On ne dirait pas comme ça, mais les prochaines élections n’auront lieu dans ce pays que dans quatre ans. Le PS bruxellois est, lui, déjà sur le qui-vive, échafaudant des plans et formulant des menaces quant à la manière dont le parti se présentera à ses électeurs en 2029.

C’est d’autant plus interpelant quand on sait – pour rappel – qu’aucun gouvernement n’a encore été formé dans la région de Bruxelles-Capitale. Tout esprit normalement constitué se dirait qu’il faut d’abord former une majorité avant de songer à la campagne suivante. Ce n’est visiblement pas le raisonnement d’Ahmed Laaouej, chef des socialistes francophones à Bruxelles.

L’homme se dit furieux, car sa tentative de former une coalition de gauche dans la Région bruxelloise (réunissant écologistes, Team Ahidar, le PTB, et le PS) a été torpillée par Vooruit, le parti frère. Certains progressistes de gauche ou de droite le regretteront peut-être, mais il faut saluer le courage d’Ans Persoons, figure de proue de Vooruit à Bruxelles, et de son président Conner Rousseau : ils ont pris la bonne décision.

L’attaque la plus frontale contre la paix institutionnelle depuis l’âge d’or du FDF.

La Région bruxelloise se trouve au bord du gouffre, tant sur le plan budgétaire que socio-économique. Sous la bannière du « Front populaire » de Laaouej, elle aurait sans doute fait un pas de plus vers l’abîme. Toute idée de rigueur aurait été repoussée, des impôts supplémentaires auraient été votés, et la crise du logement se serait encore aggravée. Bref, Bruxelles a échappé de peu à la faillite.

Laaouej, lui, ne l’entend pas de cette oreille. Pour punir Vooruit, il envisage de présenter une liste PS dans le groupe linguistique néerlandophone lors des prochaines élections régionales. L’objectif ? Gagner des sièges « réservés aux Flamands » à Bruxelles avec des voix francophones, ce qui demande moins d’électeurs. C’est la manœuvre qu’avait utilisée Fouad Ahidar, au grand dam des partis francophones.

A relire

[1]Bruxelles: «Ahmed Laaouej, prenez vos responsabilités et formez un gouvernement d’extrême gauche!»

Si l’irritation est compréhensible, la menace de Laaouej relève ni plus ni moins d’une bombe institutionnelle : une telle opération reviendrait à anéantir la protection de la minorité néerlandophone à Bruxelles, un principe fondamental de l’équilibre communautaire dans la capitale. Il s’agirait de l’attaque la plus frontale contre la paix institutionnelle depuis l’âge d’or du FDF.

Les tensions communautaires ont été ravivées depuis un moment déjà, mais cette garantie accordée aux flamands à Bruxelles est le pendant des protections accordées à la minorité francophone au niveau fédéral. Dans ce Jenga institutionnel, on ne retire pas impunément une pièce ici ou là. Remettre en cause l’équilibre bruxellois, c’est remettre en cause l’État fédéral belge lui-même. Le PS serait-il à ce point frustré de son rôle dans l’opposition qu’il juge bon de dégoupiller cette grenade?

L’excuse qui consiste à rejeter constamment la faute sur « ce vilain gouvernement fédéral de droite à tendance flamingante » a ses limites.

Si Ahmed Laaouej voulait prouver que Bruxelles a besoin d’une réforme institutionnelle, il a réussi son coup. Et on ne peut pas lui donner tort. Mais en attendant, ce dont la Région bruxelloise a surtout besoin, c’est d’un gouvernement responsable.

Dans six mois, le réservoir des chômeurs de longue durée commencera progressivement à se vider, conséquence de la réforme actée au fédéral. Et Bruxelles, paralysée politiquement et dont les statistiques de chômage sont rouge vif, n’est absolument pas préparée à l’impact de cette mesure. Plus la crise politique s’éternise, plus la population concernée sera exposée. L’excuse qui consiste à rejeter constamment la faute sur « ce vilain gouvernement fédéral de droite à tendance flamingante » atteint ses limites.

A relire

[2]Qui osera mettre la pression sur le PS bruxellois ?



[1] https://daardaar.be/rubriques/opinions/bruxelles-ahmed-laaouej-prenez-vos-responsabilites-et-formez-un-gouvernement-dextreme-gauche/

[2] https://daardaar.be/rubriques/politique/qui-osera-mettre-la-pression-sur-le-ps-bruxellois/