À peine avions-nous refermé notre série rétrospective consacrée au meurtre d’An et Eefje que les craintes qu’elle avait ravivées se faisaient de nouveau ressentir, cette fois par l’assassinat totalement insensé de Lisa à Amsterdam. Comment ne pas être bouleversé par le destin tragique de cette jeune fille de 17 ans, qui ne demandait qu’à vivre et à rire, et que ses proches ne reverront plus jamais, parce que quelqu’un lui en a arraché le droit.

Depuis des semaines, d’autres filles du même âge avaient dénoncé des faits de harcèlement survenant chaque semaine sur cette fameuse Leidseplein, celle-là même où Lisa était sortie avec ses amies le soir de sa mort. Aucune suite n’avait été donnée à ces témoignages, comme si ces comportements abusifs étaient devenus la norme, une fatalité. Les témoins avaient tout de même tenu à préciser que le problème venait des hommes, au cas où certains chercheraient encore à faire porter le chapeau aux victimes, comme notre société se plaît parfois à le faire.

Dans ce contexte, comment ne pas comprendre la réaction des parents qui affirment aujourd’hui qu’ils ne laisseront plus leur fille sortir seules ? Tout comme celles des femmes qui disent ne plus oser se balader seule à vélo une fois la nuit tombée ? Leur angoisse est une émotion que l’on ne balaye pas d’un coup de statistiques.

Les premières concernées prennent d’ailleurs le taureau par les cornes : aux Pays-Bas, la campagne Wij eisen de nacht op (« Nous revendiquons la nuit ») prend de l’ampleur. Un cri, presque désespéré, et en même temps empreint d’une grande détermination, qui marque le refus de céder à la peur. En parallèle, les ventes d’aérosols d’autodéfense explosent – symboles d’une société où l’on ne se sent plus protégé par le système.

A relire

[1]Une femme qui se sent harcelée mérite d’être protégée

Reste une question fondamentale : qu’est-ce qui pousse un homme à commettre un tel acte ? Est-ce l’expression d’une culture qui considère les femmes comme inférieures ? La conséquence de traumatismes enfouis ? Une incapacité à tisser des liens ou à exprimer sa frustration ?

Le statut de l’auteur des faits – un demandeur d’asile – met une fois de plus le feu aux poudres. Le chagrin se mue rapidement en haine. Sur les réseaux sociaux, les généralisations font bon train, laissant entendre que tous les demandeurs d’asile sont dangereux. Un cliché qui se voit aussi renforcé par la perte de confiance dont l’appareil d’État fait l’objet. C’est bien connu : le silence et la minimisation font le lit des extrêmes.

Lisa mérite davantage qu’un souvenir. Elle mérite que nous affrontions nos peurs, que nous exigions des réponses claires du monde politique et judiciaire, mais aussi que nous ayons le courage de poser les questions qui dérangent sur les racines de cette violence. Car si nous ne faisons que traiter les symptômes, cette violence se répétera. Et ce sont nos filles qui en subiront les conséquences.

A relire

[2]Agressions sexuelles contre les femmes : dites-le avec un cocktail



[1] https://daardaar.be/rubriques/societe/une-femme-qui-se-sent-harcelee-merite-detre-protegee/

[2] https://daardaar.be/rubriques/societe/agressions-sexuelles-contre-les-femmes-dites-le-avec-un-cocktail/