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Des caméras intelligentes pour détecter la violence : dépasse-t-on les bornes ?

([Société] 2024-11-01 (De Morgen))


La police d’Anvers s’apprête à tester des caméras équipées d’intelligence artificielle capables de reconnaître automatiquement les comportements violents. Une première ? Pas tout à fait. L’intelligence artificielle s’infiltre dans les services de police depuis plusieurs années. Non sans heurts.

Dès janvier, ces caméras seront installées dans le quartier juif d’Anvers. Cette information, relayée par la Gazet van Antwerpen, vient d’être confirmée à la rédaction. Ce programme vise à améliorer la sécurité de la communauté juive grâce à une subvention de 1,3 million d’euros octroyée par la Commission européenne.

Outre Anvers, fer de lance du projet baptisé Aegis, la gendarmerie roumaine et la police espagnole participent également à cette initiative. Dans la ville portuaire, les forces de l’ordre collaboreront avec une synagogue locale et le Consistoire central israélite de Belgique, l’organe représentatif du judaïsme belge.

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Le projet se divise en quatre volets, dont l’un concerne le renforcement de la capacité de détection des menaces via des technologies intelligentes. « Ces caméras pourront identifier automatiquement les comportements violents », explique le porte-parole du bourgmestre Bart De Wever (N-VA). « La communauté juive, confrontée à un niveau de menace élevé, constitue un cas d’étude idéal pour tester cette technologie. »

Points sensibles



Anvers n’en est pas à son coup d’essai. Le corps de police, qualifié de « modèle » par Bart De Wever, avait déjà reçu des financements européens pour un projet de drones. La ville compte actuellement 820 caméras de surveillance réparties sur son territoire.

L’idée d’utiliser des caméras intelligentes pour détecter la violence peut sembler innovante, mais cette approche ne date pas d’hier. Ce système est déjà utilisé dans des quartiers « sensibles » à Merksem et Deurne pour lutter contre les dépôts sauvages. En trois semaines, il a permis d’infliger 87 amendes administratives et de réduire considérablement le temps de traitement des images de vidéosurveillance. Ce processus aurait pris 70 heures à un agent, tandis que l’IA l’a bouclé en 3,5 heures. Pour ce faire, Anvers fait appel à un partenaire externe, qui cite cinq autres communes sur son site web. Il est en revanche impossible de savoir combien de zones de police, au total, utilisent cette technologie.

Les villes de Courtrai et Bruxelles disposent quant à elles d’un logiciel israélien de reconnaissance faciale qui, d’après les zones de police concernées, n’est pas employé en pratique, faute de cadre légal dans notre pays.

[2]L’intelligence artificielle peut-elle (déjà) vous faire gagner de l’argent ?

Toujours est-il que les résultats ne sont pas toujours positifs. La police fédérale avait expérimenté la reconnaissance faciale à l’aéroport de Zaventem avant de faire marche arrière, sous la pression de l’organe de Contrôle de l’Information Policière (COC).

Pour l’heure, le projet anversois n’intègre pas de logiciels de reconnaissance faciale, se concentrant principalement sur la détection rapide de comportements suspects grâce à des systèmes auto-apprenants. S’il s’avère par exemple que le dispositif de surveillance cible parfois à tort des groupes de jeunes, il apprendra à ne plus systématiquement donner le signal d’alarme.

Avant de déployer ces caméras, la police anversoise devra soumettre une évaluation d’impact sur la protection des données au COC. Par ailleurs, la nouvelle réglementation européenne sur l’IA, qui entrera en vigueur en février, obligera les autorités à analyser les conséquences de ces technologies sur les droits fondamentaux.

« Il faudra évaluer les effets de ces caméras intelligentes sur les droits fondamentaux tels que le droit à la vie privée, le droit de réunion et le droit de manifester », précise Frank Schuermans, président du COC. « Beaucoup d’eau coulera sous les ponts avant que les caméras ne soient réellement déployées. » Il avoue néanmoins qu’il reste des zones d’ombre : personne ne semble avoir une vue d’ensemble sur l’usage de l’IA au sein des 182 zones de police et dans les rangs de la police fédérale. Des récentes révélations ont montré que des agents de la police fédérale avaient recours à un outil de reconnaissance faciale controversé développé par Clearview AI.

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Profilage préventif



Au conseil communal d’Anvers, l’IA inquiète certains élus. Niel Staes (Groen), conseiller communal, ne cache pas son scepticisme. « On ne parle plus de constater une infraction, mais de profiler de manière préventive des personnes ou des groupes, ce qui soulève des questions éthiques », indique-t-il.

Ce type de « police prédictive » est d’ailleurs restreint par les nouvelles réglementations européennes. Le choix de cibler les quartiers juifs n’est pas anodin : la communauté fait face à une augmentation des menaces, notamment à cause du conflit entre Israël, le Hamas et le Hezbollah.

Il y a peu, la vigilance a été renforcée après des appels à la violence lancés par des jeunes sur les réseaux sociaux à l’encontre des juifs d’Anvers. Des images d’agressions physiques dans les rues circulent également. Ralph Pais est responsable du Centre juif d’information et de documentation (JID). Début novembre, il a organisé une réunion de quartier sur le thème de l’insécurité. Pour lui, aucun doute : « Au sein de notre communauté, je ne reçois que des échos positifs par rapport au projet de caméras intelligentes »



[1] https://daardaar.be/rubriques/societe/a-anvers-le-quotidien-resiste-aux-extremes-scenes-de-vie-dans-le-quartier-juif/

[2] https://daardaar.be/rubriques/economie/lintelligence-artificielle-peut-elle-deja-vous-faire-gagner-de-largent/

[3] https://daardaar.be/rubriques/la-police-danvers-a-longtemps-ferme-les-yeux-sur-le-racisme/



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