En septembre dernier, Nurettin s’est présenté au service Population d’Aalter pour signaler son déménagement et se domicilier dans cette commune de Flandre-Orientale. Six mois plus tard, il est toujours dans l’attente de son inscription au registre.

Nurettin est loin d’être un cas isolé. Une enquête menée par De Morgen et Pano (VRT) révèle que les personnes d’origine étrangère, ou portant simplement un nom à consonnance exotique, doivent prendre leur mal en patience avant d’être officiellement domiciliées à Aalter. Les délais peuvent aller de deux semaines à un an, selon les cas.

Il ressort de l’enquête que les inspections de qualité des logements servent de prétexte à Pieter De Crem (CD&V), bourgmestre d’Aalter, pour tirer le processus en longueur. À quelques rares exceptions près, ces contrôles ne concernent que des personnes d’origine étrangère. Les délais sont ainsi dépassés et les lois bafouées, sans que Pieter De Crem ne s’en émeuve le moins du monde.

[1]Intégration : les primo-arrivants en ont-ils pour leur argent ?

C’est ce que l’on appelle une politique de harcèlement. Et ce n’est pas un harcèlement arbitraire : il s’agit d’une stratégie délibérée, visant spécifiquement des personnes ayant des origines ou des noms venus d’autres horizons. Qualifier ces pratiques de xénophobes est un euphémisme. Mais au-delà de l’indignation qu’elles suscitent, il convient de rappeler qu’elles sont tout bonnement illégales. À noter que Pieter De Crem prétend s’appuyer sur la marge de manœuvre qu’offre la nouvelle législation aux bourgmestres en matière de répression administrative. Force est de constater qu’il en use et en abuse.

Aalter illustre bien à quel point une loi peut être détournée par des bourgmestres désireux de jouer les shérifs. L’ancien ministre de la Défense n’est ni le premier ni le dernier maïeur à se servir de la loi pour imposer des normes arbitraires dans son fief, sous couvert de maintien de l’ordre. Une telle dérive administrative érode la confiance des citoyens envers les pouvoirs locaux.

« Cette politique de harcèlement à Aalter s’inscrit dans une tendance politique plus large consistant à mettre des bâtons dans les roues des étrangers, quand bien même sont-ils en séjour légal. »

C’est la première leçon à retenir. La seconde, c’est que cette politique de harcèlement à Aalter s’inscrit dans une tendance politique plus large consistant à mettre des bâtons dans les roues des étrangers, quand bien même sont-ils en séjour légal. Parmi les obstacles rencontrés, citons des frais administratifs plus élevés et des politiques de logement discriminatoires. Et, un cran au-dessus, la politique fédérale en matière d’asile ne déroge pas à la règle. La nouvelle ministre N-VA, Anneleen Van Bossuyt, a récemment confirmé qu’elle suivrait les traces de son prédécesseur, qui faisait fi des décisions judiciaires en laissant des demandeurs d’asile masculins à la rue. Toutes ces mesures ciblent des groupes de population divers, mais une constante se dégage : les étrangers, ou du moins les personnes perçues comme telles, sont dans le collimateur.

Si cette politique de persécution trouve un écho favorable auprès de certains, elle n’en reste pas moins contre-productive. À l’échelle fédérale, elle sape l’État de droit, et nous finirons à terme par en payer les pots cassés. Elle plonge déjà Bruxelles dans des crises sociales et sécuritaires graves. À Aalter, le bourgmestre ne lèse pas uniquement les étrangers : il pénalise aussi les entreprises industrielles qui ont besoin de main-d’œuvre et souhaitent embaucher ces personnes. Dans un tel climat, où le vent politique a clairement changé de direction, se taire n’est pas la solution.

[2]« La société flamande a tout à gagner d’une plus grande mixité »



[1] https://daardaar.be/rubriques/societe/integration-les-primo-arrivants-en-ont-ils-pour-leur-argent/

[2] https://daardaar.be/rubriques/societe/la-societe-flamande-a-tout-a-gagner-dune-plus-grande-mixite/