La fin sans gloire de Pieter De Crem
([Politique] 2025-09-01 (Het Nieuwsblad))
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- News link: https://daardaar.be/rubriques/politique/la-fin-sans-gloire-de-pieter-de-crem/
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En quittant sa fonction de bourgmestre, Pieter De Crem, 63 ans, met définitivement fin à sa carrière politique. Suite aux pressions de son parti, le CD&V, il a préféré prendre les devants et rendre son tablier.
Pieter De Crem, bourgmestre d’Aalter et ancien ténor de la politique belge, s’est sauvé la face en annonçant sa démission hier après-midi. Après l’audit de vendredi, le CD&V a mis la pression sur l’élu en interne. Le parti confirme que des contacts ont été pris.
Le message avait déjà été annoncé avant l’été par le président du parti, Sammy Mahdi, dans une interview donnée à l’hebdomadaire gratuit De Zondag après les révélations de l’émission Pano, sur la VRT. Le reportage était parvenu à démontrer que dans 9 cas sur 10, Aalter faisait attendre plus longtemps les personnes étrangères et d’origine étrangère désireuses de s’enregistrer dans la commune. « Ceci va à l’encontre de l’ADN du CD&V, avait réagi Mahdi sans ambages. Je peux être très dur, y compris en matière d’immigration, mais en même temps, je suis sensible à la discrimination. Je suis le fils d’une mère flamande et d’un père irakien. Lorsque mes parents cherchaient un appartement à louer, il est arrivé que l’on refuse l’accès à mon père en raison de son nom étranger. »
[1]À Aalter, le bourgmestre CD&V fait la chasse aux étrangers
Vendredi dernier, lorsqu’Audit Vlaanderen a confirmé dans son rapport qu’il était effectivement question de discrimination systématique et que De Crem en était personnellement responsable, Mahdi a immédiatement convoqué la commission déontologique de son parti. En d’autres termes : De Crem allait se faire éjecter du CD&V. Simultanément, la ministre flamande de l’Intérieur Hilde Crevits, du même parti, a entamé une procédure de discipline. Elle avait averti d’emblée : « Par sanction disciplinaire, j’entends une suspension ou une destitution. » Et rien de moins, apparemment.
Hier après-midi, De Crem a opté pour la fuite en avant par le biais d’un communiqué. Selon le CD&V Aalter, il arrête totalement la politique locale, y compris comme conseiller communal. Ce faisant, il met fin à la procédure de discipline entamée par Hilde Crevits, mais cela n’empêche pas une éventuelle procédure judiciaire. En effet, le Parquet de Flandre orientale mène toujours une enquête pour discrimination.
Nous ne savons pas encore si De Crem restera membre du parti (aujourd’hui, nous savons qu’il a quitté le CD&V, NDLR). Nous ignorons encore tout de ce qu’il adviendra de ses autres fonctions, car De Crem est encore commissaire général du pavillon belge à l’exposition universelle du Japon, et il siège au conseil d’administration d’Elia, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité à haute tension. Concernant le pavillon belge, le ministre compétent David Clarinval (MR) s’est contenté de déclarer : « Nous n’avons rien à reprocher à M. De Crem dans sa gestion du dossier Belexpo. » Quoi qu’il en soit, l’exposition universelle se déroulera le mois prochain.
Dans sa communication, De Crem ne s’incline pas et ne présente pas la moindre excuse. Au contraire, il met surtout en évidence son implication dans sa fonction de bourgmestre d’Aalter : « Pendant trente ans, jour et nuit, je me suis investi corps et âme pour notre magnifique commune, pour son bien être, sa prospérité et sa sécurité. Une commune où il fait bon vivre pour tout le monde. » Pour justifier sa démission, il invoque « la continuité de la gestion et le retour de la sérénité. »
Ce faisant, De Crem s’en va comme il a toujours agi en politique : persuadé d’avoir raison, sans détour et sans éviter la controverse. Sa carrière politique, il l’a commencée il y a trente ans. Sur le plan national, il est très vite passé de parlementaire à Crembo, surnom qui mêle De Crem et Rambo, reçu en raison de ses interventions tranchantes. À Aalter, il a pris ses quartiers au Cremlin, l’imposante maison communale édifiée par son prédécesseur. Son prédécesseur qui n’était autre que Jan De Crem, bourgmestre de 1959 à 1994, et dont le fils a perpétué la dynastie ces trente dernières années. Pieter De Crem a obtenu une majorité absolue à chaque élection, avec des résultats qui dépassaient les 60 pour cent. Il fut également l’un des derniers membres du CD&V à se présenter en cartel avec la N-VA, quitte à désobéir aux consignes du parti. L’année passée, il s’est présenté pour la première fois sans la N-VA et a perdu sa majorité absolue, ce qui n’a pas empêché les deux partis de former une coalition.
[2]L’orbanisation guette les partis flamands de centre droit
Pieter De Crem dirigeait Aalter sans réel contradicteur. Il agissait à la manière du chef du village gaulois d’Astérix. Lorsque des fonctionnaires fédéraux se rendaient à Aalter avec des recommandations ou de nouveaux règlements, ils étaient reçus comme les Romains par les Gaulois : il n’en faisait qu’à sa tête. Pendant des années, Groen (auparavant Agalev) n’a eu de cesse de combattre De Crem. Jef Tavernier dans un premier temps, puis la cheffe de groupe actuelle au Parlement flamand, Mieke Schauvliege. Sans grand succès, du moins jusqu’à ce que l’émission Pano fasse vaciller le bourgmestre au mois de mars.
Ainsi finit la carrière locale de De Crem. Une fin aussi peu glorieuse que celle de sa carrière nationale quelques années auparavant. Son dernier mandat fédéral fut celui de secrétaire d’État au Commerce extérieur au sein du gouvernement Michel, avant de pouvoir garder au chaud, de 2018 à 2020, le siège de ministre de l’Intérieur en affaires courantes. Son secrétariat d’État fut caractérisé par des controverses. En 2015, Bart De Wever, président de la N-VA et donc membre de la majorité à l’époque, avait résumé la situation en une seule phrase : « Je me pose une question, et je suis loin d’être le seul : comment cet homme remplit-il ses journées ? » La compétence du commerce extérieur avait été en grande partie transférée aux régions, et De Crem se faisait plus que discret. Un an plus tard, le secrétaire d’État a jeté lui-même de l’huile sur le feu en allant suivre, à titre personnel mais en pleine année parlementaire, un cursus de six semaines à Harvard.
Pour lui, le secrétariat d’État représentait une dégradation, après ses années de gloire nationale entre 2007 et 2014. Il fut pendant ces années le zélé ministre de la Défense des gouvernements Leterme et Di Rupo, et même vice-premier ministre. Il a dû réaliser des économies drastiques, notamment en fermant 23 casernes. Et en même temps, c’était un Theo Francken avant la lettre, tant il aimait montrer le côté combatif de l’armée et s’affirmer en fidèle défenseur de l’OTAN. Il se faisait volontiers photographier dans des tanks et devant du matériel militaire. Il fut également impliqué dans une bagarre lors d’une soirée arrosée en pleine mission à New York. Une serveuse flamande présente sur les lieux, a décrit la scène sur un blog en ligne, après quoi elle se serait fait licencier sous la pression du cabinet De Crem.
De Crem appartenait à l’aile droite du CD&V. Pour les questions éthiques, il se montrait conservateur, flamingant et partisan d’une approche répressive du maintien de l’ordre. Au sein de son parti, il s’est isolé, au fur et à mesure. Pour les élections de 2019, il a perdu son duel contre Kris Peeters pour la tête de liste européenne. Puis il quitta le Parlement. Par la suite, sa seule contribution au niveau national fut une tentative ouverte d’empêcher la participation du CD&V à la coalition Vivaldi en 2020.
Il s’est alors complètement retiré dans son Cremlin, là où, selon son communiqué, son cœur « a toujours battu », y compris lorsqu’il jouait les premiers rôles au niveau national. Et l’ex-bourgmestre d’ajouter : « Vous savez que j’ai toujours servi dignement notre pays et notre commune. » Sans ironie.
[1] https://daardaar.be/rubriques/politique/a-aalter-le-bourgmestre-cdv-fait-la-chasse-aux-etrangers/
[2] https://daardaar.be/rubriques/politique/lorbanisation-guette-partis-flamands-de-centre-droit/
Pieter De Crem, bourgmestre d’Aalter et ancien ténor de la politique belge, s’est sauvé la face en annonçant sa démission hier après-midi. Après l’audit de vendredi, le CD&V a mis la pression sur l’élu en interne. Le parti confirme que des contacts ont été pris.
Responsabilité
Le message avait déjà été annoncé avant l’été par le président du parti, Sammy Mahdi, dans une interview donnée à l’hebdomadaire gratuit De Zondag après les révélations de l’émission Pano, sur la VRT. Le reportage était parvenu à démontrer que dans 9 cas sur 10, Aalter faisait attendre plus longtemps les personnes étrangères et d’origine étrangère désireuses de s’enregistrer dans la commune. « Ceci va à l’encontre de l’ADN du CD&V, avait réagi Mahdi sans ambages. Je peux être très dur, y compris en matière d’immigration, mais en même temps, je suis sensible à la discrimination. Je suis le fils d’une mère flamande et d’un père irakien. Lorsque mes parents cherchaient un appartement à louer, il est arrivé que l’on refuse l’accès à mon père en raison de son nom étranger. »
[1]À Aalter, le bourgmestre CD&V fait la chasse aux étrangers
Vendredi dernier, lorsqu’Audit Vlaanderen a confirmé dans son rapport qu’il était effectivement question de discrimination systématique et que De Crem en était personnellement responsable, Mahdi a immédiatement convoqué la commission déontologique de son parti. En d’autres termes : De Crem allait se faire éjecter du CD&V. Simultanément, la ministre flamande de l’Intérieur Hilde Crevits, du même parti, a entamé une procédure de discipline. Elle avait averti d’emblée : « Par sanction disciplinaire, j’entends une suspension ou une destitution. » Et rien de moins, apparemment.
Hier après-midi, De Crem a opté pour la fuite en avant par le biais d’un communiqué. Selon le CD&V Aalter, il arrête totalement la politique locale, y compris comme conseiller communal. Ce faisant, il met fin à la procédure de discipline entamée par Hilde Crevits, mais cela n’empêche pas une éventuelle procédure judiciaire. En effet, le Parquet de Flandre orientale mène toujours une enquête pour discrimination.
Nous ne savons pas encore si De Crem restera membre du parti (aujourd’hui, nous savons qu’il a quitté le CD&V, NDLR). Nous ignorons encore tout de ce qu’il adviendra de ses autres fonctions, car De Crem est encore commissaire général du pavillon belge à l’exposition universelle du Japon, et il siège au conseil d’administration d’Elia, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité à haute tension. Concernant le pavillon belge, le ministre compétent David Clarinval (MR) s’est contenté de déclarer : « Nous n’avons rien à reprocher à M. De Crem dans sa gestion du dossier Belexpo. » Quoi qu’il en soit, l’exposition universelle se déroulera le mois prochain.
La fin d’une dynastie
Dans sa communication, De Crem ne s’incline pas et ne présente pas la moindre excuse. Au contraire, il met surtout en évidence son implication dans sa fonction de bourgmestre d’Aalter : « Pendant trente ans, jour et nuit, je me suis investi corps et âme pour notre magnifique commune, pour son bien être, sa prospérité et sa sécurité. Une commune où il fait bon vivre pour tout le monde. » Pour justifier sa démission, il invoque « la continuité de la gestion et le retour de la sérénité. »
Ce faisant, De Crem s’en va comme il a toujours agi en politique : persuadé d’avoir raison, sans détour et sans éviter la controverse. Sa carrière politique, il l’a commencée il y a trente ans. Sur le plan national, il est très vite passé de parlementaire à Crembo, surnom qui mêle De Crem et Rambo, reçu en raison de ses interventions tranchantes. À Aalter, il a pris ses quartiers au Cremlin, l’imposante maison communale édifiée par son prédécesseur. Son prédécesseur qui n’était autre que Jan De Crem, bourgmestre de 1959 à 1994, et dont le fils a perpétué la dynastie ces trente dernières années. Pieter De Crem a obtenu une majorité absolue à chaque élection, avec des résultats qui dépassaient les 60 pour cent. Il fut également l’un des derniers membres du CD&V à se présenter en cartel avec la N-VA, quitte à désobéir aux consignes du parti. L’année passée, il s’est présenté pour la première fois sans la N-VA et a perdu sa majorité absolue, ce qui n’a pas empêché les deux partis de former une coalition.
[2]L’orbanisation guette les partis flamands de centre droit
Pieter De Crem dirigeait Aalter sans réel contradicteur. Il agissait à la manière du chef du village gaulois d’Astérix. Lorsque des fonctionnaires fédéraux se rendaient à Aalter avec des recommandations ou de nouveaux règlements, ils étaient reçus comme les Romains par les Gaulois : il n’en faisait qu’à sa tête. Pendant des années, Groen (auparavant Agalev) n’a eu de cesse de combattre De Crem. Jef Tavernier dans un premier temps, puis la cheffe de groupe actuelle au Parlement flamand, Mieke Schauvliege. Sans grand succès, du moins jusqu’à ce que l’émission Pano fasse vaciller le bourgmestre au mois de mars.
Déclin
Ainsi finit la carrière locale de De Crem. Une fin aussi peu glorieuse que celle de sa carrière nationale quelques années auparavant. Son dernier mandat fédéral fut celui de secrétaire d’État au Commerce extérieur au sein du gouvernement Michel, avant de pouvoir garder au chaud, de 2018 à 2020, le siège de ministre de l’Intérieur en affaires courantes. Son secrétariat d’État fut caractérisé par des controverses. En 2015, Bart De Wever, président de la N-VA et donc membre de la majorité à l’époque, avait résumé la situation en une seule phrase : « Je me pose une question, et je suis loin d’être le seul : comment cet homme remplit-il ses journées ? » La compétence du commerce extérieur avait été en grande partie transférée aux régions, et De Crem se faisait plus que discret. Un an plus tard, le secrétaire d’État a jeté lui-même de l’huile sur le feu en allant suivre, à titre personnel mais en pleine année parlementaire, un cursus de six semaines à Harvard.
Pour lui, le secrétariat d’État représentait une dégradation, après ses années de gloire nationale entre 2007 et 2014. Il fut pendant ces années le zélé ministre de la Défense des gouvernements Leterme et Di Rupo, et même vice-premier ministre. Il a dû réaliser des économies drastiques, notamment en fermant 23 casernes. Et en même temps, c’était un Theo Francken avant la lettre, tant il aimait montrer le côté combatif de l’armée et s’affirmer en fidèle défenseur de l’OTAN. Il se faisait volontiers photographier dans des tanks et devant du matériel militaire. Il fut également impliqué dans une bagarre lors d’une soirée arrosée en pleine mission à New York. Une serveuse flamande présente sur les lieux, a décrit la scène sur un blog en ligne, après quoi elle se serait fait licencier sous la pression du cabinet De Crem.
Un serviteur « digne »
De Crem appartenait à l’aile droite du CD&V. Pour les questions éthiques, il se montrait conservateur, flamingant et partisan d’une approche répressive du maintien de l’ordre. Au sein de son parti, il s’est isolé, au fur et à mesure. Pour les élections de 2019, il a perdu son duel contre Kris Peeters pour la tête de liste européenne. Puis il quitta le Parlement. Par la suite, sa seule contribution au niveau national fut une tentative ouverte d’empêcher la participation du CD&V à la coalition Vivaldi en 2020.
Il s’est alors complètement retiré dans son Cremlin, là où, selon son communiqué, son cœur « a toujours battu », y compris lorsqu’il jouait les premiers rôles au niveau national. Et l’ex-bourgmestre d’ajouter : « Vous savez que j’ai toujours servi dignement notre pays et notre commune. » Sans ironie.
[1] https://daardaar.be/rubriques/politique/a-aalter-le-bourgmestre-cdv-fait-la-chasse-aux-etrangers/
[2] https://daardaar.be/rubriques/politique/lorbanisation-guette-partis-flamands-de-centre-droit/