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  ARM Give a man a fire and he's warm for a day, but set fire to him and he's warm for the rest of his life (Terry Pratchett, Jingo)

Recommendations alimentaires: le ministre flamand Jo Brouns défend son bifteck

([Environnement, Opinions, Travail & Santé] 2025-06-01 (De Standaard))


Après la publication partielle de nouvelles recommandations en matière d’alimentation par le Conseil supérieur de la Santé, le ministre flamand de l’Agriculture Jo Brouns (CD&V) s’est empressé de se profiler en fervent défenseur de la viande flamande sur les médias sociaux. Il qualifie toutes ces recommandations de « usantes ». Mais quoi de plus usants que les interminables clichés populistes qui fusent dès que la question de notre consommation de viande revient sur le tapis ?

Le Conseil supérieur de la Santé a pour mission d’émettre des avis à propos de ce qui est bon pour la santé. Ceux-ci sont impartiaux et ils se fondent sur une analyse scientifique objective. L’organisme est commissionné pour informer les responsables politiques et non pour les barber ou les ravir. Si le Conseil durcit le ton à l’égard de la viande, c’est parce que l’évidence scientifique croît chaque jour : la consommation excessive de viande rouge, et surtout de viande transformée, augmente le risque de cancers, de maladies cardiovasculaires et autres pathologies.

Une critique (trop) aisée



Jo Brouns dépeint les experts comme des moralisateurs déphasés insensibles au plaisir, à la tradition et au plaisir de la table. Il se présente comme l’homme du « bon sens » qui défend Monsieur Tout-le-Monde et son bifteck. Il s’empare de l’impression très répandue que tout ce qui plaît à nos papilles sera bientôt interdit. « Ne vous laissez pas duper », écrit le ministre, comme si des scientifiques avides de priver les gens de leur plaisir voulaient fomenter un complot. Tout argument antiscientifique est bon à prendre pour ne pas devoir reconnaître que notre comportement alimentaire – quoique compréhensible et plaisant – peut effectivement causer de graves problèmes sociétaux.

Le ministre plaide en faveur de l’équilibre, mais il omet de préciser que le modèle alimentaire belge moyen est tout sauf équilibré. En effet, seule une poignée de nos concitoyens consomment suffisamment de fruits et de légumes. Par commodité, le ministre ne mentionne pas qu’aujourd’hui, l’alimentation va de pair avec la durabilité et l’éthique. Et pour cause : la production de viande contribue grandement au réchauffement climatique, à la déforestation et à la perte de biodiversité, autant de facteurs dont le Conseil tente de tenir compte dans ses recommandations. Et n’oublions pas que l’élevage est la principale cause de la souffrance animale. Ce ne sont pas des questions accessoires, mais des défis fondamentaux de notre époque.

A relire

[1]Enfants véganes : mode d’emploi

Par ailleurs, l’amour que Jo Brouns porte à la viande belge demande une certaine remise en perspective. Certes, dans certains domaines, il est préférable de produire localement que d’importer. C’est bien entendu une bonne chose pour les agriculteurs, dont le ministre défend les intérêts, mais ce n’est pas une formule magique. Même un bifteck d’ici, généralement produit avec du soja d’ailleurs, a de fortes répercussions sur l’environnement. La pique de Jo Brouns au sujet des substituts de viande (« importés et aux étiquettes incompréhensibles ») était (trop) aisée. Et non, personne – à part le ministre lui-même dans son maladroit raisonnement par l’absurde – ne dit que nous devons nous sustenter uniquement de lentilles. Le fait de voir la viande non pas comme la norme, mais comme l’exception serait déjà un grand pas en avant.

Penser avec l’estomac



Notre ministre de l’Agriculture pense que les gens sont capables de faire les bons choix sans cet ensemble de « règles, restrictions et interdictions ». Une telle croyance semble bien belle, mais elle n’est malheureusement pas étayée par les faits. En Belgique, la consommation de viande n’a connu qu’une très faible diminution. Beaucoup de gens voudraient manger moins de viande, mais sans succès. Nous sommes constamment influencés par la publicité qui nous présente la viande comme étant le fait des hommes, comme agréable ou indispensable, par les supermarchés qui nous abreuvent de promotions et par les habitudes inculquées par nos parents. Ces dernières sont bien ancrées, et dans un tel contexte, il semble naïf de penser que les gens vont se mettre massivement à poser des choix raisonnables de leur propre chef. Et quiconque croit réellement que le bon sens reste la « meilleure recette » (dixit Jo Brouns) devrait plaider pour un environnement qui loue la sagesse au lieu de la piétiner.

Soucieux notamment de ménager les intérêts économiques de sa base, Jo Brouns tente de nous faire croire que tout changement représente une menace. Prétendre de manière infondée que les gens se voient retirer ou interdire quelque chose est une approche qui fonctionne immanquablement. Or, la santé, la durabilité et l’éthique demandent un remaniement continu de nos habitudes. Ce n’est ni du paternalisme ni une atteinte à notre liberté, mais un appel à la responsabilité.

Je comprends que le ministre Brouns aime penser avec son estomac, mais pour faire face aux problèmes actuels liés à la santé publique, à la durabilité et au bien-être animal, son bon sens et ses clichés ne suffisent pas.

Enfin, le ministre aurait tout intérêt à cesser de miner la crédibilité et la fiabilité des organismes scientifiques.

A relire

[2]Sécheresse: les réactions du ministre Brouns aussi rares que la pluie



[1] https://daardaar.be/rubriques/travail-sante/enfants-veganes-mode-demploi/

[2] https://daardaar.be/rubriques/opinions/secheresse-les-reactions-du-ministre-brouns-aussi-rares-que-la-pluie/



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