Aînés humiliés en maison de repos: l’État seul ne peut pas changer les mentalités
([Opinions, Société] 2025-03-01 (De Tijd))
- Reference: 2025-03_danie-franco-Zi8-E3qJ_RM-unsplash-255x170
- News link: https://daardaar.be/rubriques/societe/aines-humilies-en-maison-de-repos-letat-seul-ne-peut-pas-changer-les-mentalites/
- Source link: https://www.tijd.be/opinie/commentaar/kijk-niet-alleen-naar-overheid-voor-ouderenzorg/10599178.html
Si on mesure la valeur d’une société à la manière dont elle traite ses aînés, c’est une image bien peu flatteuse que nous renvoient les cas de maltraitance révélés ces derniers jours.
La semaine dernière, la justice a saisi des vidéos montrant des actes d’humiliation et des traitements dégradants envers des résidents d’une maison de repos, située à Audenarde, qui accueille principalement des personnes atteintes de démence. Aucun argument — charge de travail, stress, faible salaire, effet de groupe — ne peut excuser les pratiques scandaleuses de certains jeunes « soignants ». Rien ne justifiera jamais ce qu’ils ont fait subir à des personnes en situation d’extrême vulnérabilité. Une sanction sévère s’impose.
Mais le problème va bien au-delà de ce cas isolé, aussi troublant soit-il. Car ce n’est pas la première fois que des pratiques dégradantes se font jour. Avec, en toile de fond, un système de prise en charge de la dépendance au bord de l’explosion. La Flandre compte actuellement plus de 225 000 personnes âgées de plus de 85 ans. Il y en aura près de 130 000 de plus en 2040 et le cap du demi-million sera franchi dix ans plus tard. Nous sommes assis sur une bombe à retardement démographique, alors même que le marché du travail, dans le secteur des soins aux personnes âgées, reste extrêmement tendu.
[1]Meurtre à l’insuline, négligence… la sécurité en maison de repos est calamiteuse en Flandre
Pas plus tard que l’année dernière, les organisations faîtières des soins de santé alertaient sur le raz-de-marée que représente le vieillissement de la population et réclamaient, pour les personnes âgées, un plan d’investissement des plus solides lors de la formation du gouvernement flamand. Désormais en place, ledit gouvernement a prévu de gonfler l’enveloppe consacrée au bien-être de 1,1 milliard d’euros d’ici la fin de la législature, mais en n’allouant que 140 millions à l’aide aux seniors et aux familles. Une injection de crédits qui n’aura donc pas pour effet d’améliorer structurellement le fonctionnement des soins aux personnes âgées ni d’augmenter le ratio soignants/personnes dépendantes.
Faudra-t-il mettre davantage la main au portefeuille ? Les soins aux personnes âgées sont certes une mission essentielle de l’État, mais l’on a aussi, au niveau individuel, la responsabilité de préparer la dernière partie de sa vie. Seulement, tout le monde n’en aura pas les moyens et, ces dernières années, la facture a augmenté bien plus vite que l’inflation, notamment sous l’effet de l’envolée des prix de l’énergie. La marge de manœuvre n’est donc pas infinie.
« Les soins aux personnes âgées sont certes une mission essentielle de l’État, mais l’on a aussi, au niveau individuel, la responsabilité de préparer la dernière partie de sa vie. »
Faudra-t-il, alors, accroître les fonds publics ? L’enveloppe supplémentaire de 1,1 milliard d’euros accordée au bien-être, qui constitue le plus gros poste du budget flamand, est déjà considérable. Des réserves financières ? Il n’y en a pas. Et la marge budgétaire est faible. En tout cas, la question attise le débat sur les missions essentielles de l’État — et rend encore plus difficiles à avaler les futilités telles que les « primes frigo ».
[2]Belgique: « Pourquoi il faut régionaliser nos soins de santé »
Quelles que soient les sommes injectées, elles ne suffiront jamais à répondre aux besoins immenses des personnes âgées si l’on n’adopte pas, en parallèle, des formes de soins fondamentalement différentes. Ne gagnerait-on pas à renforcer le rôle de la médecine préventive, par exemple ? Ou à encourager davantage les petits quartiers collectifs ou les habitats tels que les maisons intergénérationnelles, dites « kangourou » ? Les États, sans le sou, ne vont pas pouvoir continuer à financer des maisons de retraite de plus en plus chères pour des personnes de plus en plus nombreuses vivant de plus en plus longtemps. Les maisons de repos restent indispensables et elles doivent gagner en qualité, mais elles ne pourront répondre qu’à une part de plus en plus réduite des besoins.
« Ne gagnerait-on pas à renforcer le rôle de la médecine préventive, par exemple ? Ou à encourager davantage les petits quartiers collectifs ou les habitats tels que les maisons intergénérationnelles, dites « kangourou » ? »
Pour la grande majorité des personnes âgées, la meilleure maison de repos, c’est leur domicile. Les soins devront être adaptés en conséquence, encore plus qu’à l’heure actuelle. Et cette évolution ne peut se limiter au secteur des soins professionnels. Des modes de cohabitation et de vie commune fondamentalement différents s’imposent également : une génération prend soin de l’autre, avec l’aide des voisins et de la famille. Il faudra, dès lors, flexibiliser les carrières et repenser l’espace public.
Mais le plus difficile, dans tout cela, sera de faire évoluer les mentalités. Interrogeons-nous : à quel point sommes-nous attentifs aux seniors et aux personnes les plus vulnérables ? La réponse à cette question en dit long sur le niveau d’une société. Et le changement ne pourra pas venir que de l’État.
[1] https://daardaar.be/rubriques/societe/meurtre-a-linsuline-negligence-la-securite-en-maison-de-repos-est-calamiteuse-en-flandre/
[2] https://daardaar.be/rubriques/opinions/belgique-pourquoi-il-faut-regionaliser-nos-soins-de-sante/
La semaine dernière, la justice a saisi des vidéos montrant des actes d’humiliation et des traitements dégradants envers des résidents d’une maison de repos, située à Audenarde, qui accueille principalement des personnes atteintes de démence. Aucun argument — charge de travail, stress, faible salaire, effet de groupe — ne peut excuser les pratiques scandaleuses de certains jeunes « soignants ». Rien ne justifiera jamais ce qu’ils ont fait subir à des personnes en situation d’extrême vulnérabilité. Une sanction sévère s’impose.
Mais le problème va bien au-delà de ce cas isolé, aussi troublant soit-il. Car ce n’est pas la première fois que des pratiques dégradantes se font jour. Avec, en toile de fond, un système de prise en charge de la dépendance au bord de l’explosion. La Flandre compte actuellement plus de 225 000 personnes âgées de plus de 85 ans. Il y en aura près de 130 000 de plus en 2040 et le cap du demi-million sera franchi dix ans plus tard. Nous sommes assis sur une bombe à retardement démographique, alors même que le marché du travail, dans le secteur des soins aux personnes âgées, reste extrêmement tendu.
[1]Meurtre à l’insuline, négligence… la sécurité en maison de repos est calamiteuse en Flandre
Pas plus tard que l’année dernière, les organisations faîtières des soins de santé alertaient sur le raz-de-marée que représente le vieillissement de la population et réclamaient, pour les personnes âgées, un plan d’investissement des plus solides lors de la formation du gouvernement flamand. Désormais en place, ledit gouvernement a prévu de gonfler l’enveloppe consacrée au bien-être de 1,1 milliard d’euros d’ici la fin de la législature, mais en n’allouant que 140 millions à l’aide aux seniors et aux familles. Une injection de crédits qui n’aura donc pas pour effet d’améliorer structurellement le fonctionnement des soins aux personnes âgées ni d’augmenter le ratio soignants/personnes dépendantes.
Faudra-t-il mettre davantage la main au portefeuille ? Les soins aux personnes âgées sont certes une mission essentielle de l’État, mais l’on a aussi, au niveau individuel, la responsabilité de préparer la dernière partie de sa vie. Seulement, tout le monde n’en aura pas les moyens et, ces dernières années, la facture a augmenté bien plus vite que l’inflation, notamment sous l’effet de l’envolée des prix de l’énergie. La marge de manœuvre n’est donc pas infinie.
« Les soins aux personnes âgées sont certes une mission essentielle de l’État, mais l’on a aussi, au niveau individuel, la responsabilité de préparer la dernière partie de sa vie. »
Faudra-t-il, alors, accroître les fonds publics ? L’enveloppe supplémentaire de 1,1 milliard d’euros accordée au bien-être, qui constitue le plus gros poste du budget flamand, est déjà considérable. Des réserves financières ? Il n’y en a pas. Et la marge budgétaire est faible. En tout cas, la question attise le débat sur les missions essentielles de l’État — et rend encore plus difficiles à avaler les futilités telles que les « primes frigo ».
[2]Belgique: « Pourquoi il faut régionaliser nos soins de santé »
Quelles que soient les sommes injectées, elles ne suffiront jamais à répondre aux besoins immenses des personnes âgées si l’on n’adopte pas, en parallèle, des formes de soins fondamentalement différentes. Ne gagnerait-on pas à renforcer le rôle de la médecine préventive, par exemple ? Ou à encourager davantage les petits quartiers collectifs ou les habitats tels que les maisons intergénérationnelles, dites « kangourou » ? Les États, sans le sou, ne vont pas pouvoir continuer à financer des maisons de retraite de plus en plus chères pour des personnes de plus en plus nombreuses vivant de plus en plus longtemps. Les maisons de repos restent indispensables et elles doivent gagner en qualité, mais elles ne pourront répondre qu’à une part de plus en plus réduite des besoins.
« Ne gagnerait-on pas à renforcer le rôle de la médecine préventive, par exemple ? Ou à encourager davantage les petits quartiers collectifs ou les habitats tels que les maisons intergénérationnelles, dites « kangourou » ? »
Pour la grande majorité des personnes âgées, la meilleure maison de repos, c’est leur domicile. Les soins devront être adaptés en conséquence, encore plus qu’à l’heure actuelle. Et cette évolution ne peut se limiter au secteur des soins professionnels. Des modes de cohabitation et de vie commune fondamentalement différents s’imposent également : une génération prend soin de l’autre, avec l’aide des voisins et de la famille. Il faudra, dès lors, flexibiliser les carrières et repenser l’espace public.
Mais le plus difficile, dans tout cela, sera de faire évoluer les mentalités. Interrogeons-nous : à quel point sommes-nous attentifs aux seniors et aux personnes les plus vulnérables ? La réponse à cette question en dit long sur le niveau d’une société. Et le changement ne pourra pas venir que de l’État.
[1] https://daardaar.be/rubriques/societe/meurtre-a-linsuline-negligence-la-securite-en-maison-de-repos-est-calamiteuse-en-flandre/
[2] https://daardaar.be/rubriques/opinions/belgique-pourquoi-il-faut-regionaliser-nos-soins-de-sante/