Des kits d’urgence mais pas de panique! : l’annonce malhabile de la ministre Verlinden
([Opinions, Société] 2024-12-01 (De Morgen))
- Reference: 2024-12_Belgaimage-91999533-255x170
- News link: https://daardaar.be/rubriques/societe/kits_urgence_panique_verlinden/
- Source link: https://www.demorgen.be/meningen/zou-het-kunnen-dat-minister-verlinden-zich-aan-ietsisme-bezondigt~b39be426/
« On va tous mourir, papa ? » C’est la question pour le moins sérieuse que m’a posée ma fille de onze ans, au petit déjeuner lundi matin. Elle venait d’entendre à la radio la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (cd&v) annoncer une campagne du Centre de crise national pour améliorer la résilience des citoyens face aux situations d’urgence. Et la ministre de déclarer solennellement : « Nous ne vivons plus dans la paix que nous espérions » avant d’enjoindre la population de « ne pas paniquer ».
Premier effet concret de sa communication : angoisser au moins une jeune citoyenne. Et elle n’aura sans doute pas été la seule. C’est un classique de la psychologie sociale. À quoi songent les gens quand on leur dit de ne pas penser à un éléphant ? C’est la question rhétorique posée par le philosophe et linguiste américain George Lakoff. Où les gens courent-ils quand on leur dit de ne pas se précipiter à la banque pour retirer de l’argent ?
Et voilà depuis lors que fleurissent les kits d’urgence. Pas un quotidien qui ne dresse sa liste d’incontournables à avoir chez soi « au cas où » : une trousse de secours bien fournie, une batterie externe chargée comme il se doit, une lampe de poche sans piles et une radio sur piles. Des cadeaux de Noël tout trouvés et une renaissance inespérée pour les fabricants de radios, à l’ère du numérique.
La « communication d’urgence » d’Annelies Verlinden me laisse perplexe. Si la ministre parle de « tensions géopolitiques, de catastrophes naturelles et de cyberattaques », le centre de crise prépare, quant à lui, une sensibilisation aux inondations et aux ruptures d’approvisionnement en eau potable ou en électricité. C’est déjà différent. Pour éviter la panique justement, le centre préfère ne pas distribuer de brochure truffée de conseils concrets, comme en Suède.
À relire
[1]Inondations en Espagne : un avertissement pour la Flandre et sa gestion de l’eau
Serait-ce alors un effet d’annonce de la ministre Verlinden ? Vous savez, cette volonté irrépressible qu’ont les responsables politiques, quand surgit une inquiétude dans la société, d’occuper le terrain en annonçant à tout prix « quelque chose », efficace ou pas. Histoire surtout de ne pas se voir reprocher leur inaction. C’est dans ce même climat de panique que le pays s’est doté d’un stock inutilisé de quatre millions de boîtes de comprimés d’iode. Reliquat d’une époque où le pays redoutait davantage une catastrophe nucléaire que la sortie du nucléaire.
Dans le débat sur le climat, on critique souvent, à juste titre, les politiques trop axées sur la responsabilité individuelle. Peu efficaces, les discours moralisateurs sur les voyages en avion ou la consommation de viande n’apportent aucune solution au problème structurel. C’est vrai. Mais appliquons alors le même principe à l’adaptation aux crises, dont les kits d’urgence sont un instrument. Je refuse d’accorder du crédit à des pouvoirs publics qui, aujourd’hui encore, autorisent des familles à construire en zone inondable, mais donnent des conseils aux individus sur l’utilité des lampes de poche en cas d’inondation.
Je ne suis pas naïf. Les enjeux climatiques et géopolitiques rendent l’époque incertaine et peu réjouissante. Ces problématiques vont demander bien plus d’attention et de moyens politiques que nous ne l’imaginons. Mais ce n’est pas la campagne floue d’une ministre qui changera la donne.
À réécouter pendant les fêtes: nos podcasts Dring Dring
[2]S01E03 – Être flamand, c’est quoi?
[1] https://daardaar.be/rubriques/politique/inondations-en-espagne-un-avertissement-pour-la-flandre-et-sa-gestion-de-leau/
[2] https://daardaar.be/podcast/dring-dring/s01e03-etre-flamand-cest-quoi/
Premier effet concret de sa communication : angoisser au moins une jeune citoyenne. Et elle n’aura sans doute pas été la seule. C’est un classique de la psychologie sociale. À quoi songent les gens quand on leur dit de ne pas penser à un éléphant ? C’est la question rhétorique posée par le philosophe et linguiste américain George Lakoff. Où les gens courent-ils quand on leur dit de ne pas se précipiter à la banque pour retirer de l’argent ?
Et voilà depuis lors que fleurissent les kits d’urgence. Pas un quotidien qui ne dresse sa liste d’incontournables à avoir chez soi « au cas où » : une trousse de secours bien fournie, une batterie externe chargée comme il se doit, une lampe de poche sans piles et une radio sur piles. Des cadeaux de Noël tout trouvés et une renaissance inespérée pour les fabricants de radios, à l’ère du numérique.
La « communication d’urgence » d’Annelies Verlinden me laisse perplexe. Si la ministre parle de « tensions géopolitiques, de catastrophes naturelles et de cyberattaques », le centre de crise prépare, quant à lui, une sensibilisation aux inondations et aux ruptures d’approvisionnement en eau potable ou en électricité. C’est déjà différent. Pour éviter la panique justement, le centre préfère ne pas distribuer de brochure truffée de conseils concrets, comme en Suède.
À relire
[1]Inondations en Espagne : un avertissement pour la Flandre et sa gestion de l’eau
Serait-ce alors un effet d’annonce de la ministre Verlinden ? Vous savez, cette volonté irrépressible qu’ont les responsables politiques, quand surgit une inquiétude dans la société, d’occuper le terrain en annonçant à tout prix « quelque chose », efficace ou pas. Histoire surtout de ne pas se voir reprocher leur inaction. C’est dans ce même climat de panique que le pays s’est doté d’un stock inutilisé de quatre millions de boîtes de comprimés d’iode. Reliquat d’une époque où le pays redoutait davantage une catastrophe nucléaire que la sortie du nucléaire.
Dans le débat sur le climat, on critique souvent, à juste titre, les politiques trop axées sur la responsabilité individuelle. Peu efficaces, les discours moralisateurs sur les voyages en avion ou la consommation de viande n’apportent aucune solution au problème structurel. C’est vrai. Mais appliquons alors le même principe à l’adaptation aux crises, dont les kits d’urgence sont un instrument. Je refuse d’accorder du crédit à des pouvoirs publics qui, aujourd’hui encore, autorisent des familles à construire en zone inondable, mais donnent des conseils aux individus sur l’utilité des lampes de poche en cas d’inondation.
Je ne suis pas naïf. Les enjeux climatiques et géopolitiques rendent l’époque incertaine et peu réjouissante. Ces problématiques vont demander bien plus d’attention et de moyens politiques que nous ne l’imaginons. Mais ce n’est pas la campagne floue d’une ministre qui changera la donne.
À réécouter pendant les fêtes: nos podcasts Dring Dring
[2]S01E03 – Être flamand, c’est quoi?
[1] https://daardaar.be/rubriques/politique/inondations-en-espagne-un-avertissement-pour-la-flandre-et-sa-gestion-de-leau/
[2] https://daardaar.be/podcast/dring-dring/s01e03-etre-flamand-cest-quoi/