Comment les médias ont-ils traité « l’affaire Conner Rousseau »? Quelques leçons à tirer…
- Reference: 2023-09_Belgaimage-61056465-255x170
- News link: https://daardaar.be/rubriques/politique/comment-les-medias-ont-ils-traite-laffaire-conner-rousseau-quelques-lecons-a-tirer/
- Source link: https://www.gva.be/cnt/dmf20230906_96393705
Les seuls quotidiens à avoir publié la nouvelle en première page sont le Gazet van Antwerpen et Het Laatste Nieuws ; tous les autres se sont contentés d’un bref entrefilet en pages intérieures. En juin, les choses étaient très différentes. À l’époque, toute la presse quotidienne consacrait plusieurs pages aux deux signalements et à la plainte déposés contre Conner Rousseau à propos de comportements décrits comme indésirables. Était-ce bien nécessaire ? Déjà, à l’époque, notre rédaction se posait cette question. Et elle se la pose à nouveau, maintenant que l’affaire semble ne donner lieu à aucune suite juridique.
La manière dont les grands médias ont traité l’information en juin est très facile à expliquer. À plusieurs reprises déjà, le site satirique d’extrême droite « t Scheldt avait accusé Conner Rousseau de faits nettement plus répréhensibles que des « attitudes déplacées ». Depuis plusieurs jours déjà, les réseaux sociaux déversaient à son sujet des tombereaux de boue. La presse quotidienne n’en parlait pas — jusqu’au jour où il a lui-même fait son coming-out par vidéo, expliquant qu’il se sentait comme du « gibier traqué » ( opgejaagd wild ), avant de se refuser à répondre aux questions relatives au contenu de la vidéo et au choix du moment de sa diffusion.
[2]Qui est Conner Rousseau, le président de Vooruit qui casse les codes des partis traditionnels ?
La plupart des rédactions ont alors décidé d’expliquer à leurs lecteurs ce que pouvait signifier cette expression de « gibier traqué » : elles ont évoqué les rumeurs et exposé correctement les faits, à savoir deux signalements, dont l’un déjà classé sans suite. En revanche, pas un mot sur les accusations lancées à la volée sur les réseaux sociaux.
Aurions-nous dû nous taire jusqu’à ce que toutes les plaintes aient fait l’objet d’une enquête ? Nous y avons pensé, bien sûr. Mais peut-on taire des informations relatives à un homme politique si connu, qui sollicite lui-même les médias avec sa vidéo ? Les lecteurs ne nous en voudraient-ils pas s’il s’avérait ensuite qu’il y avait bien anguille sous roche ? Et ne nous incombe-t-il pas, en tant qu’organe de presse critique, d’ajouter une note critique à cette vidéo, publiée au moment même où Conner Rousseau subit les foudres des réseaux sociaux ?
« À l’avenir, allons-nous publier chaque dénonciation faite aux autorités judiciaires, par n’importe qui, contre n’importe quel personnage politique ? Sans savoir si elle est fondée ? »
Toutes ces questions, nous nous les sommes posées. Et aussi celle-ci : à l’avenir, allons-nous publier chaque dénonciation faite aux autorités judiciaires, par n’importe qui, contre n’importe quel personnage politique ? Sans savoir si elle est fondée ? L’affaire Rousseau montre malheureusement à quel point discréditer quelqu’un par de telles accusations est chose facile.
Il est à craindre que d’autres cas similaires surgissent dans les semaines et les mois à venir. Vraisemblablement, le parti Vooruit aura pris conscience que la communication de Conner Rousseau était inadéquate. De notre côté, nous avons appris qu’un débat sur ce qui mérite d’être publié — ou non — n’est jamais perdu.
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