Quand il repensera au week-end dernier, Theo Francken aura le sourire aux lèvres, tant il a su provoquer des remous en un seul tweet et un seul post Facebook. Une vieille recette qui continue de faire ses preuves.

« Het volk versus FC Deugpronk » (que nous pourrions traduire par : « Le peuple contre le FC Bien-pensance »), a tweeté Theo Francken après la première place de la candidate israélienne dans les votes du public de l’Eurovision. Sur Facebook, il a ajouté que l’indignation suscitée par la participation d’Israël au concours était un truc des « médias gauchistes ». « La Belgique ne peut pas résoudre le conflit. Ils devront s’en occuper eux-mêmes. […] Une question parlementaire ou une résolution ne pourront rien y changer. » Autant dire que les autres membres de l’Arizona auront bien pris note des commentaires de leur collègue.

Par ses provocations, Francken fait savoir que sa position vis-à-vis d’Israël n’a pas bougé d’un iota. Même pendant un week-end où l’armée israélienne tue une bonne centaine de Palestiniens et entame une offensive terrestre « définitive », et alors que le gouvernement Netanyahu ne tempère que très modérément sa politique d’affamement du peuple gazaoui, pour un politicien de la trempe de Francken, la guerre à Gaza reste avant tout un petit jeu destiné à exciter son propre électorat et à faire réagir ses opposants de gauche.

Francken a encore manqué une occasion de se taire, mais ce n’est pas un hasard. La résolution de la majorité sur Israël a beau ne se réduire qu’à un compromis mou, les nationalistes ont dû arrondir les angles par solidarité gouvernementale.

Ceci a valu à la N-VA des critiques de l’aile la plus à droite du parti, d’où la réaction de Francken. Il entend bien prouver que son parti reste suffisamment sale, pour reprendre les mots utilisés à l’époque par Gerolf Annemans au sujet du Vlaams Belang.

A relire

[1]Langues nationales: quand Theo Francken montre l’exemple aux jeunes Wallons

Pour la N-VA, cela n’entraînera que peu de répercussions. Francken ne représente qu’une des deux jambes d’une formation qui réalise un grand écart entre droite dure et centre-droite.

Mais Francken n’est pas qu’un membre de la N-VA parmi d’autres, c’est un ministre fédéral. Quand un ministre, par ses déclarations, s’oppose diamétralement au point de vue de son gouvernement, il ne fait pas que provoquer quelques vagues. Il engendre un problème politique. Quitte à passer pour un ringard, j’ai tendance à penser que les membres d’un gouvernement doivent faire preuve de collégialité et de loyauté. Les opinions personnelles et les dissensions n’ont qu’une place limitée au sein d’un exécutif. Et lorsqu’un ministre enfreint les règles du jeu, il pose problème.

La N-VA devrait pourtant savoir que ce genre de comportement peut mal tourner. En 2018, le parti s’est retrouvé piégé dans le débat sur le Pacte des Nations unies sur les migrations, après l’opposition nette de Francken, alors secrétaire d’État, uniquement afin de consolider son image. Le dénouement est bien connu : chute du gouvernement, sanction de la N-VA dans les urnes, mais excellents résultats pour Francken.

Nous n’en sommes pas encore là, bien entendu. Il n’en demeure pas moins que la patience des partenaires de l’Arizona n’est pas infinie. Les partis de l’Arizona se rendent bien compte qu’ils devront économiser le moindre centime pour trouver les milliards d’euros dont pourra bénéficier un seul ministre, celui de la Défense.

Et si ce ministre-là, justement, n’est pas capable d’afficher un minimum de collégialité et de retenue, le cd&V, Vooruit ou Les Engagés rétorqueront, lors du prochain contrôle budgétaire, qu’il pourra les chercher lui-même, ses milliards supplémentaires.

A relire

[2]N-VA : la fin de Bart, l’heure de Theo ?



[1] https://daardaar.be/rubriques/langues-nationales-quand-theo-francken-montre-lexemple-aux-jeunes-wallons/

[2] https://daardaar.be/rubriques/politique/n-va-la-fin-de-bart-lheure-de-theo-francken/