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  ARM Give a man a fire and he's warm for a day, but set fire to him and he's warm for the rest of his life (Terry Pratchett, Jingo)

Le délai de prescription pour les homicides a-t-il encore lieu d’être?

([Société] 2025-07-01 (Het Laatste Nieuws))


Voilà bien longtemps que Karina De Poortere attendait la décision de la chambre des mises en accusation de Gand. « J’avais encore un mince espoir qu’il (Hans D., NDLR) soit traduit devant le juge pour la mort d’Annie. Comme ils continuaient à bien examiner tous les éléments, j’y croyais sincèrement. La justice aurait carrément pu clore l’affaire bien plus tôt. Mais elle ne l’a pas fait, ce qui m’a rendue optimiste, même si je restais prudente ».

Jeudi matin, Karina s’est délibérément tenue à l’écart de l’audience. En attendant que le verdict tombe, elle s’est levée à l’aube pour empiler du bois de chauffage dans son jardin. « Pour me changer les idées », dit-elle. « Car ce matin-là, l’angoisse s’est soudain emparée de moi. Comme si on m’étranglait. J’ai pensé un instant que mon pendentif, qui contient les cendres d’Annie, était trop serré. Mais ce n’était pas ça. Ça a dû être un présage, non ? [Elle expire.] Un mauvais présage. »

Et en effet, son téléphone a sonné peu après. Tous les faits étaient prescrits. Il n’y aura donc pas de procès pour Hans D., 79 ans, qui a pourtant reconnu avoir enterré sa femme dans le jardin de voisins en novembre 1994. Un acte qu’il a passé sous silence pendant près de trente ans, en faisant comme si Annie était partie. Jusqu’au mois d’avril de l’année dernière, lorsque les nouveaux occupants de la maison en question, à Laethem-Saint-Martin, sont tombés sur son squelette en effectuant des travaux. Hans D. prétend qu’à l’époque, il avait trouvé sa femme morte dans le garage, qu’elle s’était suicidée et qu’il n’avait pas osé appeler le médecin ou les secours de peur qu’on lui fasse porter le chapeau et qu’il soit jeté en prison. De son côté, le parquet estime que Hans D. a tué son épouse, Annie De Poortere. Mais tous les faits étant prescrits, le peintre à la retraite ne sera pas appelé à comparaître devant le juge. Cet homme, qui aura 80 ans en juillet, n’écopera donc jamais de la moindre peine.

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Exceptions



« J’ai reçu beaucoup de messages ces derniers jours. Mes amis me demandent comment c’est possible », explique Karina. « Personne ne comprend qu’un tel crime puisse se prescrire. » Ces émotions rongent ses nuits. « Je suis accablée et ressens un peu de tout en même temps : de la colère, de la tristesse, mais surtout de la déception. De la déception envers le système judiciaire. » Karina hésite l’espace d’un instant. « Pour que les choses soient claires : je ne jette pas la pierre aux juges. Ils n’ont, apparemment, fait qu’appliquer la loi. Mais dans ce cas, cette loi est mal faite. [Elle hésite.] Je ne suis qu’une simple travailleuse, je ne parle pas le latin. Mais si un homicide peut tout simplement se prescrire en Belgique, je vis dans un pays de sauvages. »

Karina De Poortere affirme que cette affaire l’oblige à alerter nos responsables politiques. « Je veux que la problématique de la prescription soit traitée », fait-elle ainsi savoir. Elle en a déjà discuté avec son avocat, Stephen Schellinck, qui suit le dossier. « D’un côté, il faut toujours veiller, dans un État de droit, à ce qu’un accusé puisse se défendre le mieux possible, ce qui peut devenir très difficile s’il s’écoule beaucoup de temps, par exemple parce que les témoins sont décédés ou qu’ils ont du mal à se remémorer les faits. Mais de l’autre côté, je pense que la société doit se demander si elle veut toujours que les crimes les plus graves puissent se prescrire. Aux Pays-Bas il existe par exemple des exceptions pour le meurtre et l’assassinat. »

L’avocat précise que la Belgique a également prévu des exceptions. Ainsi, les crimes contre l’humanité, le génocide et les crimes de guerre ne peuvent pas se prescrire. Et une nouvelle modification législative, intervenue en 2024, rend aussi imprescriptibles les crimes visant « à déstabiliser la société » — une réforme taillée sur mesure pour l’affaire des tueries du Brabant. « Franchement, me laisser chercher ma sœur pendant 30 ans et me faire croire qu’elle était encore en vie alors qu’il savait très bien qu’il l’avait enterrée, moi, ça m’a choqué et déstabilisée. »

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Pétition



Karina De Poortere sait qu’une éventuelle modification de la loi ne changera plus rien au dossier de sa sœur. Mais il arrive, de temps à autre, qu’une affaire classée sans suite soit résolue. « Il y a sans doute d’autres personnes dans ma situation. Et à mes yeux, personne ne devrait avoir à traverser ça de nos jours. Et si la victime était la fille d’un responsable politique ? Ou la sœur du Premier ministre ? Les politiciens trouveraient-ils la prescription normale ? Bien sûr que non. Quand on est concerné, on ne trouve pas ça normal. Peu importe que l’auteur des faits soit démasqué après 10, 20 ou 50 ans. La victime, elle, est morte pour de bon. Si on est doté d’un minimum de bon sens, on trouve forcément injuste qu’une personne coupable ne soit pas sanctionnée. »

Son avocat, Stephen Schellinck, et le reste du cabinet de Jef Vermassen réfléchissent à la manière d’ouvrir le débat. Nous envisageons notamment une pétition, une lettre au ministre de la Justice et l’envoi d’un courrier à tous les présidents de parti, précise M e Schellinck.

Comme un chien



En principe, Karina De Poortere, en tant que partie civile, dispose maintenant d’un délai de 15 jours pour se pourvoir en cassation contre la décision de la chambre des mises en accusation. Il ne s’agira alors plus d’examiner le fond de l’affaire, mais uniquement de vérifier que toutes les règles de droit ont bien été suivies. Elle et ses avocats étudient encore l’arrêt.

« J’ai fait beaucoup d’insomnie ces dernières nuits. Et quand je me retrouve à fixer le plafond, je pense encore plus au passé, à Annie. Ma sœur, de 15 ans mon aînée, était très présente pour moi à l’époque. Je pouvais tout lui demander. C’est atroce de se dire qu’elle est restée au fond d’un trou pendant 30 ans, comme un chien, et que personne ne sera puni. Comment peut-on trouver ça normal ? »

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[2] https://daardaar.be/rubriques/societe/la-prolongation-des-delais-de-prescription-au-penal-met-elle-les-tribunaux-mal-a-laise/

[3] https://daardaar.be/rubriques/politique/bientot-une-justice-flamande-cest-en-tout-cas-le-souhait-de-la-ministre-demir-n-va/



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