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  ARM Give a man a fire and he's warm for a day, but set fire to him and he's warm for the rest of his life (Terry Pratchett, Jingo)

Drame à Haasrode: qu’est-ce qui peut bien pousser un jeune de 16 ans à tuer sa famille ?

([Opinions, Société] 2025-06-01 (De Morgen))


À Haasrode, près de Louvain, un jeune de 16 ans a poignardé sa mère et sa petite sœur de 6 ans avant de mettre le feu à la maison familiale. L’adolescent a avoué les faits le week-end dernier. Les deux victimes n’ont pas survécu à cette agression. Le drame s’est joué au sein d’une famille ukrainienne réfugiée en Belgique, à l’exception du conjoint de la femme, resté au pays pour combattre les forces russes. Le père biologique du jeune homme, quant à lui, était décédé précédemment.

Lors de son audition, l’adolescent a évoqué « un sujet de discussion typique entre un ado et ses parents », mais le parquet a des doutes quant à ce mobile. Une question d’argent de poche ? Une dispute à propos des résultats scolaires du jeune homme ou d’un flirt ? « Trop banal quand on voit la gravité des faits commis », commente la porte-parole du parquet Sarah Callewaert. L’enquête va à présent s’atteler à éclaircir les raisons du passage à l’acte.

« Un conflit au sujet de l’argent de poche paraît peut-être banal, mais il peut faire office d’élément déclencheur », affirme la psychologue judiciaire Lieve Dams. « Les faits s’inscrivent toujours dans un contexte précis. Autrement dit, ce drame ne sort pas de nulle part, mais a été conditionné par des événements antérieurs. Ces événements s’accumulent pour former une montagne, au sommet de laquelle se trouve une bombe. Ce n’est que lorsque cette bombe explose que les gens peuvent redescendre dans la vallée, mais il est alors trop tard. »

La partie visible de l’iceberg



Les parricides sont rares. Le plus connu est l’affaire du meurtre des Marolles. Leopold S., un étudiant âgé de 19 ans au moment des faits, a été condamné pour avoir tué ses parents et sa sœur dans leur magasin des Marolles. Le procès devant la Cour d’assises ne nous a pas appris grand-chose. Leopold S. n’a eu de cesse de clamer son innocence et les audiences n’ont pas permis d’établir un quelconque mobile.

À Heppen, une section de la commune de Leopoldsburg (Bourg-Léopold), une adolescente de 15 ans a échafaudé avec son petit ami le projet d’assassiner sa mère, Gwenn V.. La jeune fille lui avait administré un somnifère et peu après, son petit copain lui a enfoncé un marteau dans la tête pendant que les petites sœurs jumelles de l’adolescente dormaient dans la chambre voisine.

Mobile du meurtre : la mère, une puéricultrice, n’était pas d’accord que sa fille entretienne une relation avec ce garçon, qui avait déjà eu affaire au juge de la jeunesse à plusieurs reprises. Ce mobile dissimulait toutefois d’autres problèmes : la mère avait des antécédents psychiatriques et avait changé plusieurs fois de partenaire, et le père des jumelles s’était suicidé six ans avant les faits.

On peut toutefois faire plus banal encore en matière de mobile de meurtre, comme l’a prouvé ce jeune de 17 ans de Scheldewindeke qui a abattu son père, sa mère et sa sœur de 15 ans parce qu’il…avait été surpris en train de tricher à son examen de religion et qu’il n’avait pas le courage d’avouer sa faute en rentrant à la maison. Son petit frère et sa soeur ont eu plus de chance, car il leur a laissé la vie sauve. Mais ici aussi, ce mobile banal n’est que la partie émergée de l’iceberg.

« Ce jeune homme souffrait depuis des années de l’autoritarisme de son père », soutient son avocat Jef Vermassen. « Lorsque vous grandissez sous le poids constant des critiques et du mépris d’un parent extrêmement autoritaire, c’est très néfaste pour votre développement : c’est la conclusion de mon dernier livre sur les tueurs en série. »

Cet aspect-là a également été soulevé lors du procès de la puéricultrice Gwenn V., dont la fille a déclaré qu’elle ne valait rien aux yeux de sa mère. « Il lui arrivait de la punir de façon disproportionnée en la privant de GSM ou d’ordinateur pendant un an, par exemple », a expliqué un enquêteur lors du procès d’assises. « Ces punitions n’étaient ni réalistes, ni supportables. »

Une constante dans les affaires de parricide : après les faits, les auteurs se retrouvent confrontés à la solitude. Le jeune de 17 ans qu’a défendu Vermassen en a fait lui aussi l’expérience, avec des parents morts et un petit frère et une sœur pris en charge par les services d’aide à la jeunesse.

Son premier congé pénitentiaire, il l’a passé au domicile de Vermassen à la faveur d’un week-end prolongé. Alors que l’avocat le reconduisait à la prison de Saint-Gilles, le jeune homme lui a demandé de s’arrêter, à cent mètres de là. « Il pleurait et m’a dit qu’il avait une question à me poser. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi j’ai fait cela ? , m’a-t-il demandé. Si je savais ce que je faisais, je ne peux plus supporter de vivre. Je ne pourrai trouver le repos que si je n’étais pas responsable de mes actes. »

A relire

[1]La Flandre veut étendre le bracelet électronique pour les mineurs d’âge

Des prédispositions génétiques



Quelqu’un qui a commis de tels faits peut-il encore se réinsérer dans la société ? Selon Lieve Dams, lorsqu’on a affaire à des actes d’une telle gravité, il y a presque toujours une pathologie psychiatrique sous-jacente, et cette pathologie est en partie génétique. Nous héritons toutes et tous d’une faille ou d’une fragilité, mais cela ne veut pas dire que celle-ci se développera en nous.

« Chez les jeunes surtout, je suis frappée de constater à quel point le contexte est déterminant pour qu’une telle pathologie se manifeste », déclare Lieve. « Si vous êtes prédisposé génétiquement à développer un trouble de la personnalité narcissique et que vous êtes élevé par la personne dont vous avez hérité cette prédisposition, vous présentez un risque plus élevé de la voir se développer. »

À partir de 16 ans, un jeune qui a commis des faits d’une telle gravité peut être renvoyé vers la justice des adultes, sur décision d’un juge de la jeunesse. S’il est bien accompagné, la condamnation dont il écopera ne sonnera pas nécessairement le glas de ses perspectives de réinsertion. Pas plus tard que la semaine dernière, Vermassen a ainsi reçu une visite surprise : celle de l’auteur du parricide de Scheldewindeke. « Il est venu me dire qu’il prenait sa retraite, après une carrière réussie dans le secteur bancaire. »

Cela fait 25 ans que l’avocat pénaliste Jan De Man conserve une lettre dans la poche de sa veste. Une lettre écrite par L.H., une jeune fille qui, dans les années 90, a organisé le meurtre de ses parents par des amis. Elle avait 18 ans au moment des faits. Dans cette lettre, elle décrit comment son père abusait d’elle, ce qu’elle n’était pas parvenue à exprimer lors du procès. De Man n’a même pas pu exploiter les agissements du paternel lors des plaidoiries devant la cour d’assises.

Aujourd’hui, L.H. est libre, a un travail stable et est en couple. « Cette lettre est là pour me rappeler que tant qu’il y a de la vie, il y a toujours une lueur d’espoir », a expliqué plusieurs fois De Man à des journalistes qui l’interviewaient.

A relire

[2]Infliger des sanctions administratives aux moins de 16 ans: une fausse bonne idée ?



[1] https://daardaar.be/rubriques/societe/la-flandre-veut-etendre-le-bracelet-electronique-pour-les-mineurs-dage/

[2] https://daardaar.be/rubriques/societe/sanctions-administratives-mineurs/



<marcus> dunham: You know how real numbers are constructed from rational
numbers by equivalence classes of convergent sequences?
<dunham> marcus: yes.