils vivent leur paternité. »

Les partenaires reprennent plus vite la vie professionnelle, ce qui les reconnecte au quotidien. « Ils enfourchent plus facilement leur vtt, chez les femmes c’est plus compliqué », note la psychologue. Contre la solitude, elle recommande paradoxalement… du temps seul. « Les mères se sentent souvent isolées, mais en réalité, elles ne le sont jamais tout à fait : leur bébé est toujours là. Se retrouver un peu avec soi-même permet de renouer avec la personne que l’on était avant. »

Autre remède : rencontrer de nouvelles personnes. Même si l’on ne parvient même pas à maintenir le contact avec son cercle d’amis ? « Créer des liens avec des personnes qui traversent la même phase de vie aide à se sentir compris. D’autant plus si ces échanges sont spontanés, à la sortie de l’école par exemple. » Lies Clerx recommande aussi les groupes de parole entre mamans et les cercles de femmes. On voit aussi émerger les retraites pour les pères et des podcasts comme Vaderklap ou De Gewortelde Man .

Attention, les oreilles !



Les pleurs d’un bébé atteignent facilement 70 à 90 décibels, entre un réveil et le bruit lors d’une fête. À cette intensité, l’exposition prolongée peut endommager l’ouïe. « Tout dépend de la dose », explique Bart Vinck, audiologue à l’université de Gand. « À 75 décibels, on tient huit heures ; à 90, le danger survient après un quart d’heure. »

Porter un bébé qui hurle près de vos oreilles peut suffire à provoquer des acouphènes. Le spécialiste en observe régulièrement chez les jeunes mères, les institutrices maternelles ou les puéricultrices. Ces symptômes ne sont toutefois jamais chroniques, contrairement à ce que l’on croit souvent. En cas de pleurs prolongés, l’audiologue recommande de mettre des bouchons et surtout de se relayer. « Comme si on s’isolait dans le calme entre deux concerts. »

Car le bruit ne fatigue pas seulement les tympans : il épuise le corps tout entier. Le rythme cardiaque, la tension et l’adrénaline montent en flèche, entraînant une fois encore stress et irritabilité. « Les vaisseaux cardiaques et sanguins sont sous pression, le système immunitaire s’affaiblit, le système nerveux sature », décrit Bart Vinck. Il constate que de plus en plus de personnes ne viennent pas le consulter pour des acouphènes, mais pour une hypersensibilité au bruit. Le meilleur bouclier : garder son calme autant que faire se peut, par exemple grâce à des exercices de respiration.

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Burn-out et dépression



Parfois, la charge de la parentalité devient trop lourde et plonge les parents dans la morosité et l’apathie. La probabilité de troubles psychiques double dans la période post-partum. Dans le monde, une mère sur cinq (17 pour cent) souffre de dépression postnatale, 7000 à 13 000 femmes par an rien qu’en Flandre. Et les chiffres réels seraient bien plus élevés : selon l’organisme britannique « National Childbirth Trust », la moitié des mères ressentent des symptômes dépressifs, mais seule la moitié d’entre elles demanderait de l’aide. La dépression post-partum peut toucher chaque femme, même si le risque est plus élevé chez celles qui ont déjà traversé un épisode dépressif.

À côté de cela, il existe aussi le burn-out parental. Les parents, pères compris donc, se retrouvent alors si épuisés que s’occuper de leurs enfants ne leur procure plus aucune énergie, mais au contraire leur en coûte. « Là où la dépression post-partum découle surtout du bouleversement hormonal et émotionnel, le burn-out parental résulte le plus souvent d’une surcharge prolongée dans le rôle de parent », explique Lies Clerx. Ce phénomène touche une famille sur douze. « Contrairement à un burn-out professionnel, on ne peut pas « prendre congé » de sa vie de famille. On se dit qu’il faut continuer malgré tout. J’espère cependant que les personnes concernées oseront davantage chercher du renfort chez les grands-parents, par exemple, pour garder les enfants. »

Outre les aspects pratiques, Lies Clerx plaide pour que la parole se libère. « Bon nombre de parent gardent beaucoup pour eux », observe-t-elle. « Les parents passés par la PMA se sentent parfois coupables d’éprouver des difficultés : je l’ai tellement voulu, maintenant que mon vœu est exaucé, tout devrait être simple. Pourtant, il est parfaitement légitime de trouver cela difficile. » La psychologue incite les parents à laisser tomber la gêne. « La honte s’amenuise une fois exprimée », cite-t-elle, reprenant les mots de la professeure Brené Brown, spécialiste de la vulnérabilité. « Parler de nos émotions, c’est déjà retrouver de l’espace pour respirer. »

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[1] https://daardaar.be/rubriques/societe/et-vous-dites-vous-pere-et-mere-ou-bien-papa-et-maman/

[2] https://daardaar.be/rubriques/societe/action-de-parents-au-parlement-flamand-les-enfants-tenus-de-rester-silencieux/

[3] https://daardaar.be/rubriques/societe/places-dans-les-creches-la-flandre-desavantage-les-familles-defavorisees/

[4] https://daardaar.be/rubriques/politique/mort-dun-bebe-dans-une-creche-pourquoi-le-ministre-en-charge-se-doit-de-demissionner/



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