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  ARM Give a man a fire and he's warm for a day, but set fire to him and he's warm for the rest of his life (Terry Pratchett, Jingo)

Qui est Filip Dewinter, ce député Vlaams Belang autorisé à se balader en rue armé?

([Politique] 2025-09-01 (DaarDaar))


Ils ne sont qu’une quinzaine en Belgique à avoir obtenu le droit rarissime de porter une arme en rue. Parmi eux, Filip Dewinter, député flamand du Vlaams Belang. Portrait de ce représentant de la vieille garde de l’extrême droite flamande qui ne loupe pas une occasion de provoquer.

Une vidéo envoyée au quotidien flamand HLN suscite la polémique au nord du pays. [1]Sur les images , on peut voir une arme à feu glissée à l’arrière du pantalon de Filip Dewinter, ténor du Vlaams Belang, alors qu’il discute devant la porte du secrétariat du parti à Anvers.

“Une scène digne d’un film de gangsters”, selon l’auteur de la vidéo. « Il s’agit d’un Glock 9 millimètres. Étonnant que quelqu’un l’ait remarqué, car ce n’est normalement pas visible. Quand je sors de ma voiture, il se peut qu’on en aperçoive un instant, mais en principe, je le porte discrètement dans un étui sous mes vêtements”, [2]confirme l’intéressé auprès des collègues de HLN .

[3]Filip Dewinter se balade armé : l’exception qui inquiète

►►► CLIQUEZ POUR DÉROULER : Le port d’armes : une législation stricte

En Belgique, le port d’armes par des civils est extrêmement rare. Seules certaines catégories comme les policiers ou, dans des circonstances particulières, les agents de sécurité privée, peuvent y être autorisées. « Que des citoyens puissent porter une arme dans l’espace public, c’est exceptionnel », indique Nils Duquet, directeur de l’Institut flamand de la paix.

La loi prévoit des raisons limitées pour posséder une arme : la chasse, le tir sportif ou, plus exceptionnellement, la défense personnelle. Dans ce dernier cas, il faut démontrer des menaces sérieuses et répétées. « On compte 15 personnes dans ce cas en Belgique. On doit alors pouvoir prouver qu’on a déjà été gravement menacé et qu’aucune autre solution de protection n’a fonctionné », souligne le spécialiste des politiques sur les armes. Le gouverneur de province, après avis du procureur du Roi, tranche sur la demande de port d’arme.

Militant nationaliste dès l’adolescence



Mais pourquoi Filip Dewinter fait-il partie de ces 15 citoyens belges autorisés à porter une arme dans l’espace public pour assurer leur propre défense ? Ses prises de position anti-islam, provocatrices et d’extrême droite lui valent régulièrement insultes, menaces et même des projets d’attentats avortés. Il a d’ailleurs été souvent placé sous protection policière. Pour mieux comprendre le contexte, un portrait de celui qui incarne la « ligne dure » du Vlaams Blok/Belang s’impose.

Né à Bruges en 1962, Filip Dewinter s’engage pour la cause flamingante dès son adolescence : à 16 ans, il fonde à Bruges le groupe étudiant flamingant Vlaamse Scholieren Actie Groep, rapidement rebaptisée Nationalistisch JongStudentenVerbond avec son ami Frank Vanhecke (qui deviendra aussi président du Vlaams Blok par la suite).

Après un passage éclair au Vlaamse Volkspartij, il rejoint dès 1981 le Vlaams Blok, poussé par son mentor Karel Dillen. Entre-temps, il s’installe à Anvers pour étudier les sciences politiques et devient président de la section locale du NSV, un cercle d’étudiants flamingants d’extrême droite.

Dans les années 80, la lutte entre NSV et antifascistes est intense, témoigne Filip Dewinter au magazine Wilfried : « Entre nous, il n’y avait pas la moindre relation, même hostile, seulement de la confrontation. On se battait vraiment, ce n’était pas du cinéma, on était à la limite de la révolution. »

[4]Le Vlaams Belang osera-t-il exclure Dewinter après une photo derrière un drapeau fasciste?

En route vers le 1er dimanche noir



Filip Dewinter gravit rapidement les échelons du Vlaams Blok. Élu conseiller provincial en 1985, il devient ensuite le premier président de Vlaams Blok Jongeren. En 1987, à l’âge de 25 ans, il devient le plus jeune député fédéral et un visage incontournable du mouvement nationaliste flamand. En parallèle, il participe à la structuration idéologique et organisationnelle du Vlaams Blok.

C’est sous son impulsion que le parti fait de l’immigration son principal cheval de bataille. Inspiré par Jean-Marie Le Pen, Filip Dewinter plaide pour une ligne dure contre la criminalité et l’immigration.

Arborant des gants de boxes et scandant des slogans chocs tels que “Uit zelfverdediging” (“Par légitime défense”) et surtout “Eigen volk eerst” (“Notre peuple d’abord”), il réussit à capter les angoisses liées à l’immigration et à la criminalité, imposant durablement ces thèmes dans le débat public.

Le 24 novembre 1991 reste alors gravé dans l’histoire politique belge comme le « dimanche noir », jour où le Vlaams Blok réalisa une percée électorale spectaculaire en décrochant plus de 10% des voix à la Chambre, doublant son nombre de sièges.

Cette première victoire s’explique en grande partie par la campagne offensive menée à Anvers par Filip Dewinter. Un an plus tard, il cosignera avec Gerolf Annemans le controversé “plan en 70 points”, qui devait être « la réponse au problème des étrangers ».

Ses positions populistes et d’extrême droite nourrissent le succès électoral du Vlaams Blok, notamment à Anvers où il en fait la première force politique en 1994 et 2000 avec respectivement 28% et 33% des voix.

[5]Tom Van Grieken (VB) : « Notre programme n’a pas changé, il fallait juste le présenter différemment »

De Poutine à la Chine… l’homme au bras long



Nationaliste de la première heure, Filip Dewinter a réussi à se créer un large réseau de connexions à l’internationale. Au cours de sa carrière, le Flamand est par exemple allé boire le thé avec l’ancien dictateur syrien Bashar el-Assad ou avec des représentants de l’Aube dorée, parti grec néonazi démantelé en 2020 après avoir été condamné pour organisation criminelle.

Le flamingant a également été invité à plusieurs reprises à la Douma, la chambre basse de l’assemblée parlementaire russe. Il a pu y rencontrer son président de l’époque Sergueï Narychkine, l’actuel directeur du Service des renseignements extérieurs.

[6]Dans le magazine Wilfried , il déclare avoir longtemps cultivé des liens avec les nationalistes d’Europe de l’Est et de Russie. Admirateur déclaré de Vladimir Poutine, il voyait Moscou comme un allié « dans la défense de notre identité européenne contre l’islam ». Mais l’invasion de l’Ukraine semble, d’apparence, avoir brisé cette conviction : « Je me suis trompé. Poutine est passé de nationaliste à impérialiste. »

Filip Dewinter a non seulement noué des contacts en Russie, mais aussi en Chine, comme le révèle une enquête d’Apache et Humo en 2024. Les journalistes ont retrouvé des notes de frais et des courriers prouvant ses contacts étroits avec l’espion chinois Changchun Shao, expulsé en 2017. Dîners avec des eurodéputés, organisation de visites de délégations chinoises et correspondances où il se présentait comme « senior political advisor » montrent l’ampleur de ces liens.

[7]Espionnage chinois : Dewinter et le VB ont des comptes à rendre

Le roi de la provoc’



Tout au long de sa carrière, Filip Dewinter recherche la controverse. Pendant des années, le même scénario s’est répété : il provoque, et en retour, il reçoit de nombreuses menaces. Il lui est d’ailleurs arrivé de faire régulièrement l’objet de protection rapprochée de la police.

Le politicien d’extrême droite a également été la cible d’un projet d’attentat terroriste. En 2006, l’organisation néonazie BBET, dirigée par Tomas Boutens, a préparé un projet d’attentat terroriste contre Filip Dewinter et contre Dyab Abou Jahjah. Le but étant, dans une perspective accélérationniste, de hâter une forme de chaos pour arriver à un régime autoritaire et animé par une idéologie fasciste.

Avant les élections de mai 2014, Filip Dewinter avait lancé un jeu en ligne controversé intitulé « Moins, moins, moins », dont le but était d’éliminer virtuellement des criminels et terroristes musulmans à l’aide d’une batte. En réaction, une page Facebook titrée « Je porte plainte contre Dewinter » avait été créée. Kaoutar B. avait appelé sur son compte Facebook à ne pas porter plainte, mais plutôt à suivre l’exemple de l’extrémiste musulman néerlandais qui a assassiné Theo Van Gogh en 2004.

[8]Château gonflable, slogans nazis… comment se passe une journée à la grand-messe de l’extrême droite flamande?

En 2015, l’année des attentats contre Charlie Hebdo, la figure de proue du Vlaams Belang à Anvers organise une exposition consacrée aux caricatures de Mahomet en juillet de la même année. Cet événement était placé sous très haute surveillance : trois combis et une dizaine de policiers surveillaient le bâtiment. Les visiteurs ont fait l’objet de fouilles au corps et de contrôle d’identité avant de pouvoir pénétrer dans le secrétariat du Vlaams Belang anversois.

À deux reprises (2017 et 2022), Filip Dewinter invite Geert Wilders pour un « safari de l’islam » à Molenbeek et dans d’autres communes bruxelloises. Interdits de présence sur la commune par la bourgmestre, les deux hommes ont dû s’en tenir à une conférence de presse à l’intérieur.

Ce mois-ci encore, le politicien nationaliste s’est encore attiré les foudres en participant à la manifestation anti-immigration « Unite the Kingdom » à Londres, où il a mis en garde contre les « dangers de l’islam » et une prétendue islamisation de la société. Son discours a suscité une vague de messages haineux et de menaces de mort sur les réseaux sociaux, certains faisant référence au récent meurtre de l’activiste conservateur américain Charlie Kirk.

Contacté pour une interview, Filip Dewinter n’a pas donné suite à notre demande.

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[1] https://www.hln.be/binnenland/filip-dewinter-vlaams-belang-op-straat-gespot-met-pistool-ik-heb-al-jaren-een-draagvergunning~abb79036/

[2] https://www.hln.be/binnenland/filip-dewinter-vlaams-belang-op-straat-gespot-met-pistool-ik-heb-al-jaren-een-draagvergunning~abb79036/

[3] https://daardaar.be/rubriques/politique/filip-dewinter-se-balade-arme-lexception-qui-inquiete/

[4] https://daardaar.be/rubriques/societe/le-vlaams-belang-osera-t-il-exclure-de-winter-apres-une-photo-derriere-un-drapeau-fasciste/

[5] https://daardaar.be/rubriques/politique/notre-programme-na-pas-change-il-fallait-juste-le-presenter-differemment/

[6] https://www.wilfriedmag.be/numeros/wilfried-n18-europa-europa/

[7] https://daardaar.be/rubriques/politique/espionnage-chinois-dewinter-et-le-vb-ont-des-comptes-a-rendre/

[8] https://daardaar.be/rubriques/culture-et-medias/chateau-gonflable-slogans-nazis-comment-se-passe-une-journee-a-la-grand-messe-de-lextreme-droite-flamande/



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no legitimacy.
-- Albert Einstein