Elle est flamande et siège pour l’AfD au Parlement européen: qui est Irmhild Boßdorf?
([Politique] 2025-03-01 (DaarDaar))
- Reference: 2025-03_Bosdorf_3-255x170
- News link: https://daardaar.be/rubriques/politique/elle-est-flamande-et-siege-pour-lafd-au-parlement-europeen-qui-est-irmhild-bosdorf/
- Source link: https://www.rtbf.be/article/qui-est-irmhild-bo-dorf-cette-belge-qui-siege-pour-l-afd-au-parlement-europeen-11509460
Née d’une mère flamande et d’un père allemand, Irmhild Boßdorf siège au Parlement européen pour le parti d’extrême droite allemand AfD. Interviewée ces derniers jours dans de nombreux médias flamands pour commenter les résultats des élections fédérales en Allemagne, cette Belgo-Allemande avait suscité la controverse pour ses propos tenus lors d’un meeting où elle avait appelé à une « remigration par millions ».
Comme son nom ne l’indique pas, Irmhild Boßdorf (58) est née à Malines. Lorsqu’elle était encore en maternelle, elle a déménagé dans la ville allemande de Bonn, où elle a ensuite élevé cinq enfants et s’est lancée en politique.
En juin dernier, elle a été élue au Parlement européen pour le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland, ou AfD. Depuis, elle revient régulièrement dans sa maison de maître dans sa ville natale, une étape plus proche de Bruxelles.
Un passeport belge et allemand en poche, Irmhild Boßdorf a grandi dans une famille nationaliste. Son père, Günther Deschner, était un nationaliste allemand de premier plan : non seulement il fréquentait l’extrême droite française et le philosophe Alain de Benoist, principal représentant de la mouvance la « Nouvelle Droite », mais il a également été rédacteur en chef du magazine d’extrême droite « Zuerst ! ».
Sa mère était quant à elle une membre fondatrice de l’Alliance de la Jeunesse nationale-flamande (VNJ), mouvement de jeunesse d’extrême droite dont la branche anversoise est tombée dans le giron néonazi au début des années 1970.
Quand on demande à Irmhild Boßdorf si elle se sent plutôt belge ou flamande, la réponse est claire : « Flamande sans aucun doute. » Avant de tenir un discours qui semble sortir tout droit du Vlaams Belang : « Chaque année, la Flandre transfère des sommes colossales vers la Wallonie. Même s’il existe aussi des transferts entre l’Ouest et l’Est de l’Allemagne, c’est très différent : en Allemagne, il y a des Allemands et en Belgique, deux nationalités : des francophones et des néerlandophones. Ce sont deux peuples différents. »
[1]Vlaams Belang au pouvoir : on sait comment ça commence, mais pas comment ça finit…
Interrogée ce lundi sur le plateau de l’émission De Afspraak (VRT), Irmhild Boßdorf minimisait le côté radical de son parti et de ses opinions. Pourtant, le magazine allemand Die Zeit avait rapporté en juillet 2023 que la politicienne de Rhénanie-du-Nord-Westphalie avait appelé à une « remigration par millions » lors d’un discours à Magdebourg.
Contactée par la RTBF sur le sens qu’elle donnait au terme « remigration », l’eurodéputée a répondu : « Il s’agit du renvoi dans leur pays de personnes qui se sont vues refuser leur demande d’asile en Allemagne. Je ne connais pas le chiffre exact, mais il y a quelques centaines de milliers de personnes qui devraient être expulsées. »
Lorsqu’elle s’est présentée aux élections européennes, elle a aussi obtenu le soutien sur Telegram du controversé Matthias Helferich, député fédéral allemand qui a été écarté du groupe parlementaire de l’AfD au Bundestag en 2021, car il s’était décrit sur les réseaux sociaux comme « le visage amical du national-socialisme », ce qui a provoqué un tollé dans les médias et au sein du parti.
« L’objectif était en réalité de procéder à une vaste déportation »
À la fin de l’année 2023, une réunion secrète s’était tenue à Potsdam quelques mois plus tôt en présence notamment de représentants de l’AfD et d’autres représentants néonazis de l’extrême droite. Le but ? Mettre au point le plan « remigration » visant à expulser d’Allemagne tout citoyen « non assimilé ».
Benjamin Biard se souvient : « En réalité, il s’agissait de mettre au point un plan visant à expulser jusqu’à 2 millions de personnes en situation irrégulière, mais également des personnes qui ont acquis la nationalité allemande mais qui, je cite, ne se seraient pas assimilées à la culture allemande. On voit donc que l’objectif, c’était en réalité de procéder à une vaste déportation. »
[2]Quand Dries Van Langenhove rassemble l’extrême droite européenne à Bruxelles
De son côté, Irmhild Boßdorf continue de parler de « remigration » et évite le terme « déportation », trop connoté. Elle minimise aussi les propos tenus lors de cette réunion secrète : « Il y avait aussi des personnalités politiques de la CDU aux côtés de représentants de l’AfD. Selon les participants, il s’agissait simplement d’une réunion informelle pour créer des contacts. Martin Sellner, membre du mouvement identitaire, y a exposé ses projets de « remigration ».
L’information sortie à l’époque par le média d’investigation Collectiv, avait fait grand bruit en Allemagne et entraîné l’organisation de manifestants à travers le pays où des centaines de milliers ont protesté contre l’extrême droite.
L’AfD n’hésite pas à jouer avec les démons du passé. Lors de la campagne qui a débouché aux élections législatives anticipées du 23 février 2025, l’actuelle présidente du parti d’extrême droite, Alice Weidel, a aussi fait polémique lors de son débat avec Elon Musk sur X en affirmant qu’Adolf Hitler était un gauchiste.
Et que dire de son slogan de campagne : « Alice für Deutschland » (« Alice pour l’Allemagne ») ? Un slogan qui joue sur un double sens. En allemand, « Alice » sonne un peu comme « Alles » (« tout »). Or « Alles für Deutschland » était un slogan nazi.
Selon Benjamin Biard, l’AfD est une formation qui assume beaucoup plus sa radicalité que d’autres partis européens : « Le parti a suivi une voie de radicalisation depuis sa création. En 2013, il n’était pas évident pour tous les observateurs d’affirmer qu’il s’agissait d’un parti d’extrême droite. Il était libéral sur le plan socio-économique, conservateur sur le plan culturel et des valeurs certainement eurosceptiques, voire europhobes. Petit à petit, sous l’influence de son organisation de jeunesse, l’AfD a gagné en radicalité. Il s’agit d’une tendance qui va un peu à contre-courant en Europe. »
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Grâce aux 15 sièges remportés par l’AfD lors de ces élections, Irmhild Boßdorf a été élue députée européenne le 9 juin 2024. Au Parlement européen, elle occupe également le poste de chef adjointe de la délégation de l’AfD.
Son ascension rapide au sein du parti reflète la stratégie de l’AfD de promouvoir des femmes leaders, à l’instar d’Alice Weidel, pour redéfinir l’image de l’extrême droite en Allemagne et en Europe.
Cette tendance, observée également avec des figures comme Giorgia Meloni en Italie et Marine Le Pen en France, illustre une évolution notable dans le paysage politique européen, où des femmes occupent des rôles de premier plan au sein de partis nationalistes et conservateurs.
Irmhild Boßdorf incarne ainsi une nouvelle vague de nationalisme à l’européenne. De par sa double nationalité, le Vlaams Belang la voit par ailleurs comme un « demi-siège supplémentaire » au Parlement européen, comme le rapporte le quotidien Gazet Van Antwerpen.
« Le discours anxiogène et identitaire constitue désormais un dénominateur commun puissant qui unit au-delà des frontières nationales ces différents partis d’extrême droite »
Benjamin Biard souligne quant à lui une évolution marquante au sein des mouvements d’extrême droite comme l’AfD et le Vlaams Belang : « Si ces partis ne siègent plus ensemble au sein d’un même groupe politique au Parlement européen, leur proximité idéologique reste évidente. Derrière leur rhétorique du « peuple » se cache souvent un nationalisme exclusif, construit par l’exclusion de certaines catégories de la population. Un phénomène de nationalisme à l’échelle européenne, non pas lié à l’Union européenne, semble émerger, basé sur une certaine idée d’une civilisation européenne menacée. »
Cette vision défendue par Irmhild Boßdorf s’articule clairement autour de la théorie conspirationniste du Grand remplacement, estime Benjamin Biard. Selon cette théorie, une élite au pouvoir œuvrerait à remplacer progressivement une civilisation européenne, blanche et chrétienne, par une civilisation venue de l’extérieur, majoritairement musulmane, conclut le politologue : « Ce discours anxiogène et identitaire constitue désormais un dénominateur commun puissant qui unit au-delà des frontières nationales ces différents partis d’extrême droite. Malgré leurs divergences nationales, ils trouvent ainsi un terrain d’entente idéologique inquiétant, susceptible de redessiner profondément le paysage politique européen. »
[3]La théorie du « grand remplacement » fait son retour en Flandre
[1] https://daardaar.be/rubriques/politique/vlaams-belang-au-pouvoir-on-sait-comment-ca-commence-mais-pas-comment-ca-finit/
[2] https://daardaar.be/rubriques/societe/quand-dries-van-langenhove-rassemble-lextreme-droite-europeenne-a-bruxelles/
[3] https://daardaar.be/rubriques/politique/la-theorie-du-grand-remplacement-fait-son-retour-en-flandre/
Comme son nom ne l’indique pas, Irmhild Boßdorf (58) est née à Malines. Lorsqu’elle était encore en maternelle, elle a déménagé dans la ville allemande de Bonn, où elle a ensuite élevé cinq enfants et s’est lancée en politique.
En juin dernier, elle a été élue au Parlement européen pour le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland, ou AfD. Depuis, elle revient régulièrement dans sa maison de maître dans sa ville natale, une étape plus proche de Bruxelles.
Nationaliste flamande dès le berceau
Un passeport belge et allemand en poche, Irmhild Boßdorf a grandi dans une famille nationaliste. Son père, Günther Deschner, était un nationaliste allemand de premier plan : non seulement il fréquentait l’extrême droite française et le philosophe Alain de Benoist, principal représentant de la mouvance la « Nouvelle Droite », mais il a également été rédacteur en chef du magazine d’extrême droite « Zuerst ! ».
Sa mère était quant à elle une membre fondatrice de l’Alliance de la Jeunesse nationale-flamande (VNJ), mouvement de jeunesse d’extrême droite dont la branche anversoise est tombée dans le giron néonazi au début des années 1970.
Quand on demande à Irmhild Boßdorf si elle se sent plutôt belge ou flamande, la réponse est claire : « Flamande sans aucun doute. » Avant de tenir un discours qui semble sortir tout droit du Vlaams Belang : « Chaque année, la Flandre transfère des sommes colossales vers la Wallonie. Même s’il existe aussi des transferts entre l’Ouest et l’Est de l’Allemagne, c’est très différent : en Allemagne, il y a des Allemands et en Belgique, deux nationalités : des francophones et des néerlandophones. Ce sont deux peuples différents. »
[1]Vlaams Belang au pouvoir : on sait comment ça commence, mais pas comment ça finit…
Remigration « par millions »
Interrogée ce lundi sur le plateau de l’émission De Afspraak (VRT), Irmhild Boßdorf minimisait le côté radical de son parti et de ses opinions. Pourtant, le magazine allemand Die Zeit avait rapporté en juillet 2023 que la politicienne de Rhénanie-du-Nord-Westphalie avait appelé à une « remigration par millions » lors d’un discours à Magdebourg.
Contactée par la RTBF sur le sens qu’elle donnait au terme « remigration », l’eurodéputée a répondu : « Il s’agit du renvoi dans leur pays de personnes qui se sont vues refuser leur demande d’asile en Allemagne. Je ne connais pas le chiffre exact, mais il y a quelques centaines de milliers de personnes qui devraient être expulsées. »
Lorsqu’elle s’est présentée aux élections européennes, elle a aussi obtenu le soutien sur Telegram du controversé Matthias Helferich, député fédéral allemand qui a été écarté du groupe parlementaire de l’AfD au Bundestag en 2021, car il s’était décrit sur les réseaux sociaux comme « le visage amical du national-socialisme », ce qui a provoqué un tollé dans les médias et au sein du parti.
« L’objectif était en réalité de procéder à une vaste déportation »
À la fin de l’année 2023, une réunion secrète s’était tenue à Potsdam quelques mois plus tôt en présence notamment de représentants de l’AfD et d’autres représentants néonazis de l’extrême droite. Le but ? Mettre au point le plan « remigration » visant à expulser d’Allemagne tout citoyen « non assimilé ».
Benjamin Biard se souvient : « En réalité, il s’agissait de mettre au point un plan visant à expulser jusqu’à 2 millions de personnes en situation irrégulière, mais également des personnes qui ont acquis la nationalité allemande mais qui, je cite, ne se seraient pas assimilées à la culture allemande. On voit donc que l’objectif, c’était en réalité de procéder à une vaste déportation. »
[2]Quand Dries Van Langenhove rassemble l’extrême droite européenne à Bruxelles
De son côté, Irmhild Boßdorf continue de parler de « remigration » et évite le terme « déportation », trop connoté. Elle minimise aussi les propos tenus lors de cette réunion secrète : « Il y avait aussi des personnalités politiques de la CDU aux côtés de représentants de l’AfD. Selon les participants, il s’agissait simplement d’une réunion informelle pour créer des contacts. Martin Sellner, membre du mouvement identitaire, y a exposé ses projets de « remigration ».
L’information sortie à l’époque par le média d’investigation Collectiv, avait fait grand bruit en Allemagne et entraîné l’organisation de manifestants à travers le pays où des centaines de milliers ont protesté contre l’extrême droite.
L’AfD à contre-courant en Europe
L’AfD n’hésite pas à jouer avec les démons du passé. Lors de la campagne qui a débouché aux élections législatives anticipées du 23 février 2025, l’actuelle présidente du parti d’extrême droite, Alice Weidel, a aussi fait polémique lors de son débat avec Elon Musk sur X en affirmant qu’Adolf Hitler était un gauchiste.
Et que dire de son slogan de campagne : « Alice für Deutschland » (« Alice pour l’Allemagne ») ? Un slogan qui joue sur un double sens. En allemand, « Alice » sonne un peu comme « Alles » (« tout »). Or « Alles für Deutschland » était un slogan nazi.
Selon Benjamin Biard, l’AfD est une formation qui assume beaucoup plus sa radicalité que d’autres partis européens : « Le parti a suivi une voie de radicalisation depuis sa création. En 2013, il n’était pas évident pour tous les observateurs d’affirmer qu’il s’agissait d’un parti d’extrême droite. Il était libéral sur le plan socio-économique, conservateur sur le plan culturel et des valeurs certainement eurosceptiques, voire europhobes. Petit à petit, sous l’influence de son organisation de jeunesse, l’AfD a gagné en radicalité. Il s’agit d’une tendance qui va un peu à contre-courant en Europe. »
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Femmes d’extrême droite : le nationalisme « made in Europe »
Grâce aux 15 sièges remportés par l’AfD lors de ces élections, Irmhild Boßdorf a été élue députée européenne le 9 juin 2024. Au Parlement européen, elle occupe également le poste de chef adjointe de la délégation de l’AfD.
Son ascension rapide au sein du parti reflète la stratégie de l’AfD de promouvoir des femmes leaders, à l’instar d’Alice Weidel, pour redéfinir l’image de l’extrême droite en Allemagne et en Europe.
Cette tendance, observée également avec des figures comme Giorgia Meloni en Italie et Marine Le Pen en France, illustre une évolution notable dans le paysage politique européen, où des femmes occupent des rôles de premier plan au sein de partis nationalistes et conservateurs.
Vers un nationalisme européen fondé sur l’exclusion
Irmhild Boßdorf incarne ainsi une nouvelle vague de nationalisme à l’européenne. De par sa double nationalité, le Vlaams Belang la voit par ailleurs comme un « demi-siège supplémentaire » au Parlement européen, comme le rapporte le quotidien Gazet Van Antwerpen.
« Le discours anxiogène et identitaire constitue désormais un dénominateur commun puissant qui unit au-delà des frontières nationales ces différents partis d’extrême droite »
Benjamin Biard souligne quant à lui une évolution marquante au sein des mouvements d’extrême droite comme l’AfD et le Vlaams Belang : « Si ces partis ne siègent plus ensemble au sein d’un même groupe politique au Parlement européen, leur proximité idéologique reste évidente. Derrière leur rhétorique du « peuple » se cache souvent un nationalisme exclusif, construit par l’exclusion de certaines catégories de la population. Un phénomène de nationalisme à l’échelle européenne, non pas lié à l’Union européenne, semble émerger, basé sur une certaine idée d’une civilisation européenne menacée. »
Cette vision défendue par Irmhild Boßdorf s’articule clairement autour de la théorie conspirationniste du Grand remplacement, estime Benjamin Biard. Selon cette théorie, une élite au pouvoir œuvrerait à remplacer progressivement une civilisation européenne, blanche et chrétienne, par une civilisation venue de l’extérieur, majoritairement musulmane, conclut le politologue : « Ce discours anxiogène et identitaire constitue désormais un dénominateur commun puissant qui unit au-delà des frontières nationales ces différents partis d’extrême droite. Malgré leurs divergences nationales, ils trouvent ainsi un terrain d’entente idéologique inquiétant, susceptible de redessiner profondément le paysage politique européen. »
[3]La théorie du « grand remplacement » fait son retour en Flandre
[1] https://daardaar.be/rubriques/politique/vlaams-belang-au-pouvoir-on-sait-comment-ca-commence-mais-pas-comment-ca-finit/
[2] https://daardaar.be/rubriques/societe/quand-dries-van-langenhove-rassemble-lextreme-droite-europeenne-a-bruxelles/
[3] https://daardaar.be/rubriques/politique/la-theorie-du-grand-remplacement-fait-son-retour-en-flandre/