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Lahav Shani, chef d’orchestre israélien, déprogrammé à Gand : retour sur la polémique

([Culture et Médias] 2025-09-01 (DaarDaar))


Un chef d’orchestre israélien déprogrammé, une pluie de critiques en Allemagne, des démissions au sein du conseil d’administration du festival… l’annulation du concert du Philharmonique de Munich à Gand dirigé par Lahav Shani a déclenché une tempête culturelle et diplomatique. Voici, jour par jour, comment on en est arrivé là.

Au départ, le 18 septembre devait être un moment marquant à l’occasion du Festival de Flandre à Gand. L’orchestre philharmonique de Munich devait jouer à la cathédrale Saint-Bavon de Gand, sous la baguette de Lahav Shani, étoile montante de la musique classique et chef d’orchestre du Philharmonique de Munich. Mais en quelques jours, le rendez-vous s’est transformé en une crise majeure qui a mené à l’annulation de la représentation. Une décision qui a suscité de nombreuses controverses, bien au-delà des frontières belges et du monde de la musique.

Lundi 8 septembre : réunion sous tension



Le conseil d’administration du Festival de Flandre se réunit à Gand. Autour de la table, onze administrateurs, parmi lesquels des représentants politiques dont la N-VA. À l’ordre du jour : le concert de l’orchestre philharmonique de Munich à la cathédrale Saint-Bavon du 18 septembre.

Sur la table, trois types de craintes apparaissent clairement. D’abord politiques, avec la demande insistante de certains administrateurs que Lahav Shani prenne position sur le rôle du gouvernement israélien à Gaza.

Ensuite sécuritaires, puisque l’organisation redoute que des groupes pro-palestiniens ne viennent perturber le concert, voire d’autres événements du festival. Enfin financières, car l’ombre du boycott culturel d’Israël, annoncé début septembre par la ministre flamande de la Culture Caroline Gennez (Vooruit), plane sur le renouvellement des subsides.

[1]Conflit israélo-palestinien: la sortie controversée de Diependaele fragilise sa coalition

Mardi 9 septembre : trois scénarios possibles



Le lendemain, nouvelle réunion, en ligne, cette fois. Trois options sont mises en avant :

Lahav Shani condamne publiquement la politique israélienne à Gaza.

L’orchestre joue avec un autre chef.

Le concert est annulé

Il n’y a pas de vote formel, mais personne ne s’y oppose.

Mercredi 10 septembre : la décision tombe



La direction du festival informe ses administrateurs : le chef d’orchestre ne fera pas de déclaration et aucun remplaçant n’est envisagé. « Scénario 3 activé : le concert est annulé », annonce-t-on par e-mail.

L’annonce fait l’effet d’une bombe, et ce au-delà de nos frontières. En Allemagne, Wolfram Weimer, le ministre de la Culture parle de « capitulation face à l’antisémitisme ». Le président allemand Frank-Walter Steinmeier dénonce une décision « évidemment antisémite ». La polémique sort des cercles culturels et devient affaire d’État.

Samedi 13 septembre : Bart De Wever va en Allemagne pour afficher son soutien au chef d’orchestre



Le Premier ministre flamand Bart De Wever (N-VA) assiste à un concert de Lahav Shani… à Essen, en Allemagne. Une provocation pour certains, un geste de solidarité pour d’autres. « Interdire à quelqu’un d’exercer sa profession uniquement en raison de son origine est irresponsable », lâche-t-il.

Son voyage fait grincer des dents, notamment chez Conner Rousseau, le président de Vooruit : « Si le Premier ministre veut passer des heures en voiture pour aller voir un concert classique en Allemagne, c’est son choix. Mais j’espère qu’après aujourd’hui, on pourra mettre fin à tout ce cirque, parce que je ne crois pas que les Flamands attendent cela ni qu’ils en sortent gagnants. »

Lundi 15 septembre : la pression monte



Alors que les critiques s’accumulent, sponsors et organisations juives interpellent les partenaires du festival. Ils dénoncent une « discrimination sur base de la nationalité ».

En parallèle, la cathédrale Saint-Bavon confirme que la salle reste disponible « si la décision devait être revue ». Mais du côté du conseil d’administration, rien ne bouge.

Membre du Conseil d’administration du festival et bourgmestre d’Alost, Christoph D’Haese (N-VA) s’exprime dans les médias flamands pour contester la prise de décision et indique que si le concert était effectivement annulé, il démissionnerait de son poste.

Nuit du lundi 15 au mardi 16 septembre : pas de retour en arrière



Réunion marathon. Malgré la tempête médiatique, le conseil confirme l’annulation dans la nuit. « La décision n’est pas liée à la nationalité de Lahav Shani », assure le festival, mais au fait qu’il n’aurait pas pris position sur Gaza.

Mardi 16 septembre : démissions en série et Bart De Wever hausse le ton



Christoph D’Haese (N-VA), claque la porte du conseil d’administration : « C’est de la pure folie de demander à chaque artiste une position politique », dit-il. Quelques heures plus tard, Annemie Charlier (N-VA) suit le mouvement. Tous deux dénoncent une « discrimination par origine » et une « atteinte à la réputation de la Flandre ».

La ministre flamande de la Culture Caroline Gennez (Vooruit) tente d’apaiser le jeu : « Pour moi, le dossier est clos. Concentrons-nous sur la préparation de la déclaration de septembre du gouvernement flamand. » Mais elle insiste : « Le racisme ne doit jamais être banalisé. »

Ses propos ne calment pas les critiques venues d’Allemagne comme de Belgique. À la Chambre, Bart De Wever dénonce une décision « antisémite et perçue comme ça en Allemagne » : « Les Allemands sont vraiment furieux et à juste titre. Les dégâts pour notre pays sont énormes. Dire qu’un orchestre allemand n’est pas le bienvenu en Belgique parce que le dirigeant est israélien, c’est quand même inacceptable dans une démocratie et un Etat de droit. »

Et maintenant ? Les opinions fusent



Le concert reste donc bel et bien annulé, les positions figées, les dégâts diplomatiques bien réels, selon le Premier ministre. Au nord et au sud du pays, des opinions sur la polémiques sont diffusées.

Dans un billet publié dans De Standaard et traduit par DaarDaar, le directeur artistique du Théâtre royal flamand (KVS) estime par exemple que la virulence du débat prouve l’efficacité du boycott culturel : « L’indignation morale après la déprogrammation du chef d’orchestre israélien au festival de Gand est sélective, estime Michael De Cock. Après l’invasion russe de l’Ukraine, tout le monde semblait reconnaître la nécessité d’un boycott culturel. Soudainement, la culture intéresse tout le monde. Qui l’eût cru ? »

Une chose est sûre : ce qui devait être un moment musical d’exception restera comme l’un des plus gros scandales culturels qu’ait connu la Flandre ces dernières années.

[2]Lahav Shani déprogrammé du festival de Gand : la virulence du débat prouve l’efficacité du boycott



[1] https://daardaar.be/rubriques/politique/conflit-israelo-palestinien-la-sortie-controversee-de-diependaele-fragilise-sa-coalition/

[2] https://daardaar.be/rubriques/culture-et-medias/lahav-shani-deprogramme-du-festival-de-gand-la-virulence-du-debat-prouve-lefficacite-du-boycott/



If some people didn't tell you, you'd never know they'd been away on vacation.