De Wever au pouvoir: une chance inattendue pour les francophones?
([Opinions, Politique] 2025-02-01 (De Standaard))
- Reference: 2025-02_DeWever-255x170
- News link: https://daardaar.be/rubriques/politique/de-wever-au-pouvoir-une-chance-inattendue-pour-les-francophones/
- Source link: https://www.standaard.be/cnt/dmf20250202_96851399
Difficile de trouver geste politique plus symbolique aujourd’hui que le fameux coup de com’ réalisé par Bart De Wever, il y a vingt ans, le 6 janvier 2005. Aujourd’hui au sommet de sa gloire, le jeune nationaliste avait alors profondément vexé l’opinion publique francophone en conduisant au pied de l’ascenseur à bateaux de Strépy-Thieu une caravane de douze camionnettes remplies de billets de 50 euros. 250 m3 de papier, pour un total de 11,3 milliards : tel était le montant des flux d’argent qui, selon le petit parti rebelle qu’était encore la N-VA à l’époque, transitaient chaque année de la Flandre vers la Wallonie. De Wever posa devant l’ouvrage, les mains pleines de billets. « Ah, ce type ! Je ne sais même pas qui c’est », avait réagi le bourgmestre de Strépy. « Mais vous verrez, s’il devient un jour ministre ou que sais-je, il se radoucira. »
De fait, De Wever se montre aujourd’hui plus diplomate à l’égard des francophones. Mais son ambition politique, elle, ne s’est guère atténuée. Jusqu’à le hisser au 16, rue de la Loi, au bout d’une longue marche à travers les institutions. Contrairement à quelques prédécesseurs comme Charles Michel et assurément Alexander De Croo, l’homme a un plan, qu’il entend bien déployer sur le long terme. « Le jeune De Wever ressemble beaucoup à l’ancien », a déclaré l’intéressé samedi lors de sa première interview télévisée en tant que Premier ministre. Et puis cette phrase, prononcée à la VRT, mais pas à la RTBF : « La réforme la plus communautaire que l’on puisse faire, c’est de limiter le chômage dans le temps. »
Si, au sens strict du terme, De Wever a sacrifié le communautaire pour le 16, il a réalisé un renversement nord-sud d’une tout autre nature. De Strépy à l’accord de coalition, on peut clairement percevoir un fil conducteur. Dans le grand plan d’assainissement des finances prévu par l’Arizona, aucune mesure individuelle ne rapporte plus que les économies sur les allocations de chômage. Près de 70 % des chômeurs de longue durée sont wallons et bruxellois. Ces régions ont un grand retard à rattraper pour atteindre l’objectif d’un taux d’emploi de 80 %. En gros, les économies prévues et leurs effets de retour peuvent déjà financer la moitié de l’opération de redressement. Bien davantage que la taxe sur les plus-values sur les actifs financiers. De Wever veut donc assurer la prospérité flamande en forçant la Wallonie et Bruxelles à se reprendre en main à coups de bâton.
À relire
[1]Qui est (vraiment) Bart De Wever? Découvrez l’humain derrière l’élu politique
Maos ce n’est pas pour déplaire aux francophones. À l’époque de Strépy, il était encore mal venu de se moquer de l’« assistanat » socialiste. Le nouveau socle sur lequel s’appuie ce gouvernement est qu’une majorité de francophones a fini par partager l’analyse de De Wever, par le truchement du bélier libéral Georges-Louis Bouchez. Résultat : l’Arizona peut appliquer des recettes libérales moins frelatées que la suédoise (2014-2018), même si ce gouvernement était sur papier idéologiquement similaire. Le soutien apporté par la population francophone sera déterminant dans la réussite de cette équipe et de sa capacité à faire face à la protestation (de la rue).
Ce gouvernement démarre donc comme un projet pionnier, qui s’assimile au dénouement de palabres qui couvent depuis 20 ans. Il promet aussi de modifier l’horizon politique de De Wever. Comment l’homme pourra-t-il encore défendre son vague projet de confédéralisme s’il parvient à mettre en œuvre le cœur de son programme gouvernemental, recueil noirci de mesures visant à promouvoir le goût du travail, l’innovation et l’esprit d’entreprise ?
Un remaniement des structures de l’État fera très certainement l’objet de négociations, notamment dans le domaine de la santé. Mais quel argument solide la N-VA pourra-t-elle invoquer pour justifier l’autonomie de la Flandre si le fédéral sert les intérêts de ses citoyens, que des ministères aussi cruciaux que le budget, les pensions, les finances, la santé et la migration sont entre les mains de ministres flamands, vieux loups de la politique, et que la Défense reçoit carte blanche pour agir à sa guise ? Les francophones qui craignent que De Wever ne divise encore davantage le pays se méprennent sur les conséquences de cette prise de contrôle. Au fédéral, mais aussi en Wallonie et à Bruxelles.
À relire
[2]Qui est Bart De Wever, le président de la N-VA qui boycotte la plupart des médias francophones?
[1] https://daardaar.be/rubriques/politique/qui-est-vraiment-bart-de-wever-decouvrez-lhumain-derriere-lelu-politique/
[2] https://daardaar.be/rubriques/politique/qui-est-bart-de-wever-le-president-de-la-n-va-qui-boycotte-la-plupart-des-medias-francophones/
De fait, De Wever se montre aujourd’hui plus diplomate à l’égard des francophones. Mais son ambition politique, elle, ne s’est guère atténuée. Jusqu’à le hisser au 16, rue de la Loi, au bout d’une longue marche à travers les institutions. Contrairement à quelques prédécesseurs comme Charles Michel et assurément Alexander De Croo, l’homme a un plan, qu’il entend bien déployer sur le long terme. « Le jeune De Wever ressemble beaucoup à l’ancien », a déclaré l’intéressé samedi lors de sa première interview télévisée en tant que Premier ministre. Et puis cette phrase, prononcée à la VRT, mais pas à la RTBF : « La réforme la plus communautaire que l’on puisse faire, c’est de limiter le chômage dans le temps. »
Si, au sens strict du terme, De Wever a sacrifié le communautaire pour le 16, il a réalisé un renversement nord-sud d’une tout autre nature. De Strépy à l’accord de coalition, on peut clairement percevoir un fil conducteur. Dans le grand plan d’assainissement des finances prévu par l’Arizona, aucune mesure individuelle ne rapporte plus que les économies sur les allocations de chômage. Près de 70 % des chômeurs de longue durée sont wallons et bruxellois. Ces régions ont un grand retard à rattraper pour atteindre l’objectif d’un taux d’emploi de 80 %. En gros, les économies prévues et leurs effets de retour peuvent déjà financer la moitié de l’opération de redressement. Bien davantage que la taxe sur les plus-values sur les actifs financiers. De Wever veut donc assurer la prospérité flamande en forçant la Wallonie et Bruxelles à se reprendre en main à coups de bâton.
À relire
[1]Qui est (vraiment) Bart De Wever? Découvrez l’humain derrière l’élu politique
Maos ce n’est pas pour déplaire aux francophones. À l’époque de Strépy, il était encore mal venu de se moquer de l’« assistanat » socialiste. Le nouveau socle sur lequel s’appuie ce gouvernement est qu’une majorité de francophones a fini par partager l’analyse de De Wever, par le truchement du bélier libéral Georges-Louis Bouchez. Résultat : l’Arizona peut appliquer des recettes libérales moins frelatées que la suédoise (2014-2018), même si ce gouvernement était sur papier idéologiquement similaire. Le soutien apporté par la population francophone sera déterminant dans la réussite de cette équipe et de sa capacité à faire face à la protestation (de la rue).
Ce gouvernement démarre donc comme un projet pionnier, qui s’assimile au dénouement de palabres qui couvent depuis 20 ans. Il promet aussi de modifier l’horizon politique de De Wever. Comment l’homme pourra-t-il encore défendre son vague projet de confédéralisme s’il parvient à mettre en œuvre le cœur de son programme gouvernemental, recueil noirci de mesures visant à promouvoir le goût du travail, l’innovation et l’esprit d’entreprise ?
Un remaniement des structures de l’État fera très certainement l’objet de négociations, notamment dans le domaine de la santé. Mais quel argument solide la N-VA pourra-t-elle invoquer pour justifier l’autonomie de la Flandre si le fédéral sert les intérêts de ses citoyens, que des ministères aussi cruciaux que le budget, les pensions, les finances, la santé et la migration sont entre les mains de ministres flamands, vieux loups de la politique, et que la Défense reçoit carte blanche pour agir à sa guise ? Les francophones qui craignent que De Wever ne divise encore davantage le pays se méprennent sur les conséquences de cette prise de contrôle. Au fédéral, mais aussi en Wallonie et à Bruxelles.
À relire
[2]Qui est Bart De Wever, le président de la N-VA qui boycotte la plupart des médias francophones?
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[2] https://daardaar.be/rubriques/politique/qui-est-bart-de-wever-le-president-de-la-n-va-qui-boycotte-la-plupart-des-medias-francophones/