Faut-il déployer l’armée dans les rues ? Non !
([Opinions, Politique] 2025-09-01 (De Morgen))
- Reference: 2025-09_Belgaimage-1720960-255x170
- News link: https://daardaar.be/rubriques/politique/faut-il-deployer-larmee-dans-les-rues-non/
- Source link: https://www.demorgen.be/meningen/voetje-voor-voetje-begeven-we-ons-op-het-pad-van-de-militarisering-dat-is-niet-het-goede-pad~b1e96ed29/
Nous sommes à deux doigts de vivre dans un pays qui envoie l’armée sillonner les rues de la capitale et qui invite tous les jeunes de 17 ans à se porter volontaires pour un service militaire d’un an. Pas à pas, notre société progresse dans le sens de la militarisation. C’est une erreur.
Comme souvent, dans un débat, il s’agit de nuancer le propos. À Bruxelles – et ailleurs – la violence liée au trafic de drogue, incontrôlée, est devenue quasiment quotidienne. L’État peut, l’État doit utiliser les grands moyens pour rétablir un semblant d’ordre.
Mais faut-il pour autant mobiliser l’armée ? Il ne manque pas de bonnes raisons, concrètes, pour en douter. Les statistiques semblent indiquer qu’au lendemain des attentats de 2016, la criminalité a baissé grâce à la présence de l’armée dans les rues. Dans le cas du trafic de drogue, tout porte à croire qu’elle ne fera que repousser l’activité criminelle ailleurs. Et ce n’est pas là le scénario le plus risqué.
[1]Et soudain, tout le monde apprécie nos militaires en rue…
Ne croyez pas que déployer l’armée signifie tout simplement « des agents supplémentaires dans les rues ». L’armée doit se tenir à des règles nettement plus strictes que celles des forces de police ; les militaires sont mal préparés à la lutte contre la criminalité, et pas du tout formés à collaborer avec la police. Rien ne dit que leur présence impressionne le moins du monde les organisations criminelles les plus dangereuses, au risque d’une escalade pire encore des fusillades. Et que fera-t-on alors ?
Or il existe une solution plus simple, qui tombe sous le sens. Selon le parquet de Bruxelles, il suffirait d’une rallonge financière de 10 millions d’euros pour renforcer considérablement la lutte contre les narcotrafiquants dans la capitale. Un montant sans commune mesure avec le milliard que réclame la ministre de la Justice Annelies Verlinden (CD&V) pour l’ensemble de son ministère. Faisons-en une véritable priorité : cette solution sera plus efficace – quoique moins chargée sur le plan symbolique – que des démonstrations de force.
« Selon le parquet de Bruxelles, il suffirait d’une rallonge financière de 10 millions d’euros pour renforcer considérablement la lutte contre les narcotrafiquants dans la capitale. »
L’idée d’inviter des jeunes à s’enrôler pour un service militaire volontaire et rémunéré, elle aussi, est critiquable. Au mieux, il ne s’agit que d’une (onéreuse) campagne de marketing et de recrutement pour les forces armées. De quoi donner à l’armée une longueur d’avance, sur le marché de l’emploi classique, s’agissant d’attirer de jeunes recrues. Quand on connaît l’exiguïté de ce marché, est-ce vraiment la meilleure manière de déployer les talents disponibles ?
À tout cela s’ajoute un déplaisant parfum de militarisation. Subrepticement, en effet, « l’armée » prendrait dans notre société un rôle de plus en plus dominant, avec un appel à la jeunesse par-ci, du kaki dans les rues par-là, et des « formations d’autodéfense » encore ailleurs.
Bien sûr, nous vivons une fois de plus une ère de recrudescence des périls géopolitiques, ce qui justifie d’investir davantage dans une force de défense européenne, dotée d’une autonomie accrue. Et nécessite surtout des forces armées professionnelles et bien équipées, et une diplomatie efficace.
Mieux vaut cependant opposer un sain scepticisme à l’idée d’une large mobilisation mentale de la population — même si celle-ci s’appuie dans un premier temps sur des intentions relativement innocentes.
L’histoire nous enseigne qu’une société qui se militarise finit, tôt ou tard, par s’égarer sur le sentier de la guerre.
[2]Actes antisémites ou trafic de drogue : appeler l’armée à la rescousse est un aveu de faiblesse
[1] https://daardaar.be/rubriques/societe/et-soudain-tout-le-monde-apprecie-nos-militaires-en-rue/
[2] https://daardaar.be/rubriques/politique/actes-antisemites-ou-trafic-de-drogue-en-appeler-a-larmee-est-un-aveu-de-faiblesse/
Comme souvent, dans un débat, il s’agit de nuancer le propos. À Bruxelles – et ailleurs – la violence liée au trafic de drogue, incontrôlée, est devenue quasiment quotidienne. L’État peut, l’État doit utiliser les grands moyens pour rétablir un semblant d’ordre.
Mais faut-il pour autant mobiliser l’armée ? Il ne manque pas de bonnes raisons, concrètes, pour en douter. Les statistiques semblent indiquer qu’au lendemain des attentats de 2016, la criminalité a baissé grâce à la présence de l’armée dans les rues. Dans le cas du trafic de drogue, tout porte à croire qu’elle ne fera que repousser l’activité criminelle ailleurs. Et ce n’est pas là le scénario le plus risqué.
[1]Et soudain, tout le monde apprécie nos militaires en rue…
Ne croyez pas que déployer l’armée signifie tout simplement « des agents supplémentaires dans les rues ». L’armée doit se tenir à des règles nettement plus strictes que celles des forces de police ; les militaires sont mal préparés à la lutte contre la criminalité, et pas du tout formés à collaborer avec la police. Rien ne dit que leur présence impressionne le moins du monde les organisations criminelles les plus dangereuses, au risque d’une escalade pire encore des fusillades. Et que fera-t-on alors ?
Or il existe une solution plus simple, qui tombe sous le sens. Selon le parquet de Bruxelles, il suffirait d’une rallonge financière de 10 millions d’euros pour renforcer considérablement la lutte contre les narcotrafiquants dans la capitale. Un montant sans commune mesure avec le milliard que réclame la ministre de la Justice Annelies Verlinden (CD&V) pour l’ensemble de son ministère. Faisons-en une véritable priorité : cette solution sera plus efficace – quoique moins chargée sur le plan symbolique – que des démonstrations de force.
« Selon le parquet de Bruxelles, il suffirait d’une rallonge financière de 10 millions d’euros pour renforcer considérablement la lutte contre les narcotrafiquants dans la capitale. »
L’idée d’inviter des jeunes à s’enrôler pour un service militaire volontaire et rémunéré, elle aussi, est critiquable. Au mieux, il ne s’agit que d’une (onéreuse) campagne de marketing et de recrutement pour les forces armées. De quoi donner à l’armée une longueur d’avance, sur le marché de l’emploi classique, s’agissant d’attirer de jeunes recrues. Quand on connaît l’exiguïté de ce marché, est-ce vraiment la meilleure manière de déployer les talents disponibles ?
À tout cela s’ajoute un déplaisant parfum de militarisation. Subrepticement, en effet, « l’armée » prendrait dans notre société un rôle de plus en plus dominant, avec un appel à la jeunesse par-ci, du kaki dans les rues par-là, et des « formations d’autodéfense » encore ailleurs.
Bien sûr, nous vivons une fois de plus une ère de recrudescence des périls géopolitiques, ce qui justifie d’investir davantage dans une force de défense européenne, dotée d’une autonomie accrue. Et nécessite surtout des forces armées professionnelles et bien équipées, et une diplomatie efficace.
Mieux vaut cependant opposer un sain scepticisme à l’idée d’une large mobilisation mentale de la population — même si celle-ci s’appuie dans un premier temps sur des intentions relativement innocentes.
L’histoire nous enseigne qu’une société qui se militarise finit, tôt ou tard, par s’égarer sur le sentier de la guerre.
[2]Actes antisémites ou trafic de drogue : appeler l’armée à la rescousse est un aveu de faiblesse
[1] https://daardaar.be/rubriques/societe/et-soudain-tout-le-monde-apprecie-nos-militaires-en-rue/
[2] https://daardaar.be/rubriques/politique/actes-antisemites-ou-trafic-de-drogue-en-appeler-a-larmee-est-un-aveu-de-faiblesse/