Quand le gouvernement flamand joue au « philanthrope volant » avec l’argent public
([Economie, Opinions] 2025-03-01 (De Standaard))
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- News link: https://daardaar.be/rubriques/economie/quand-le-gouvernement-flamand-joue-au-philanthrope-volant-avec-largent-public/
- Source link: https://www.standaard.be/cnt/dmf20250303_97496982
Loin de moi l’idée de comparer Matthias Diependaele ou l’un de ses collègues à Lambique dans Bob et Bobette, mais j’avoue que le gouvernement flamand me fait souvent penser au philantrope volant de l’album « Le tombeau hindou » [1][1] . Non qu’il survole et arrose généreusement la Flandre d’or en espérant faire apparaitre un sourire béat sur le visage de chaque Flamand. Mais on n’en est pas loin.
Pas un jour ne se passe sans qu’un ministre flamand annonce de « nouveaux investissements ». Ce week-end encore, la ministre de la Famille Caroline Gennez (Vooruit) renforçait l’accueil extrascolaire des enfants. C’est ce que j’appelle tout simplement des dépenses, ou alors j’investis moi aussi massivement dans mon supermarché local.
Beaucoup de dépenses s’appuient certes sur de bonnes intentions. Le bon de réduction pour l’achat d’un frigo, par exemple, est censé éviter aux pensionnés profitant de leur retraite à la mer de se retrouver le bec dans l’eau. Mais depuis lors, les abus sont connus : certains ont créé un véritable commerce avec ces bons ou les ont utilisés pour s’acheter un deuxième ou un troisième frigo. Et les vendeurs payés à la commission ne sont pas dupes.
[2]Budget: la Flandre doit désormais prouver que ce qu’elle fait seule, elle le fait mieux
Voilà un exemple typique de la façon dont la Flandre gère les deniers publics : comme s’il y en avait assez. Comme si les pouvoirs publics étaient dispensés de réfléchir à deux fois à leurs dépenses.
Le gouvernement flamand s’enorgueillit de l’équilibre budgétaire qu’il vise. Comme si c’était une preuve de rigueur et de parcimonie. Mais les apparences sont trompeuses. Il est facile de boucler le budget flamand puisque l’argent ne manque pas.
La Flandre n’a pas le réflexe d’être économe. Je l’ai moi-même constaté lorsque je siégeais dans le comité de relance sociale, chargé d’élaborer une stratégie pour redémarrer la vie sociale après la crise sanitaire. À l’époque, les financements européens coulaient à flot. J’ai vu avec stupéfaction les centaines de pages de dépenses affectées à telle ou telle mesure. Si les montants étaient rigoureusement tenus à jour, on ne trouvait en revanche aucune trace de leur finalité réelle. Aucun indicateur de « performance », comme on le dirait en jargon du management.
« Le gouvernement flamand s’enorgueillit de l’équilibre budgétaire qu’il vise. Comme si c’était une preuve de rigueur et de parcimonie. Mais les apparences sont trompeuses. Il est facile de boucler le budget flamand puisque l’argent ne manque pas. »
Mettre en place une évaluation est plus facile à dire qu’à faire, me direz-vous. Avec un peu d’intelligence, le demandeur d’un subside formulera ses objectifs de manière à ce que ceux-ci puissent toujours être atteints, afin de justifier la subvention reçue. Déterminer a priori ce qui est réellement réalisable est rarement chose aisée. Les comparaisons avec les pays étrangers (appelées « benchmarking » ) fournissent des enseignements, mais quand même. Les procédures d’évaluation constante peuvent rapidement générer une bureaucratie plus délétère que salutaire.
La Cour des comptes partage mes inquiétudes. Dans un rapport récent consacré au budget flamand, elle pointe le manque de visibilité quant au rendement réel des dépenses. Le gouvernement flamand a promis certaines améliorations et prévu toute une série d’ « examens des dépenses ».
Mais en tout état de cause, un changement de culture s’impose. En témoigne le combat solitaire du député OpenVLD Maurits Vande Reyde, qui se bat tel un Don Quichotte contre la frénésie de dépenses au nord du pays.
Pour ses collègues de groupe parlementaire, il n’y en a pas encore assez. L’un d’entre eux a émis l’idée de la prime de 5000 euros au profit des voitures électriques. Pour sauver la planète bien sûr, mais peut-être aussi un peu par opportunisme électoral.
[3]Le fiasco des primes pour voitures électriques révèle l’incompétence politique en Flandre
Et c’est là que le bât blesse. Nous trouvons tous que nous payons trop d’impôts, mais sommes-nous prêts à ressentir les effets d’un gouvernement à la diète ? Car le secret honteux, c’est qu’une part substantielle de la manne fiscale finit dans les poches de la classe moyenne aisée, dont font partie de nombreux lecteurs du Standaard , je suppose.
Bon nombre de dépenses flamandes sont des friandises distribuées à la classe moyenne. Culture, accueil extrascolaire, primes à la rénovation ou encore ces fameuses formations pour devenir conseiller en fleurs de Bach ou chuchoteur à l’oreille des chevaux. Tel est précisément le profil du nouvel « investissement » de la ministre Gennez. « La mesure évite aux parents de faire le taxi d’une activité à l’autre et donne à chaque enfant la possibilité de développer ses talents ». L’égalité des chances, c’est cela oui.
« Bon nombre de dépenses flamandes sont des friandises distribuées à la classe moyenne. »
C’est simple. Consentir à de nouvelles dépenses est bénéfique pour la cote de popularité ministérielle. À chaque fois. Mais veiller à ne pas prélever dans la poche du contribuable ne « rapporte » qu’une seule fois au ministre.
L’album « Le tombeau hindou » de Bob et Bobette se termine par une lettre du ministre des finances qui annonce que Lambique peut poursuivre ses largesses, à condition que l’État reçoive lui aussi sa part de gâteau. Pour le gouvernement flamand, l’histoire se conclut un peu différemment. Le ministre fédéral des finances s’adresse en ces termes au gouvernement flamand : « Cher gouvernement, voici votre dotation annuelle de 34 milliards. Elle sera un peu moins élevée dans les années à venir, car nous comptons diminuer les impôts juste avant les élections. Ainsi, nous pourrons aussi faire plaisir aux gens. En attendant, nous devons faire tourner la défense, la justice, les soins de santé, les pensions et la sécurité sociale. Pas évident face au vieillissement et à cet imbécile de Trump. Faites bon usage de la dotation et surtout, « investissez-la » bien ! »
[4]La Flandre a son nouveau gouvernement: quel accord pour la N-VA, Vooruit et le CD&V?
[5][1] NDLR : [6]la couverture de l’album représente Lambique survolant la foule en lui distribuant généreusement de l’or.
[1] https://daardaar.be/rubriques/economie/quand-le-gouvernement-flamand-joue-au-philanthrope-volant-avec-largent-public/#_ftn1
[2] https://daardaar.be/rubriques/economie/budget-la-flandre-doit-desormais-prouver-que-ce-quelle-fait-seule-elle-le-fait-mieux/
[3] https://daardaar.be/rubriques/economie/le-fiasco-des-primes-pour-voitures-electriques-revele-lincompetence-politique-en-flandre/
[4] https://daardaar.be/rubriques/politique/la-flandre-a-son-nouveau-gouvernement-quel-accord-pour-la-n-va-vooruit-et-le-cdv/
[5] https://daardaar.be/rubriques/economie/quand-le-gouvernement-flamand-joue-au-philanthrope-volant-avec-largent-public/#_ftnref1
[6] https://images-na.ssl-images-amazon.com/images/I/611vuW6iLvL._SX195_.jpg
Pas un jour ne se passe sans qu’un ministre flamand annonce de « nouveaux investissements ». Ce week-end encore, la ministre de la Famille Caroline Gennez (Vooruit) renforçait l’accueil extrascolaire des enfants. C’est ce que j’appelle tout simplement des dépenses, ou alors j’investis moi aussi massivement dans mon supermarché local.
Beaucoup de dépenses s’appuient certes sur de bonnes intentions. Le bon de réduction pour l’achat d’un frigo, par exemple, est censé éviter aux pensionnés profitant de leur retraite à la mer de se retrouver le bec dans l’eau. Mais depuis lors, les abus sont connus : certains ont créé un véritable commerce avec ces bons ou les ont utilisés pour s’acheter un deuxième ou un troisième frigo. Et les vendeurs payés à la commission ne sont pas dupes.
[2]Budget: la Flandre doit désormais prouver que ce qu’elle fait seule, elle le fait mieux
Voilà un exemple typique de la façon dont la Flandre gère les deniers publics : comme s’il y en avait assez. Comme si les pouvoirs publics étaient dispensés de réfléchir à deux fois à leurs dépenses.
Le gouvernement flamand s’enorgueillit de l’équilibre budgétaire qu’il vise. Comme si c’était une preuve de rigueur et de parcimonie. Mais les apparences sont trompeuses. Il est facile de boucler le budget flamand puisque l’argent ne manque pas.
La Flandre n’a pas le réflexe d’être économe. Je l’ai moi-même constaté lorsque je siégeais dans le comité de relance sociale, chargé d’élaborer une stratégie pour redémarrer la vie sociale après la crise sanitaire. À l’époque, les financements européens coulaient à flot. J’ai vu avec stupéfaction les centaines de pages de dépenses affectées à telle ou telle mesure. Si les montants étaient rigoureusement tenus à jour, on ne trouvait en revanche aucune trace de leur finalité réelle. Aucun indicateur de « performance », comme on le dirait en jargon du management.
« Le gouvernement flamand s’enorgueillit de l’équilibre budgétaire qu’il vise. Comme si c’était une preuve de rigueur et de parcimonie. Mais les apparences sont trompeuses. Il est facile de boucler le budget flamand puisque l’argent ne manque pas. »
Mettre en place une évaluation est plus facile à dire qu’à faire, me direz-vous. Avec un peu d’intelligence, le demandeur d’un subside formulera ses objectifs de manière à ce que ceux-ci puissent toujours être atteints, afin de justifier la subvention reçue. Déterminer a priori ce qui est réellement réalisable est rarement chose aisée. Les comparaisons avec les pays étrangers (appelées « benchmarking » ) fournissent des enseignements, mais quand même. Les procédures d’évaluation constante peuvent rapidement générer une bureaucratie plus délétère que salutaire.
La Cour des comptes partage mes inquiétudes. Dans un rapport récent consacré au budget flamand, elle pointe le manque de visibilité quant au rendement réel des dépenses. Le gouvernement flamand a promis certaines améliorations et prévu toute une série d’ « examens des dépenses ».
Mais en tout état de cause, un changement de culture s’impose. En témoigne le combat solitaire du député OpenVLD Maurits Vande Reyde, qui se bat tel un Don Quichotte contre la frénésie de dépenses au nord du pays.
Pour ses collègues de groupe parlementaire, il n’y en a pas encore assez. L’un d’entre eux a émis l’idée de la prime de 5000 euros au profit des voitures électriques. Pour sauver la planète bien sûr, mais peut-être aussi un peu par opportunisme électoral.
[3]Le fiasco des primes pour voitures électriques révèle l’incompétence politique en Flandre
Et c’est là que le bât blesse. Nous trouvons tous que nous payons trop d’impôts, mais sommes-nous prêts à ressentir les effets d’un gouvernement à la diète ? Car le secret honteux, c’est qu’une part substantielle de la manne fiscale finit dans les poches de la classe moyenne aisée, dont font partie de nombreux lecteurs du Standaard , je suppose.
Bon nombre de dépenses flamandes sont des friandises distribuées à la classe moyenne. Culture, accueil extrascolaire, primes à la rénovation ou encore ces fameuses formations pour devenir conseiller en fleurs de Bach ou chuchoteur à l’oreille des chevaux. Tel est précisément le profil du nouvel « investissement » de la ministre Gennez. « La mesure évite aux parents de faire le taxi d’une activité à l’autre et donne à chaque enfant la possibilité de développer ses talents ». L’égalité des chances, c’est cela oui.
« Bon nombre de dépenses flamandes sont des friandises distribuées à la classe moyenne. »
C’est simple. Consentir à de nouvelles dépenses est bénéfique pour la cote de popularité ministérielle. À chaque fois. Mais veiller à ne pas prélever dans la poche du contribuable ne « rapporte » qu’une seule fois au ministre.
L’album « Le tombeau hindou » de Bob et Bobette se termine par une lettre du ministre des finances qui annonce que Lambique peut poursuivre ses largesses, à condition que l’État reçoive lui aussi sa part de gâteau. Pour le gouvernement flamand, l’histoire se conclut un peu différemment. Le ministre fédéral des finances s’adresse en ces termes au gouvernement flamand : « Cher gouvernement, voici votre dotation annuelle de 34 milliards. Elle sera un peu moins élevée dans les années à venir, car nous comptons diminuer les impôts juste avant les élections. Ainsi, nous pourrons aussi faire plaisir aux gens. En attendant, nous devons faire tourner la défense, la justice, les soins de santé, les pensions et la sécurité sociale. Pas évident face au vieillissement et à cet imbécile de Trump. Faites bon usage de la dotation et surtout, « investissez-la » bien ! »
[4]La Flandre a son nouveau gouvernement: quel accord pour la N-VA, Vooruit et le CD&V?
[5][1] NDLR : [6]la couverture de l’album représente Lambique survolant la foule en lui distribuant généreusement de l’or.
[1] https://daardaar.be/rubriques/economie/quand-le-gouvernement-flamand-joue-au-philanthrope-volant-avec-largent-public/#_ftn1
[2] https://daardaar.be/rubriques/economie/budget-la-flandre-doit-desormais-prouver-que-ce-quelle-fait-seule-elle-le-fait-mieux/
[3] https://daardaar.be/rubriques/economie/le-fiasco-des-primes-pour-voitures-electriques-revele-lincompetence-politique-en-flandre/
[4] https://daardaar.be/rubriques/politique/la-flandre-a-son-nouveau-gouvernement-quel-accord-pour-la-n-va-vooruit-et-le-cdv/
[5] https://daardaar.be/rubriques/economie/quand-le-gouvernement-flamand-joue-au-philanthrope-volant-avec-largent-public/#_ftnref1
[6] https://images-na.ssl-images-amazon.com/images/I/611vuW6iLvL._SX195_.jpg